14ème législature

Question N° 92949
de M. Maurice Leroy (Union des démocrates et indépendants - Loir-et-Cher )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > agriculteurs

Analyse > soutien. mesures.

Question publiée au JO le : 09/02/2016 page : 1089
Réponse publiée au JO le : 19/04/2016 page : 3343

Texte de la question

M. Maurice Leroy attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la persistance de la crise agricole, en particulier dans les filières d'élevage. En Loir-et-Cher comme ailleurs, que ce soit en production de viande bovine, porcine ou encore en production laitière, les filières d'élevage traversent une période extrêmement difficile. Les prix à la production, fortement dégradés, ne permettent plus la rémunération d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, souvent fragilisées depuis plusieurs années. Des questions demeurent en ce début 2016, année dont on peut craindre qu'elle soit aussi défavorable aux activités agricoles que l'année 2015. Au-delà des filières d'élevage, les productions végétales (céréales, oléo-protéagineux) connaissent elles aussi des conditions de vente très défavorables, sans perspective de redressement à court terme. Ce faisant, il apparaît bien que, sans intervention publique coordonnée au niveau européen, les filières agricoles françaises vont au-devant de plus grandes difficultés encore. Aussi, compte tenu de l'acuité de la crise, il ne fait aucun doute que les demandes d'aides ne vont pas se tarir. Il souhaiterait donc connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour y faire face et assurer aux éleveurs un soutien pérenne.

Texte de la réponse

Les filières agricoles, en particulier d'élevage, traversent une période très difficile principalement due à des prix bas en particulier pour le lait et les viandes bovine et porcine, qui ne permettent plus la rémunération d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Cette situation s'explique en partie par des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais elle trouve sa source également dans les difficultés structurelles d'organisation des filières et dans des relations commerciales peu équilibrées au détriment des producteurs. Le Gouvernement répond à cette crise, de dimension européenne, à la fois par la mise en place de mesures de soutien d'urgence au plan national, mais aussi par la mise en œuvre de mesures de nature structurelle, permettant d'apporter des réponses plus durables aux difficultés rencontrées. La France formule des propositions en parallèle, et ce depuis plusieurs mois, auprès de la Commission européenne et des États membres, afin que l'Union européenne prenne toute la mesure de la crise agricole et y réponde avec les outils de régulation des marchés qui sont à sa disposition. Au niveau national, le Gouvernement a mis en œuvre un plan de soutien à l'élevage dès l'été 2015, complété et élargi le 27 janvier dernier pour certaines mesures à d'autres filières, notamment les producteurs de céréales et de fruits et légumes. Le plan comprend des mesures de soutien d'urgence pour améliorer la trésorerie des exploitations, de nature sociale, fiscale et bancaire. Ce sont 140 millions d'euros qui ont été versés fin 2015 aux éleveurs en difficulté au titre d'allègements exceptionnels de cotisations sociales. De nouvelles mesures sociales sont prévues pour 2016, et en particulier la mise en place d'une « année blanche » sociale pour les plus petits revenus agricoles. Des remises gracieuses de divers impôts directs ont été mises en œuvre, permettant près de 40 millions d'euros d'allègement d'impôts aux agriculteurs qui en avaient le plus besoin. En outre, une partie des intérêts d'emprunt des éleveurs a été prise en charge par le fonds d'allègement des charges, pour un montant qui s'élève à plus de 150 millions d'euros. A ce jour, plus de 80% de cette somme a été utilisée et versée, pour répondre à 33 000 demandes remontées par les cellules d'urgence départementales. Les paiements se poursuivent afin de verser le reste des aides aux éleveurs en difficulté le plus rapidement possible. Enfin, le Gouvernement a ouvert une mesure exceptionnelle permettant, jusqu'à fin juin 2016, la restructuration des prêts sous la forme d'une année blanche totale ou partielle pour les situations les plus préoccupantes en termes d'endettement bancaire, aussi bien dans l'élevage que dans les filières des céréales et des fruits et légumes en crise. Le Gouvernement est particulièrement mobilisé pour prendre en charge une partie du coût de cette restructuration, et appelle le réseau bancaire à la mobilisation la plus grande possible aux côtés de l'État. Au-delà de ces aides d'urgence, le Gouvernement met en place des allègements de charges durables et d'une ampleur sans précédent pour les agriculteurs. Au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, les agriculteurs, en 2016, bénéficient de 800 millions d'euros supplémentaires d'allègements de charges par rapport à 2012. Plus récemment, le Gouvernement a décidé d'alléger encore davantage les cotisations personnelles des agriculteurs, à travers une baisse immédiate de 7 points de cotisations sociales à compter du 1er janvier 2016. Depuis 2015, les cotisations personnelles des agriculteurs auront donc baissé de 10 points, soit 25% environ, et ce sans augmentation des impôts et à niveau de prestation sociale constant pour les agriculteurs. Les agriculteurs, en 2016, bénéficieront au total d'un allègement de charges de 2,3 milliards d'euros (contre 1 milliard d'euros en 2012), et ce en dehors des mesures d'urgence mises en place en parallèle. Pour l'ensemble du secteur agricole, agroalimentaire et des services agricoles, d'ici 2017, le secteur aura bénéficié de plus de 3 milliards d'euros d'allègements de charges supplémentaires par rapport à 2012, portant le total à 5,1 milliards d'euros, et ce afin de préserver sa compétitivité et les emplois directement et indirectement liés à l'activité agricole. Mais la première question qui est posée par les agriculteurs est celle des prix qui ont atteint des niveaux ne permettant plus une rémunération décente des producteurs. Cet été, le ministre chargé de l'agriculture a réuni à plusieurs reprises l'ensemble des acteurs des filières, dans les secteurs de la viande bovine, du porc et du lait, alors que les prix baissaient partout en Europe. Si le droit de la concurrence interdit des accords de prix, ces tables rondes auront eu le mérite de faire échanger les acteurs sur l'ampleur de la crise. En France, les prix du porc et du lait ont diminué moins fortement qu'ailleurs, par la simple prise de conscience que la crise que traversent les éleveurs ne pouvait pas être ignorée. De la même manière, le Gouvernement, lors des négociations commerciales pour 2016 qui se sont achevées fin février, a solennellement appelé les entreprises de transformation et de la grande distribution à davantage de responsabilité, et à un esprit de solidarité au regard de la situation des éleveurs. Le Gouvernement a par ailleurs décidé d'accentuer la pression de contrôles pour cette campagne de négociations. Au-delà des négociations commerciales de cette année, tous les acteurs des filières doivent aussi prendre leur part de responsabilité, et le Gouvernement sera toujours là pour les y aider. En effet, l'un des grands enjeux auxquels doivent faire face les filières d'élevage, est celui d'une meilleure capacité d'organisation, notamment par le renforcement des organisations de producteurs, le développement de systèmes de contractualisation améliorés, une protection accrue face à la volatilité des marchés, et une meilleure organisation collective face à la concurrence mondiale. Le Gouvernement a renforcé les organisations de producteurs dans la loi d'avenir pour l'agriculture, a permis de mieux prendre en compte les coûts des matières premières dans les contrats dans la loi relative à la consommation, a renforcé les sanctions pour pratiques commerciales illégales dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, a mis en avant, plus récemment, des formes de contractualisation innovantes qui permettent à l'ensemble des acteurs de sécuriser leurs débouchés et approvisionnements, à des prix plus stables qui permettent d'envisager l'avenir de manière plus sereine. Il convient maintenant aux opérateurs économiques de saisir ces opportunités et d'instaurer des relations de confiance pour avancer ensemble dans un environnement très concurrentiel. Pour aboutir à des relations commerciales plus équilibrées avec les producteurs, le Gouvernement formulera des propositions très concrètes lors de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif à la transparence de la vie économique, présenté en Conseil des ministres le 30 mars dernier. Il appartiendra alors au Parlement de trancher pour un meilleur équilibre des relations commerciales, alors que la loi de modernisation de l'économie de 2008 a placé les producteurs en position de faiblesse face au poids des acteurs de l'aval de la filière. L'amélioration de la situation des producteurs passera également nécessairement par l'amélioration de la qualité des produits et des cahiers des charges de production permettant la signature de contrats générateurs de valeur, autour de la mise en avant de l'origine France. L'État s'est engagé très concrètement à recenser tous ses marchés d'achat alimentaire afin de faire davantage appel aux produits issus de filières ancrées dans nos territoires. Le ministre chargé de l'agriculture a également développé un ensemble d'outils à destination des donneurs d'ordre de la restauration collective publique, État et collectivités, pour traduire concrètement la priorité du Gouvernement pour l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits. Enfin, il a présenté à la Commission européenne, un projet de décret rendant obligatoire l'étiquetage de l'origine des viandes et du lait utilisés comme ingrédients dans les produits transformés (l'étiquetage pour les viandes fraîches est déjà obligatoire depuis le 1er avril 2015). La Commission s'est déclarée prête à permettre à la France d'avancer sur ce sujet à titre expérimental, ce qui répondra à une forte demande des consommateurs. La France est également un grand pays exportateur agricole et agroalimentaire. C'est pourquoi il était nécessaire, pour développer la présence de nos produits à l'étranger, de constituer une structure commune de conquête pour les exportations. C'est chose faite à travers la SAS « Viande France export » qui regroupe à ce jour 33 entreprises, dont 16 qui sont simultanément actives dans le secteur de la viande bovine et du porc. Le Gouvernement a également, dans le cadre du plan de soutien à l'élevage, abondé les crédits de promotion pour les professionnels, sur les marchés export et nationaux, à hauteur de 10 millions d'euros. Enfin, la mobilisation des services de l'État en France et à l'étranger est totale, aux côtés des professionnels, pour les accompagner dans les pays identifiés comme prioritaires pour lever les barrières à l'exportation chaque fois que cela est possible. Par ailleurs, au-delà de ces actions nationales, le ministre chargé de l'agriculture mène, depuis plusieurs mois, avec le soutien du Président de la République et du Premier ministre, une véritable bataille au niveau européen, pour obtenir de la Commission européenne qu'elle reconnaisse la gravité de la crise qui touche les agriculteurs européens, et qu'elle prenne les mesures de régulation des marchés qui s'imposent. Cette bataille a débouché à l'automne dernier sur la mobilisation de crédits européens d'urgence à hauteur de 500 millions d'euros, dont 420 millions d'euros répartis entre les États membres. La France était le deuxième pays bénéficiaire de cette enveloppe avec 63 millions d'euros. Malgré ces crédits d'urgence et les mesures de stockage privé obtenues, les marchés restent dans une situation de tension, en particulier pour le lait et le porc. Le ministre a donc demandé au Commissaire européen à l'agriculture, en lien avec d'autres États membres, d'étudier de nouvelles mesures qui permettent de réguler davantage les marchés, et apportent une réponse durable au déséquilibre de l'offre et de la demande, Ces demandes ont débouché sur les mesures qui ont été décidées lors du Conseil des ministres de l'agriculture du 14 mars, permettant notamment aux acteurs de planifier collectivement et de manière temporaire la production de lait par dérogation au droit de la concurrence, mettant en place des mesures complémentaires d'aide au stockage privé des produits laitiers et du porc et doublant les volumes de lait écrémé en poudre et de beurre pouvant être mis à l'intervention publique. La mise en place d'un observatoire européen des marchés des viandes porcine et bovine renforcé a été décidée, à l'instar de l'observatoire du lait. Le Gouvernement porte désormais tous ses efforts pour mobiliser les acteurs européens afin qu'ils se saisissent des outils disponibles pour stabiliser le marché. Le Gouvernement, conscient de la nécessité de construire des réponses de long terme pour consolider la compétitivité des filières à l'avenir, offre aux opérateurs davantage de soutien pour investir. Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles, qui permet de lever 1 milliard d'euros d'investissement par an, est soutenu par les pouvoirs publics à hauteur de 350 millions annuels (contre 100 millions en 2012). Concernant l'aval, le programme d'investissements d'avenir est doté de 120 millions d'euros pour les investissements dans l'agroalimentaire, dont 50 millions sur 2 ans pour les seuls abattoirs, ce qui correspond à un soutien public doublé sur ces opérateurs par rapport à la période 2002-2012. L'agriculture et l'agroalimentaire sont également des secteurs largement bénéficiaires de la mesure exceptionnelle ouverte pour sur-amortir les investissements productifs, et un dispositif d'amortissement accéléré des investissements en construction et rénovation de bâtiments d'élevage a été adopté en loi de finances pour 2016, permettant ainsi d'aider les agriculteurs à réaliser les mises aux normes nécessaires qu'ils auraient à effectuer. En parallèle, les dispositifs de gestion des aléas, à savoir la dotation pour aléas et les contrats d'assurance socles, ont été améliorés pour faciliter leur utilisation et les rendre plus attractifs pour les agriculteurs, qui doivent faire face à des aléas aussi bien climatiques qu'économiques de plus en plus violents. Les investissements dans la croissance verte sont également encouragés à travers des mesures incitatives en matière de photovoltaïque et de méthanisation sur les exploitations agricoles. Ces activités de diversification directement liées à la production agricole constituent en effet une opportunité pour les agriculteurs de générer du revenu complémentaire, tout en répondant à une demande de plus en plus forte des Français et des territoires pour les énergies renouvelables. Enfin, les agriculteurs demandent également des simplifications de normes, et là encore, le Gouvernement répond présent. Depuis 2012, le ministre chargé de l'agriculture n'a pris aucune mesure, notamment en matière environnementale, qui constitue une sur-transposition du droit européen. Il a au contraire simplifié à chaque fois que cela était possible, notamment en matière d'installations classées d'élevage, tout en veillant à ne pas mettre à mal ni la gestion du risque, ni la protection de l'environnement. Une nouvelle méthode de travail est désormais engagée avec la profession agricole, permettant de l'associer très en amont de la production de normes, et ce dans tous les champs (sociaux, environnementaux…) qui peuvent avoir des conséquences sur l'activité agricole, dans le cadre d'un comité interministériel de la simplification présidé par un préfet. Le ministre continuera son combat pour le déploiement de l'agro-écologie le plus large possible sur le territoire national, et au-delà, au service de la performance économique et environnementale des exploitations agricoles. Cette approche ne consiste pas à multiplier les normes, bien au contraire, en obtenant de meilleurs résultats en termes agronomiques et environnementaux, elle peut permettre à l'avenir de faire baisser la pression normative en faisant confiance aux résultats. Le ministre chargé de l'agriculture est convaincu de la nécessité de cette transition pour l'avenir du secteur, en phase avec les attentes du consommateur, et qui permet, à travers une approche plus collective, de faire baisser les charges opérationnelles des exploitations agricoles, de renforcer leur résilience face aux aléas qui se multiplient, notamment grâce au développement de l'autonomie fourragère des élevages que le climat tempéré et diversifié de notre pays permet, tout en obtenant des rendements agricoles élevés et durables.