Question de : M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Les Républicains

M. Martial Saddier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la crise agricole en France. Les agriculteurs sont à bout de souffle et manifestent leur colère depuis plusieurs semaines. Actuellement, le poids des charges les contraint à travailler à perte dans la mesure où le prix qu'ils reçoivent lors de la vente de leur produit est inférieur au prix de production. Une telle situation n'est pas concevable et des mesures structurelles s'imposent pour soutenir et préserver notre agriculture. Aussi, il souhaiterait connaître les réponses que le Gouvernement entend apporter aux revendications des agriculteurs.

Réponse publiée le 23 août 2016

Les filières agricoles, en particulier d'élevage, traversent une période très difficile principalement due à des prix bas qui ne permettent plus la rémunération d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Cette situation s'explique en partie par des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais elle trouve sa source également dans les difficultés structurelles d'organisation des filières et dans des relations commerciales peu équilibrées au détriment des producteurs. Le Gouvernement répond à cette crise, de dimension européenne, à la fois par la mise en place de mesures de soutien d'urgence au plan national, mais aussi par la mise en œuvre de mesures de nature plus structurelle, permettant d'apporter des réponses plus durables aux difficultés rencontrées. La France formule des propositions en parallèle, et ce depuis plusieurs mois, auprès de la Commission européenne et des États membres, afin que l'Union européenne prenne toute la mesure de la crise agricole et y réponde avec les outils de régulation des marchés qui sont à sa disposition. Au niveau national, le Gouvernement a mis en œuvre un plan de soutien à l'élevage dès l'été 2015, complété et élargi le 26 janvier 2016 pour certaines mesures à d'autres filières, notamment les producteurs de céréales et de fruits et légumes. Le plan comprend des mesures de soutien d'urgence pour améliorer la trésorerie des exploitations, de nature sociale, fiscale et bancaire. Dans ce cadre, les 47 000 éleveurs les plus en difficulté bénéficient de près de 210 millions d'euros d'aides nationales et de l'Union européenne. Les derniers paiements interviendront d'ici la fin du mois de juin. Simultanément, un complément d'aide européen sera versé à chaque bénéficiaire du fonds d'allègement des charges (FAC), à hauteur de 16 % des aides déjà versées, et d'une somme forfaitaire de 400 € environ par dossier. En plus de ces aides, le plan de soutien à l'élevage comprend également des mesures conjoncturelles d'allègement et de prise en charge de cotisations sociales ainsi que des mesures fiscales, pour un montant global de près de 200 millions d'euros. En complément, la mesure « année blanche bancaire », permettant la restructuration totale ou partielle de la dette des éleveurs et des agriculteurs en difficulté, est prolongée jusqu'au 31 octobre 2016 pour permettre de traiter les dossiers déposés tardivement. Au-delà de ces aides d'urgence, le Gouvernement met en place des allègements de charges durables et d'une ampleur sans précédent pour les agriculteurs. Au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et du pacte de responsabilité et de solidarité, les agriculteurs, en 2016, bénéficient de 800 millions d'euros supplémentaires d'allègements de charges par rapport à 2012. Plus récemment, le Gouvernement a décidé d'alléger encore davantage les cotisations personnelles des agriculteurs, à travers une baisse immédiate de 7 points de cotisations sociales à compter du 1er janvier 2016. Depuis 2015, les cotisations personnelles des agriculteurs auront donc baissé de 10 points, soit 25 % environ, et ce sans augmentation des impôts et à niveau de prestation sociale constant pour les agriculteurs. Les agriculteurs, en 2016, bénéficieront au total d'un allègement de charges de 2,3 milliards d'euros (contre 1 milliard d'euros en 2012), ce en dehors des mesures d'urgence mises en place en parallèle. L'ensemble du secteur agricole, agroalimentaire et des services agricoles aura bénéficié d'ici 2017 de plus de 3 milliards d'euros d'allègements de charges supplémentaires par rapport à 2012, portant le total à 5,1 milliards d'euros, et ce afin de préserver sa compétitivité et les emplois directement et indirectement liés à l'activité agricole. Mais la première question posée est celle des prix qui ont atteint des niveaux ne permettant plus toujours une rémunération décente des producteurs. Si le droit de la concurrence interdit des accords de prix, les tables rondes réunies à l'initiative du ministre chargé de l'agriculture l'été dernier dans les secteurs de la viande bovine, du porc et du lait auront eu le mérite de faire échanger les acteurs sur l'ampleur de la crise. En France, les prix du porc et du lait ont diminué moins fortement qu'ailleurs, par la simple prise de conscience que la crise que traversent les éleveurs ne pouvait pas être ignorée. De la même manière, le Gouvernement, lors des négociations commerciales pour 2016 qui se sont achevées fin février, a solennellement appelé les entreprises de transformation et de la grande distribution à davantage de responsabilité et à un esprit de solidarité au regard de la situation des éleveurs. Le Gouvernement a par ailleurs décidé d'accentuer la pression de contrôles pour cette campagne de négociations. Au-delà des négociations commerciales de cette année, tous les acteurs des filières doivent aussi prendre leur part de responsabilité et le Gouvernement sera toujours là pour les y aider. En effet, l'un des grands enjeux auxquels doivent faire face les filières d'élevage est celui d'une meilleure capacité d'organisation, notamment par le renforcement des organisations de producteurs, le développement de systèmes de contractualisation améliorés, une protection accrue face à la volatilité des marchés et une meilleure organisation collective face à la concurrence mondiale. Le Gouvernement a renforcé les organisations de producteurs dans la loi d'avenir pour l'agriculture, a permis de mieux prendre en compte les coûts des matières premières dans les contrats dans la loi relative à la consommation, a renforcé les sanctions pour pratiques commerciales illégales dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, a mis en avant, plus récemment, des formes de contractualisation innovantes qui permettent à l'ensemble des acteurs de sécuriser leurs débouchés et approvisionnements, à des prix plus stables qui permettent d'envisager l'avenir de manière plus sereine. Il convient maintenant aux opérateurs économiques de saisir ces opportunités et d'instaurer des relations de confiance pour avancer ensemble dans un environnement très concurrentiel. Pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs, le Gouvernement a formulé des propositions très concrètes dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui vient d'être voté en première lecture à l'Assemblée nationale. Le texte issu de cette première lecture comporte des dispositions permettant des avancées importantes pour les agriculteurs. Elles visent à assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs. Ainsi, pour les filières soumises à contractualisation écrite obligatoire, le texte prévoit la mise en place d'un accord-cadre entre les acheteurs (transformateurs) et les organisations de producteurs (OP) ou associations de producteurs (AOP) afin de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs. Il est également prévu de prendre en compte de manière obligatoire les prix de vente des produits transformés pour la fixation des prix payés aux agriculteurs, afin d'assurer une juste répartition de la valeur. Par ailleurs, l'article 30 du projet de loi qui a été soutenu par les députés interdit la cession à titre onéreux des contrats laitiers entre producteurs, pour une durée de 7 ans, afin de ne pas nuire à la compétitivité de la filière, à l'installation des jeunes agriculteurs et à l'investissement. Dans le même temps, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sur la base des propositions du ministre chargé de l'agriculture prévoient de rendre obligatoire l'indication, dans les contrats commerciaux entre industriels et distributeurs, du prix prévisionnel moyen payé au producteur pour les filières soumises à contractualisation obligatoire. Un amendement du Gouvernement adopté par les députés prévoit également la possibilité pour les entreprises agroalimentaires de négocier des contrats pluriannuels pour une période maximale de trois ans, afin de disposer d'une meilleure visibilité sur leurs prix et leurs volumes. Ces contrats intégreront une clause obligatoire de révision des prix qui pourra s'appuyer sur des indices publics de coûts de production. En outre, l'amélioration de la situation des producteurs passera également nécessairement par l'amélioration de la qualité des produits et des cahiers des charges de production permettant la signature de contrats générateurs de valeur, autour de la mise en avant de l'origine France. L'État s'est engagé très concrètement à recenser tous ses marchés d'achat alimentaire afin de faire davantage appel aux produits issus de filières ancrées dans nos territoires. Un ensemble d'outils à destination des donneurs d'ordre de la restauration collective publique, État et collectivités, a également été développé pour traduire concrètement la priorité du Gouvernement pour l'ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits. Enfin, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne un projet de décret obligeant, à titre expérimental en France, l'étiquetage de l'origine des viandes et du lait utilisés comme ingrédients dans les produits transformés (l'étiquetage pour les viandes fraîches est déjà obligatoire depuis le 1er avril 2015). La Commission a déclaré par oral qu'elle était prête sur le principe à permettre d'avancer à ce sujet. Elle examine actuellement la notification des autorités françaises. La France est également un grand pays exportateur agricole et agroalimentaire. C'est pourquoi il était nécessaire, pour développer la présence de nos produits à l'étranger, de constituer une structure commune de conquête pour les exportations. C'est chose faite à travers la société par actions simplifiée « viande France export » qui regroupe à ce jour 33 entreprises, dont 16 qui sont simultanément actives dans les secteurs de la viande bovine et du porc. Le Gouvernement a également, dans le cadre du plan de soutien, abondé les crédits de promotion pour les professionnels, sur les marchés export et nationaux, à hauteur de 10 millions d'euros. Enfin, la mobilisation des services de l'État en France et à l'étranger est totale, aux côtés des professionnels, pour les accompagner dans les pays identifiés comme prioritaires pour lever les barrières à l'exportation chaque fois que cela est possible. Par ailleurs, au-delà de ces actions nationales, le Gouvernement mène, depuis plusieurs mois, avec le soutien du Président de la République, une véritable bataille au niveau européen pour obtenir de la Commission européenne qu'elle reconnaisse la gravité de la crise qui touche les agriculteurs européens et qu'elle prenne les mesures de régulation des marchés qui s'imposent. Ces négociations ont débouché sur la mobilisation de crédits européens d'urgence à hauteur de 500 millions d'euros, dont 420 millions d'euros répartis entre les États membres. La France était le deuxième pays bénéficiaire de cette enveloppe avec près de 63 millions d'euros. Malgré ces crédits d'urgence et les mesures de stockage privé obtenues, les marchés restent dans une situation de tension, en particulier pour le lait. La France a donc demandé au Commissaire européen à l'agriculture, en lien avec d'autres États membres, d'étudier de nouvelles mesures qui permettent de réguler davantage les marchés et apportent une réponse durable au déséquilibre de l'offre et de la demande, au nom des producteurs français. Ces demandes ont débouché sur les mesures qui ont été décidées lors du Conseil des ministres de l'agriculture du 14 mars 2016, permettant notamment aux acteurs de planifier collectivement et de manière temporaire la production de lait par dérogation au droit de la concurrence, mettant en place des mesures complémentaires d'aide au stockage privé des produits laitiers et du porc et doublant les volumes de lait écrémé en poudre et de beurre pouvant être mis à l'intervention publique à prix fixe. La mise en place d'un observatoire européen des marchés des viandes porcine et bovine renforcé a été décidée, à l'instar de l'observatoire du lait. Le Gouvernement porte désormais tous ses efforts pour mobiliser les acteurs européens afin qu'ils se saisissent des outils disponibles pour stabiliser le marché. Une position commune a d'ailleurs été établie avec l'Allemagne et la Pologne lors du déplacement du ministre chargé de l'agriculture à Varsovie le 9 juin dernier afin de solliciter une incitation financière européenne pour encourager la réduction volontaire de la production laitière. Cette étape est importante pour préparer les prochains Conseils des ministres de l'agriculture de l'Union européenne prévus aux mois de juin et juillet. Le Gouvernement, conscient de la nécessité de construire des réponses de long terme pour consolider la compétitivité des filières à l'avenir, n'a pas limité son action à des réponses de crise, mais offre aux opérateurs davantage de soutien pour investir. En particulier à travers le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles, qui permet de lever 1 milliard d'euros d'investissement par an, soutenu par les pouvoirs publics à hauteur de 350 millions annuels (contre 100 millions en 2012), mais aussi à l'aval, grâce au programme d'investissement d'avenir, avec 120 millions d'euros consacrés aux investissements dans l'agroalimentaire, dont 50 millions sur 2 ans pour les seuls abattoirs, ce qui correspond à un soutien public doublé sur ces opérateurs par rapport à la période 2002-2012. L'agriculture et l'agroalimentaire sont également des secteurs largement bénéficiaires de la mesure exceptionnelle ouverte pour sur-amortir les investissements productifs, et un dispositif d'amortissement accéléré des investissements en construction et rénovation de bâtiments d'élevage a été adopté en loi de finances pour 2016, permettant ainsi d'aider très concrètement les agriculteurs dans les mises aux normes nécessaires qu'ils auraient à effectuer. En parallèle, les dispositifs de gestion des aléas, à savoir la dotation pour aléas et les contrats d'assurance socles, ont été améliorés pour faciliter leur utilisation et les rendre plus attractifs pour les agriculteurs qui doivent faire face à des aléas aussi bien climatiques qu'économiques de plus en plus violents. Les investissements dans la croissance verte sont également encouragés à travers des mesures incitatives en matière de photovoltaïque et de méthanisation sur les exploitations agricoles. Ces activités de diversification directement liées à la production agricole constituent en effet une opportunité pour les agriculteurs de générer du revenu complémentaire tout en répondant à une demande de plus en plus forte des Français et des territoires pour les énergies renouvelables.

Données clés

Auteur : M. Martial Saddier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 1er mars 2016
Réponse publiée le 23 août 2016

partager