sécurité
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le processus établi en 2016 par les Nations unies (résolution A/RES/70/33) qui entreprend un travail sur les mesures légales et les normes juridiques portant sur les armes nucléaires. Ce processus a mis en place un groupe de travail à composition non limitée (OEWG) dont l'objectif est de « faire avancer les négociations sur le désarmement nucléaire ». La France a refusé de se joindre à ce processus en prétextant que ce groupe de travail « s'inscrivait dans une approche radicale du désarmement, déconnectée du contexte stratégique ». Cette posture attentiste qui propose que le désarmement nucléaire n'intervienne que lorsque les tensions et crises cesseront ne peut être qu'un facteur négatif dans la confiance internationale et fait perdurer le risque d'accident nucléaire. Cela revient à dire que tant qu'il y aura des tensions dans le monde, alors il faut conserver un arsenal nucléaire. Pourtant, ces tensions sont en partie créées par la possession de ces arsenaux, chaque puissance modernisant son arsenal, engendrant ainsi un cercle vicieux. La récente déclaration du ministre des affaires étrangères et du développement international qui exprime le souhait que « le groupe de travail s'engage dans un dialogue équilibré et constructif aux approches diverses afin de conduire à des résultats de consensus qui contribueraient à promouvoir la coopération future entre les États dotés d'armes nucléaires et les États non dotés d'armes nucléaires » met en lumière une contradiction entre cette ambition de réussite et le refus de participer à ce groupe de travail décrié comme « une approche radicale du désarmement ». Il lui demande de clarifier sa position et d'expliquer quelle action le Gouvernement va mettre en place pour poursuivre les efforts de désarmement nucléaire et d'une manière générale les faire progresser alors qu'aucune mesure n'a été annoncée depuis 2008 et que le refus de participer à ce groupe de travail ne peut que ralentir voire endommager ce processus.
Réponse publiée le 31 mai 2016
La France est pleinement mobilisée en faveur du désarmement nucléaire. Elle a un bilan exemplaire en la matière : elle est le premier Etat doté d'armes nucléaires, avec le Royaume-Uni, à avoir ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; elle a diminué de moitié son arsenal nucléaire total depuis la fin de la Guerre froide ; elle a démantelé la composante terrestre de sa dissuasion ; elle a réduit d'un tiers sa composante aéroportée ; elle a démantelé de manière irréversible ses installations de production de matières fissiles pour les armes nucléaires et ses sites d'essais nucléaires. La France sait qu'il ne suffit pas de proclamer le désarmement nucléaire immédiat et total : le désarmement ne peut progresser qu'en prenant en compte le contexte stratégique et les impératifs de sécurité qui en découlent. L'approche française est donc une approche réaliste, qui s'inscrit dans le cadre d'un processus graduel. La France défend, dans ce contexte, deux priorités complémentaires : l'entrée en vigueur au plus tôt du TICE, qui limite le développement qualitatif des arsenaux nucléaires ; le lancement de la négociation sur un Traité interdisant la production de matières fissiles pour des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires (FMCT), qui permettra de limiter le développement quantitatif des arsenaux nucléaires. A l'opposé de cette approche pragmatique et responsable se trouvent les tenants d'une approche idéologique du désarmement nucléaire, qui s'attachent aux mots plutôt qu'aux actes. L'objectif qu'ils défendent est celui d'une interdiction totale des armes nucléaires, qu'ils sont prêts à voir se réaliser même sans le soutien des Etats qui possèdent l'arme nucléaire, pourtant principaux acteurs du processus et en dépit des crises de prolifération nucléaire (RPDC aujourd'hui, Libye, Syrie, Irak et Iran auparavant). La résolution A/RES/70/33 votée à l'Assemblée générale des Nations unies inscrivait le groupe de travail sur le désarmement nucléaire dans cette approche radicale du désarmement, déconnectée du contexte stratégique. Elle plaçait par ailleurs les travaux du groupe dans un cadre non consensuel, hors de la Conférence du désarmement, seule enceinte multilatérale dans ce domaine. La France considère que, dans ces conditions, le groupe de travail ne pourra pas déboucher sur des discussions constructives menant à des progrès concrets. La France a donc voté contre cette résolution, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine, et n'a pas souhaité, dans la continuité logique de cette prise de position, participer à ce groupe de travail. Elle reste engagée dans la poursuite de ses efforts pour faire progresser le désarmement nucléaire.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 10 mai 2016
Réponse publiée le 31 mai 2016