Question de : Mme Marion Maréchal-Le Pen
Vaucluse (3e circonscription) - Non inscrit

Mme Marion Maréchal-Le Pen interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la pertinence de l'interdiction d'utiliser le Dimethoate tant celle-ci risque de se révéler pénalisante pour l'économie française et provençale d'une part, et d'autre part, sans effet pour ce qui est de protéger la santé des consommateurs. En premier lieu, ce sont les récoltes de cerises de 2016 qui risquent d'être ravagées par la mouche de la cerise (Rhagoletis ceras) et la drosophila suzukii, puisqu'aucun produit de substitution à l'efficacité avérée n'a encore été mis au point. En outre, espérant sans doute, et fort logiquement, que le Dimethoate resterait autorisé jusqu'à la mise sur le marché d'un vrai succédané, très peu d'arboriculteurs ont fait le choix d'installer des filets anti-insectes, d'abord en raison de leur coût, pouvant atteindre 40 000 euros l'hectare, et ensuite en raison de la difficile compatibilité d'un tel équipement avec le climat souvent venteux que l'on rencontre sur les territoires de production. Les producteurs ont été pris de court et ne sont pas prêts à faire face à cette interdiction ; leur production s'en trouve ainsi menacée de manière imminente et de fait, également, la pérennité de leur activité. Les producteurs et industriels de la cerise risquent ensuite de subir une double peine avec la concurrence déloyale à laquelle ils devront se heurter. En effet, le Dimethoate est autorisé par d'autres pays, comme la Turquie, qui exportent leur production en France. Quand bien même le Gouvernement a décidé de mettre en place une « clause de sauvegarde nationale » pour interdire l'accès de ces cerises traitées au Dimethoate au marché français, celles-ci pourront être toutefois exportées vers un pays membre de l'UE pour être ensuite réexpédiées en France, puisque dès lors considérées comme production de ce pays européen. Ensuite, de rares États membres de l'UE (Espagne, Italie) ont également interdit l'utilisation du Dimethoate. Ces pays, qui sont également réputés pour la défaillance de leurs contrôles, peuvent donc exporter leur production en France. Sachant de surcroît que les normes sociales de tous ces pays, bien moins exigeantes que les normes françaises, permettent aux producteurs de réduire à outrance les coûts de production, il est à craindre que la compétitivité des producteurs français se retrouve, au final, considérablement affaiblie vis-à-vis des centrales d'achat, tant en volume qu'en matière de prix de vente. Pour les filières industrielles de transformation de la cerise (cerise blanche confite), dont le procédé de fabrication élimine d'ailleurs toute trace de Dimethoate, l'interdiction de cet insecticide risque d'impliquer une rupture d'approvisionnement, l'impossibilité d'honorer les carnets de commande et, à très court terme, compte tenu de l'imminence de la période de récolte, la fermeture et le dépôt de bilan avec comme corollaire immédiat, une perte d'emploi pour plusieurs centaines de salariés et la fin de l'activité pour de nombreuses familles d'agriculteurs. Comme c'est déjà le cas pour d'autres filières, une telle mesure pourrait par ailleurs inciter les producteurs et les industriels à délocaliser leur production sous des horizons plus propices, ce qui signifie une nouvelle perte de savoir-faire au détriment de notre pays, ou pire encore, les inciter à opter pour des choix aux conséquences beaucoup plus dramatiques. Cette décision vient également pénaliser tout un territoire puisqu'elle fait peser le risque d'une disparition de ces filières, pourtant vitrines du Made in France et du Made in Provence, dont le rayonnement dépasse les frontières nationales et dont le lien avec le secteur du tourisme est par conséquent étroit. Le phénomène de désertification rurale, déjà prégnant sur ces territoires, n'en sera que plus accentué. Enfin, si les conséquences de cette interdiction franco-française sont extrêmement lourdes sur le plan économique, leur effet risque bien d'être nul pour protéger la santé du consommateur puisque l'exportation vers la France de cerises traitées au Dimethoate demeure possible. Aussi, elle lui demande, d'une part, comment le Gouvernement entend pallier les dégâts sur l'économie occasionnés par l'interdiction du Dimethoate, et d'autre part, comment il compte interdire l'importation de cerises traités aux Dimethoate, y compris par le biais des réexpéditions.

Réponse publiée le 26 juillet 2016

Au niveau européen, la substance active insecticide diméthoate a été inscrite sur la liste des substances autorisées dans des produits phytosanitaires le 1er octobre 2007 pour dix ans. Cette décision a été prolongée jusqu'au 31 juillet 2018. Dans ce cadre, l'entreprise à l'origine de la demande d'inscription devait fournir des données relatives à certains métabolites préoccupants, destinées à confirmer l'évaluation des risques toxicologiques pour le consommateur. En 2013, sur la base de l'ensemble des données fournies par l'entreprise, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a conclu que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer formellement, au niveau européen, que l'utilisation de la substance active diméthoate ne présentait pas de risque inacceptable pour le consommateur. L'absence de conclusion européenne a renvoyé aux États membres la responsabilité de statuer, produit par produit et usage par usage, sur le niveau de risque pour le consommateur lié à l'utilisation de produits à base de diméthoate. L'entreprise commercialisant en France les produits à base de diméthoate a sollicité le renouvellement des autorisations de mise sur le marché de ses produits, qui allaient arriver à échéance. Elle n'a pas sollicité le renouvellement de l'autorisation pour l'usage sur cerisiers. En l'absence de données sur les résidus, quels que soient les usages revendiqués, l''agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a été conduite à retirer l'autorisation en France des produits à base de diméthoate en février 2016, sans aucune observation de la part de l'entreprise les commercialisant lors de la procédure contradictoire. L'examen des autorisations délivrées par d'autres États membres pour des produits identiques, notamment au titre de l'article 53 du règlement (CE) no 1107/2009 (« dérogations 120 jours ») avait par ailleurs conduit la France à solliciter auprès du pétitionnaire les données d'évaluation du risque pour le consommateur qui auraient pu être fournies dans d'autres États membres. Le détenteur a répondu que l'ensemble de ses données avaient été transmises dans le cadre de la demande de ré-approbation de la substance active, actuellement en cours d'examen par l'Italie, État membre rapporteur. L'usage sur cerises n'est toutefois pas défendu dans le cadre du dossier de ré-approbation de la substance active. Aucune pratique agricole sur la cerise ni aucune étude de résidus sur cette culture ne sont donc disponibles dans le dossier actuellement en cours d'examen. En l'absence de données complémentaires permettant d'envisager une dérogation, la France a demandé le 29 mars dernier à la Commission européenne de mettre en place des mesures d'interdiction immédiate de l'utilisation du diméthoate dans toute l'Union européenne sur les fruits et légumes et des mesures d'interdiction d'importation de cerises provenant de pays dans lesquels la substance serait autorisée. La Commission européenne a saisi l'EFSA, qui a rendu un avis, en urgence, le 11 avril, sur la base des données disponibles. L'avis de l'EFSA constate le manque de données pour ce produit, en particulier dans le traitement des cerises, et conclut que les risques aigus et à long terme de l'utilisation du diméthoate sur la santé des consommateurs ne peuvent pas être exclus. Une intoxication au diméthoate peut provoquer notamment des tremblements, une hypersalivation et, dans les cas graves, une détresse respiratoire. Dans le cadre des utilisations revendiquées antérieurement pour l'usage du diméthoate, la pratique agricole visant à assurer un niveau suffisant d'efficacité contre les mouches attaquant les cultures est très proche de la dose qui présente un risque pour le consommateur. Ce constat a d'ailleurs conduit, au niveau européen, à inscrire en 2015 le diméthoate sur la liste des substances actives dont les États membres doivent envisager la substitution par d'autres produits ou alternatives agronomiques. Pour être certain de protéger les consommateurs, mais également les agriculteurs français d'une concurrence déloyale, et en l'absence d'interdiction au niveau européen, le Gouvernement a pris une clause de sauvegarde le 21 avril 2016 qui interdit l'importation et la commercialisation en France de cerises fraîches provenant de pays autorisant le diméthoate. Il est à noter que la majorité des pays de l'Union européenne se sont engagés à ne pas délivrer en 2016 d'autorisation de mise sur le marché dérogatoire pour l'usage de diméthoate sur cerisiers voire même ont retiré cet usage avant le début de la campagne. Pour les producteurs français, la priorité est de limiter les dégâts de Drosophila suzukii en s'appuyant sur les préparations insecticides alternatives autorisées sur cerises ainsi que sur les solutions non chimiques de protection des cerisiers, qui présentent des niveaux d'efficacité variables mais apportent des solutions, seules ou en combinaison, pour lutter contre les mouches. Dans le cadre des échanges réguliers avec les professionnels agricoles concernés dans ce dossier, le ministre de l'agriculture a indiqué que les pertes de récoltes qui résulteraient cette année des dégâts générés par la mouche Drosophila suzukii pourraient être indemnisées à condition que les producteurs de cerises s'engagent dans un plan de prévention et de lutte durable contre cet insecte nuisible. De façon plus générale, les agriculteurs doivent, avec l'appui technique et financier décidé par le Gouvernement dans le cadre du plan Écophyto 2, construire des stratégies de lutte et de prévention collectives pour mieux se prémunir contre les ennemis des cultures.

Données clés

Auteur : Mme Marion Maréchal-Le Pen

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 24 mai 2016
Réponse publiée le 26 juillet 2016

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