Question de : M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur le fait que la France compte aujourd'hui officiellement 230 000 travailleurs détachés soit 30 fois plus qu'il y a quinze ans. La directive « détachement des travailleurs » mise en place par l'Europe permet qu'un travailleur européen vienne exercer son métier en France. Les seules conditions étant que son patron doive lui payer un salaire français et prévoir de quoi le nourrir et le loger. L'avantage pour l'employeur est que les cotisations sociales sont payées dans le pays d'origine du travailleur détaché. Ces cotisations patronales représentent en France 38 % en moyenne, contre 27 % en Roumanie, 23 % au Portugal, ou bien 18 % en Pologne. Ce système s'apparente purement et simplement à une forme de « dumping social ». Il représente une aubaine totalement légale pour les employeurs, qui d'ores et déjà, n'hésitent pas à frauder ce système déjà fort avantageux, notamment en imposant des salaires au rabais et des horaires de forçat à une main-d'œuvre docile (qui n'est parfois même pas déclarée). Pour le système français de protection sociale, la perte sèche de cotisations est estimée à 400 millions d'euros par an. Face à ces constats inquiétants, il se demande ce qui est mis en place par le Gouvernement français pour lutter contre ces méthodes légales permettant de casser le prix du travail.

Réponse publiée le 13 décembre 2016

La France est attachée au principe de libre circulation des travailleurs, qui constitue l'un des principaux acquis de la construction européenne. Toutefois, un renforcement du cadre juridique applicable aux travailleurs détachés est indispensable car les schémas de contournement de la réglementation en vigueur dans les pays d'accueil deviennent de plus en plus sophistiqués. La France s'est donc investie en vue d'une amélioration de la législation ainsi que d'un renforcement de la lutte contre les abus et la concurrence déloyale. Dans le cadre de la révision de la directive d'application relative au détachement des travailleurs, adoptée en 2014, elle a œuvré avec succès pour le renforcement des droits des travailleurs détachés afin de rendre les conditions de concurrence plus équitables. En outre, la France a fortement soutenu la révision de la directive 96/71 et, avec l'appui de l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède, a adressé un courrier commun en ce sens à Mme Thyssen, commissaire chargée de l'emploi, des affaires sociales, des compétences et de la mobilité des travailleurs. Au niveau national, la France s'est également engagée contre les abus au détachement des travailleurs. Selon les dispositions de la loi no 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre doivent ainsi vérifier les déclarations établies par les prestataires de services et la télé-déclaration en ligne a été rendue obligatoire par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. En outre, certaines dispositions de la loi du 6 août 2015 précitée, qui sont entrées en vigueur au 1er juillet 2016, précisent également les obligations et les responsabilités des entreprises de transport terrestre qui détachent des salariés, renforçant les obligations administratives et assimilant le destinataire du contrat de transport au donneur d'ordre. La France a accueilli favorablement la publication par la Commission, le 8 mars 2016, d'une proposition de révision ciblée de la directive 96/71, qui s'inscrit dans la recherche d'un meilleur équilibre entre liberté de circulation, liberté de prestation de services et droits des travailleurs. Cette proposition présente des améliorations, telles que la précision des éléments constitutifs de la rémunération, y compris pour les sous-traitants ; une meilleure définition des règles s'attachant au contrat de travail lorsque la durée du détachement excède 24 mois ; l'application aux travailleurs intérimaires du principe d'égalité de traitement avec les travailleurs recrutés directement par une entreprise pour y occuper le même poste. Les négociations sur ce texte se sont engagées dans un contexte marqué par l'opposition de plusieurs Etats membres à l'égard de l'initiative de la Commission et l'activation par onze parlements nationaux de la procédure de « carton jaune » prévue par le droit de l'Union pour contester la proposition de révision de la directive au titre du principe de subsidiarité. La Commission a néanmoins décidé de maintenir son initiative, ce dont la France se félicite. Par ailleurs, le gouvernement considère que le secteur spécifique des transports est caractérisé aujourd'hui par d'importants phénomènes de distorsion dus au contournement des règles relatives au détachement, qui s'appliquent pourtant sans ambiguïté à celui-ci. La priorité doit donc aller à l'application effective de ces règles par un renforcement des contrôles et une plus grande coordination à l'échelle européenne. La France souhaite également que le renforcement de l'encadrement juridique du détachement se poursuive dans le champ de la sécurité sociale à l'occasion de la révision des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale annoncée au second semestre 2016.

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Candelier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Affaires européennes

Ministère répondant : Affaires européennes

Dates :
Question publiée le 7 juin 2016
Réponse publiée le 13 décembre 2016

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