réglementation
Question de :
M. Olivier Marleix
Eure-et-Loir (2e circonscription) - Les Républicains
M. Olivier Marleix interroge M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'assujettissement aux cotisations sociales de la part des dividendes excédant 10 % du capital social des gérants majoritaires de SARL depuis le 1er janvier 2013. Cette mesure, qui revient à imposer un prélèvement supplémentaire de l'ordre de 40 %, suscite de nombreuses interrogations pour les dirigeants concernés, auxquelles il lui demande de répondre : sur quel fondement juridique est basée la différence entre un dividende versé à un gérant majoritaire et celui versé à un gérant minoritaire ou un dirigeant de SAS ? Comment et pourquoi un dividende, soit une distribution de résultat après IS, peut être assimilé à une rémunération et supporter des cotisations sociales ? Il souhaiterait savoir puisque ces revenus sont désormais soumis à cotisations sociales, quelles contreparties en termes de droits à l'assurance maladie (et principalement en cas d'indemnités journalières) ou à la retraite ouvrent désormais au dirigeant non salarié mais aussi au conjoint dont les dividendes sont également assujettis.
Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2015
ASSUJETTISSEMENT AUX COTISATIONS SOCIALES DES DIVIDENDES VERSÉS AUX DIRIGEANTS DE SARL
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour exposer sa question, n° 967, relative à l'assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés aux dirigeants de SARL.
M. Olivier Marleix. Depuis le 1er janvier 2013, madame la secrétaire d’État, dans le cadre du grand concours Lépine de la créativité fiscale lancé par le Président Hollande, les dividendes versés aux dirigeants non salariés dans les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés sont désormais aussi soumis aux cotisations sociales du RSI au-delà d'un certain montant.
Cette disposition vise donc les gérants majoritaires de SARL, mais aussi leur conjoint ou partenaire pacsé, ainsi que leurs enfants mineurs, dont les dividendes sont désormais taxés trois fois, au titre de l'impôt sur les sociétés, des prélèvements sociaux et de l'impôt sur le revenu. Au-delà du poids de ce prélèvement supplémentaire, qui est exorbitant pour certains petits entrepreneurs, notamment ceux qui ont un petit montant de capital social qui sert de référence, cette mesure suscite de très nombreuses interrogations, auxquelles vous pourrez, je l'espère, nous répondre aujourd'hui.
D'abord, les dividendes versés aux dirigeants d'une majorité de sociétés anonymes – SA – et de sociétés par actions simplifiées – SAS – ne sont pas, eux, assujettis à ces cotisations sociales – et c'est tant mieux pour eux, car votre gouvernement a bien essayé de les y assujettir en loi de finances cette année. On a du mal, cela dit, à comprendre sur quelle base économique et juridique peut se fonder cette différence de traitement.
Ensuite, comment et pourquoi un dividende, c'est-à-dire une distribution de résultat, qui a déjà supporté l'impôt sur les sociétés, peut-il être assimilé à une rémunération et être soumis à cotisation sociale ?
Enfin, et surtout, quels droits le régime social des indépendants offre-t-il à ces nouveaux contributeurs, en matière d'assurance maladie, d'indemnités journalières ou de droit à la retraite, en contrepartie de ces assujettissements ? Personne, à ce jour, ne le leur a dit clairement.
Ces interrogations reflètent l'incompréhension profonde des gérants majoritaires de SARL face à cette mesure qui leur semble bien injuste, d'autant qu'on ne peut pas dire que vous les ayez bien traités depuis 2012. En effet, à cette imposition supplémentaire, vous avez ajouté la suppression de l'abattement de 10 % pour frais professionnels, l'augmentation des cotisations au RSI pour les salariés, et le plafonnement du barème des indemnités kilométriques.
On avait cru comprendre que l'ennemi, c'était la finance, et non la très petite entreprise ! Je vous rappelle, madame la secrétaire d'État, que ce sujet concerne potentiellement plus de 3 millions d'entrepreneurs, commerçants ou artisans, qui ont choisi ce statut de SARL pour entreprendre dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Olivier Marleix, je vous remercie de votre question et vous prie de bien vouloir excuser M. Christian Eckert.
Votre question me donne l'occasion de clarifier un sujet important, celui de la différence entre la rémunération du travail, d'une part, et celle du capital, d'autre part, s'agissant des travailleurs indépendants. La rémunération que s'attribue un travailleur indépendant, par exemple un dirigeant de SARL, correspond à ses revenus d'activité en tant que gérant. Les dividendes qu'il perçoit doivent, quant à eux, correspondre à la rémunération du capital qu'il a investi dans l'entreprise et au risque qu'il a pris sur ce capital, en tant que propriétaire de l'entreprise.
Au cours des dernières années, les organismes de protection sociale ont constaté que certains travailleurs indépendants optimisaient entre ces deux formes de rémunération, en ne se versant aucune rémunération au titre de leur activité, et en se versant uniquement des dividendes, pour des montants qui n'avaient manifestement pas de rapport avec la rémunération de leur capital. Cela conduisait, en pratique, à éviter les cotisations sociales, lesquelles étaient uniquement prélevées sur les revenus d'activité.
Dans plusieurs contentieux, le juge a considéré que l'abus était constitué lorsque les dividendes versés étaient trop élevés par rapport au capital, et il a retenu comme référence le seuil de 10 %. Afin de réguler ces pratiques, et conformément à une proposition des travailleurs indépendants eux-mêmes, le gouvernement de l'époque, en 2008, a prévu, pour les professions libérales, que les dividendes versés au-delà de 10 % du capital devaient être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales. C'est cette même mesure qui a été étendue par la majorité actuelle aux artisans et aux commerçants en 2013.
La mesure a surtout pour objectif de dissuader les chefs d'entreprise d'essayer d'échapper aux cotisations sociales et de limiter le versement des dividendes à 10 %. Quand cette limite est dépassée – et uniquement dans ce cas – l'impôt sur les sociétés s'ajoute aux cotisations. C'est une mesure de justice sociale. En revanche, je vous confirme que les cotisations prélevées ouvrent bien des droits à prestations sociales, comme les cotisations prélevées sur les revenus d'activité.
Enfin, je me permets de vous rappeler que le Gouvernement a fait un effort en direction des très petites entreprises, avec la création du crédit d'impôt compétitivité emploi, équivalent à 6 % de la masse salariale. Depuis le 1er janvier, les indépendants bénéficient d'une baisse de 60 % des cotisations familiales, ainsi que d'une réduction de 700 euros par an sur la cotisation minimale d'assurance maladie.
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État, et je voudrais faire trois observations.
Tout d'abord, je ne suis pas d'accord avec le parallèle que vous faites entre le choix de votre gouvernement et les mesures prises par l'ancienne majorité au sujet des professions libérales. Il ne s'agit absolument pas du même type de structures économiques, puisque les SARL en question ont souvent un tout petit capital. Il existe donc, de fait, une grande différence de traitement entre les deux catégories visées, d'où ce sentiment d'injustice.
Deuxièmement, j'ai du mal à entendre dire qu'il s'agirait seulement d'optimisation fiscale. Je pense très franchement que ce n'est pas le cas, et qu'il s'agit souvent d'une manière de mettre en réserve des dividendes en vue d'investissements, qui se font ou non. Il ne s'agit pas, à mon sens, d'une recherche systématique d'optimisation fiscale, comme vous semblez le dire.
Je suis heureux, enfin, d'entendre que les dirigeants de SARL auront droit à des prestations sociales en contrepartie de ces cotisations. Mais ce qui est grave, madame la secrétaire d'État, c'est qu'ils n'ont reçu, à ce jour, aucune information de la part du RSI. Ils sont assujettis à ces cotisations, ils les paient, mais ils ne sont pas informés des droits nouveaux qui leur sont ouverts. Cela renvoie évidemment à la question, que nous connaissons tous, des problèmes de gestion du RSI.
Auteur : M. Olivier Marleix
Type de question : Question orale
Rubrique : Impôt sur les sociétés
Ministère interrogé : Finances et comptes publics
Ministère répondant : Finances et comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015