établissements
Publication de la réponse au Journal Officiel du 22 novembre 2016, page 9642
Question de :
M. Xavier Breton
Ain (1re circonscription) - Les Républicains
M. Xavier Breton appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur un projet de décret visant à modifier le décret statutaire des Arts et métiers afin, selon les arguments présentés, de « permettre un rééquilibrage des pouvoirs au sein de son conseil d'administration » et de réduire l'influence des anciens élèves à son conseil d'administration. Cette modification aurait pour effet d'éliminer tous les industriels présidents de conseils des centres régionaux du conseil d'administration de l'établissement au seul motif qu'ils soient diplômés de l'ENSAM. Or ces personnes sont élues par les autres membres élus du conseil. Outre l'abandon de la légitimité industrielle et régionale de l'ENSAM, elle provoque un émoi considérable auprès des 32 000 ingénieurs Arts et métiers qui se sentent injustement stigmatisés, de leurs familles et des entreprises qui dépendent d'eux. Les conséquences seraient de plusieurs natures et certainement préjudiciables à la qualité de l'enseignement et de la recherche de cette école, à son financement et à sa contribution à la réindustrialisation du pays. Cela remettrait en cause la représentation des centres régionaux qui ne participeraient plus à aucune instance décisionnelle de l'ENSAM, entraînant une perte totale de lien avec les territoires. Cela provoquerait des difficultés dans la collecte de la taxe d'apprentissage qui se fait très largement auprès des entreprises où les anciens élèves exercent (de l'ordre de 3 millions d'euros). Cela remettrait également en cause les contrats de recherche et de développement, qui à hauteur de 13 millions d'euros, proviennent essentiellement d'alumni (anciens élèves) connaissant bien le potentiel de recherche et lui faisant volontiers appel, les plusieurs millions d'euros annuels d'investissements dans les laboratoires, les résidences et l'accompagnement des élèves, des prix et des bourses. Plus de 200 ans d'histoire d'un engagement au service du développement économique et industriel de la France se verraient ainsi remis en cause sans réel fondement rationnel. Cette réforme aboutirait à la création d'une gouvernance « hors sol », centralisée et isolée, coupée de tout lien avec les ingénieurs diplômés et les implantations territoriales. Les Arts et métiers tirent leur force de leur histoire, de leur vision de l'avenir industriel, de la qualité de la formation académique de l'ENSAM et de leur constante capacité d'adaptation. L'ENSAM tire sa force du lien avec les territoires dans lesquels elle est implantée. L'ENSAM tire sa force de la collaboration avec les étudiants et les anciens élèves. Aussi il lui demande de bien vouloir retirer ce projet de décret visant à modifier le décret statutaire des Arts et métiers.
Réponse publiée le 22 novembre 2016
La modification du décret statutaire de l'ENSAM est la conséquence d'un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) remis en février 2016, qui faisait notamment le constat d'un fossé grandissant entre certains administrateurs et la direction de l'établissement, au point de caractériser une véritable crise de gouvernance qui fragilise l'école et son développement. Cette situation a notamment été mise à jour à l'occasion des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des recommandations d'un premier rapport de l'IGAENR de février 2015 qui visait à répondre aux dérives et aux pratiques de bizutages relevées dans le cadre de la période dite de « transmission des valeurs ». Cette situation inacceptable est préjudiciable à la réputation de l'école, à l'assiduité des élèves, à la qualité des enseignements et à l'état d'esprit des personnels. Aucune tradition, aucun sentiment d'appartenance, ne sauraient justifier que des actes dégradants et humiliants soient infligés aux nouveaux étudiants sous la pression du groupe. Le bizutage est un délit, qui doit être strictement proscrit dans tous les établissements d'enseignement supérieur. Le changement d'attitude de la Société des Ingénieurs Arts et Métiers, dont le président déclarait lors du conseil d'administration (CA) du 28 janvier 2015 « que les anciens s'inscrivent dans la ligne des recommandations IGAENR » avant d'en contester par courrier du 15 mai 2015 la teneur, a contribué à accroître les tensions internes et à freiner la mise en œuvre des propositions d'améliorations pourtant raisonnables qui étaient formulées. L'IGAENR a ainsi pointé l'attitude de certains anciens élèves et de leurs représentants, qui oscille entre la « résistance au changement » et « l'aveuglement ». Cela est à regretter. Dans ce contexte, le ministère a donc fait le choix de donner suite à la proposition de l'IGAENR consistant à rééquilibrer les pouvoirs au sein du CA afin que la direction générale ait les moyens de conduire sa politique. C'est pourquoi, le décret no 2016-952 du 11 juillet 2016, publié au JO no 0162 du 13 juillet 2016 modifiant le décret no 2012-1223 du 2 novembre 2012 relatif à l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers rapproche la composition du CA de l'ENSAM du modèle rencontré dans la plupart des autres grandes écoles d'ingénieurs. Ainsi, le décret précité fait passer de 33 à 30 le nombre de membres, en diminuant le poids des présidents des centres d'enseignement et de recherche de l'école qui sont en pratique des anciens élèves et en l'ouvrant à d'autres catégories de personnalités extérieures non impliquées dans son fonctionnement opérationnel. Outre les 18 représentants élus des enseignants, des personnels, des élèves ingénieurs et des autres usagers, le CA comprendra toujours le président de la Société des ingénieurs arts et métiers et le président de la Fondation arts et métiers, ainsi que 10 personnalités extérieures, soit un doublement par rapport à la situation actuelle, dont un représentant d'un organisme de recherche, deux représentants d'un établissement d'enseignement supérieur (dont un étranger), un représentant d'une entreprise employant au moins cinq cents salariés et six personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence. En tout état de cause, la place de la Société des ingénieurs arts et métiers au CA demeurera inchangée, la représentation au CA des acteurs industriels partenaires de l'ENSAM sera confortée par le doublement prévu du nombre de personnalités extérieures, choisies notamment en raison de leurs compétences dans le champs industriel, et la voix des territoires sera renforcée dans la gouvernance de l'école par la création d'un conseil territorial composé des présidents et des directeurs des centres d'enseignement et de recherche ainsi que des 7 représentants des régions dans lesquelles sont implantés ces centres. Le principe du décret 2016-952 du 11 juillet 2016 a été présenté au CA de l'école le 25 février, il a fait l'objet d'une consultation de son comité technique le 15 mars, d'une consultation de la Société des Ingénieurs Arts et Métiers par le cabinet de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche le 12 avril dernier et d'un débat en CA le 13 avril. Le texte a par ailleurs recueilli une large approbation du Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) le 18 avril 2016 (32 votes favorables, 18 abstentions, 0 vote défavorable). Cette réforme permettra de doter l'ENSAM d'une gouvernance conforme aux standards d'une grande école d'ingénieurs, ouverte sur l'international, à l'écoute de ses partenaires industriels et scientifiques, et riche de la diversité de ses implantations territoriales. Elle est indispensable pour améliorer la qualité de la formation et la réussite des étudiants, pour sortir au plus vite d'une situation de blocage qui dure depuis trop longtemps, et pour rétablir un climat serein au sein de l'établissement. Dans ce contexte, il est à espérer que tous les anciens élèves continueront d'apporter leur contribution à la mise en œuvre d'évolutions qui ont pour seul objectif de servir les intérêts des étudiants et la réputation de l'école à laquelle ils demeurent particulièrement attachés.
Auteur : M. Xavier Breton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 8 novembre 2016
Dates :
Question publiée le 12 juillet 2016
Réponse publiée le 22 novembre 2016