Question de : M. Jean-Luc Reitzer
Haut-Rhin (3e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Luc Reitzer attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les zones d'ombre du code du patrimoine concernant la prospection de loisir. Si l'article L. 542-1 encadre l'utilisation de matériel de détection à des fins « de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie » par l'attribution d'une autorisation administrative, le code du patrimoine n'en reste pas moins imparfait sur la prospection de loisir. Or ce manque de précision porte préjudice à certains Français, un peu plus de 50 000 personnes, pouvant se retrouver en état d'arrestation et voire même placés en garde-à-vue, les forces de l'ordre étant elles-mêmes obligées de composer avec cette imprécision législative. Si « la Culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur la terre » pour reprendre les mots d'André Malraux et que sa protection est une nécessité absolue, et cela sous toutes ses formes, la France se doit d'être un exemple pour ses citoyens mais aussi pour l'Union européenne. En effet le récent rappel à l'ordre de la Suède pour ses mesures limitant la circulation des détecteurs de métaux et les lacunes du Treasure Act britannique montrent la nécessité d'une voie alternative. La collaboration entre prospecteurs et archéologues, au Danemark notamment, a permis de mettre à jour de nombreux sites archéologiques. Face à l'inquiétude des prospecteurs de loisir et de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), il lui demande si la création d'une licence de possession d'un détecteur de métaux avec timbre fiscal serait une solution envisageable pour le Gouvernement. Cette licence serait délivrée par la DRAC après une formation avec un archéologue. Cela permettrait à la prospection de loisir de se dérouler dans un cadre légal tout en la responsabilisant, favorisant ainsi une collaboration plus active entre tous les acteurs.

Réponse publiée le 17 janvier 2017

Il convient tout d'abord de rappeler que la détection dite « de loisir », qui, au demeurant, n'a aucune consistance juridique, n'est pas sans incidence sur la bonne conservation du patrimoine archéologique. Sans vouloir assimiler systématiquement la pratique d'une « détection de loisir » à une volonté délibérée d'atteinte au patrimoine, force est de constater que le pillage du patrimoine archéologique, avec ou sans utilisation de détecteur de métaux, est une réalité qui pèse sur le patrimoine archéologique, bien commun de la nation. Il reste donc fondamental que toute recherche de biens archéologiques repose sur un projet scientifique cohérent et soit menée par des personnes justifiant des compétences adaptées. Un certain nombre d'exemples européens parmi lesquels celui de la Suède qui prohibe l'usage des détecteurs de métaux ou le « Treasure Act », promulgué depuis 1996 en Angleterre et au Pays de Galles, ne sont pas sans comporter des lacunes. L'exemple danois, le « Danefæ », diffère peu, dans ses objectifs, du « Treasure Act » anglais et ne saurait constituer la voie alternative souhaitée. Le Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) a remis au ministre de la culture et de la communication, en février 2011, un rapport intitulé « Détecteurs de métaux et pillage : le patrimoine archéologique national en danger ». Il est consultable en ligne à l'adresse : http://www.culturecommunication.gouv.fr/index.php/Disciplines-et-secteurs/ Archeologie/Qu-est-ce-que-l-archeologie/CNRA. Pour faire face à la multiplication des atteintes portées au patrimoine archéologique, le CNRA a formulé une série de propositions visant à renforcer le cadre juridique relatif à l'utilisation des détecteurs de métaux. Les cas sont malheureusement nombreux où l'utilisation de tels matériels a conduit à porter atteinte de manière irréversible à des contextes archéologiques précieux, au sein desquels les objets mobiliers prélevés se trouvaient conservés. Il est donc plus que jamais nécessaire de rappeler que l'usage de ces matériels constitue une menace pour l'intégrité des sites. Tous les adeptes de la « détection de loisir » sont loin d'être animés d'intentions réellement malveillantes et nombreux sont ceux qui affirment manifester un intérêt sincère pour le patrimoine archéologique. Mais nombreux également sont ceux qui peinent à admettre que le développement de leur pratique en dehors de tout cadre scientifique accélère inévitablement l'érosion du patrimoine archéologique et prive les concitoyens et les générations futures de sources inédites nécessaires à la connaissance du passé des territoires. Il est désormais essentiel que ces pratiques improvisées cessent au bénéfice d'un comportement responsable et citoyen. Parallèlement au renforcement des actions de répression, des actions de sensibilisation du public à la fragilité du patrimoine archéologique ont été intensifiées, relayées en régions par les services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication et en partenariat avec les établissements publics, les collectivités territoriales et le milieu associatif. Un document de sensibilisation, intitulé « Le patrimoine archéologique - un bien culturel fragile et non renouvelable », accessible en ligne à l'adresse : http:// www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Archeologie/Conserver-proteger/ Circulation-securite, a été publié par la direction générale des patrimoines et abondamment diffusé. Les dernières Journées nationales de l'archéologie, qui se sont tenues les 17, 18 et 19 juin 2016, ont également été une occasion pour informer nos concitoyens des dangers que fait peser sur le patrimoine archéologique l'utilisation incontrôlée des détecteurs de métaux et pour faire connaître les risques encourus par ceux qui contreviennent aux dispositions de la loi. L'ensemble de ces actions de sensibilisation, alliées à une répression ferme des actes de pillage, doit permettre à chacun de prendre conscience que la conservation du patrimoine archéologique exige désormais de renoncer à l'emploi sans autorisation des détecteurs de métaux. La politique publique de protection du patrimoine archéologique ne peut donc sérieusement envisager la pérennisation de la « détection de loisir », telle qu'elle se développe à l'heure actuelle. Parmi les recommandations émises par le CNRA dans son rapport remis en février 2011, celui-ci a proposé l'immatriculation et l'enregistrement des détecteurs de métaux, dispositif qui, associé à l'autorisation préfectorale, devrait permettre de mieux contrôler cette activité. Par ailleurs, en ce qui concerne la création d'une licence de possession d'un détecteur de métaux avec timbre fiscal, il n'est pour l'instant pas envisagé d'évolution législative du code du patrimoine, telle que la création d'une telle licence, les actions étant engagées à droit constant. En outre, les amateurs d'archéologie ont toujours la possibilité d'accomplir pleinement leur passion pour le patrimoine au sein d'associations locales d'archéologie travaillant avec des professionnels, en partenariat avec les services régionaux de l'archéologie, et participant activement à l'amélioration de la connaissance du passé.

Données clés

Auteur : M. Jean-Luc Reitzer

Type de question : Question écrite

Rubrique : Patrimoine culturel

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 12 juillet 2016
Réponse publiée le 17 janvier 2017

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