Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Les Républicains

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur les problèmes que posent les concentrations d'entreprises dans le secteur de la grande distribution. L'Autorité de la concurrence a récemment ouvert une enquête approfondie concernant le projet de fusion entre les distributeurs Système U et Auchan « compte tenu de ses effets, tant sur les marchés amont de l'approvisionnement en produits de consommation courante qu'à l'aval au stade de la distribution ». En moins d'un an au cours de l'année 2015 plusieurs rapprochements ont été effectués dans la grande distribution. E. Leclerc et l'allemand Rewe, Casino et Intermarché, Carrefour et Cora, et Système U et Auchan donc. L'ensemble du paysage des achats s'est trouvé ainsi modifié. Les achats des Français ont beaucoup baissé depuis 2010 ce qui a conduit les enseignes de grande distribution à se rapprocher pour pouvoir acheter moins cher aux fournisseurs et ainsi à proposer de plus bas prix aux consommateurs. Les rapprochements des centrales d'achat des différentes marques ont été le moyen privilégié par ces enseignes pour mener cette guerre des prix. Aujourd'hui quatre d'entre elles représentent 90 % du marché. Déjà à l'époque des rapprochements des centrales d'achat, l'Autorité de la concurrence avait considéré que ces alliances pourraient contribuer à réduire la qualité, l'investissement, l'innovation, voire évincer certains fournisseurs. Mais le projet de fusion entre Système U et Auchan pose un problème d'un autre ordre, celui du nombre d'acteurs sur le marché. Une fusion réduirait plus encore la concurrence au détriment des fournisseurs qui se verraient encore plus soumis qu'ils ne le sont aujourd'hui à la pression des enseignes de grande distribution. Les fournisseurs qui témoignent le disent : cette année plus encore que les précédentes, les négociations commerciales qui se sont achevées fin février 2016, se sont encore durcies avec la diminution du nombre d'acteurs dans le secteur et la poursuite de la guerre des prix. Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur la question et les mesures qu'il entend prendre pour que les producteurs soient protégés correctement dans leur rapport de force avec les enseignes de grande distribution.

Réponse publiée le 6 décembre 2016

Plusieurs rapprochements entre enseignes de la grande distribution ont été annoncés et opérés depuis septembre 2014. Ces rapprochements sont en principe limités à la négociation à l'achat de produits alimentaires ou non alimentaires à marques internationales et nationales, à l'exception des produits frais traditionnels issus des filières agricoles, des produits fabriqués par les PME ainsi que des produits sous marques propres - produits à marques de distributeurs (MDD). Les politiques commerciales de chacune des enseignes, qui incluent la construction de l'assortiment, la politique prix et la politique promotionnelle, resteront de leur propre responsabilité. Ces accords de coopération sont opérationnels depuis les négociations commerciales 2014/2015. A la demande du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique et de la commission des affaires économiques du Sénat, l'Autorité de la concurrence a rendu un avis le 31 mars 2015 (avis no 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d'achat et de référencement dans la grande distribution) par lequel elle a souligné que si ce type d'accords peut conduire à des effets pro-concurrentiels notamment sur les niveaux de prix des produits de grande consommation achetés par les consommateurs, il présente plusieurs risques concurrentiels sur les marchés aval (distributeurs) : la symétrie des conditions d'achat qui peut entraîner une homogénéisation des prix d'achat favorisant une entente de prix sur le marché de détail, et amont (fournisseurs) : des risques de limitation de l'offre, une réduction de la qualité ou de l'incitation de certains fournisseurs à innover ou investir du fait de la pression sur les marges des fournisseurs. L'Autorité de la concurrence a formulé plusieurs recommandations, concernant notamment la sélection par les enseignes des fournisseurs concernés par le périmètre des accords. D'autres propositions ont été intégrées dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, comme l'accroissement de la mobilité des magasins pour maintenir la concurrence inter-enseignes, ou l'instauration d'une obligation légale d'information préalable sur tout nouvel accord de rapprochement. Les pratiques mises en œuvre par les enseignes de la grande distribution pour obtenir des réductions de prix de la part de leurs fournisseurs, lorsqu'elles sont susceptibles de compromettre le bon fonctionnement ou la structure de la concurrence, peuvent être appréhendées par l'Autorité de la concurrence, comme le furent les pratiques des secteurs de la volaille, du lait et de la meunerie, condamnés par l'Autorité de la concurrence pour entente. Récemment le projet de fusion annoncé entre les enseignes SYSTEME U et AUCHAN a entraîné l'ouverture d'une enquête par l'Autorité de la concurrence compte tenu des effets sur le marché amont et aval. Le projet de fusion a toutefois finalement été abandonné par les deux enseignes au début de l'été 2016. Par ailleurs, les conséquences éventuelles de ces rapprochements entre enseignes sur les relations contractuelles de celles-ci avec les fournisseurs sont surveillées attentivement par les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette dernière est chargée d'une mission de contrôle du respect des règles applicables aux relations commerciales, en particulier dans les relations entre fournisseurs et distributeurs dans le secteur de la grande distribution, constamment renforcée, notamment par la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et par la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. L'article 34 de cette dernière permet au juge de porter le plafond de l'amende à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise afin de prendre en compte la puissance économique réelle de l'entreprise à l'origine des pratiques illicites. Quant à la dernière période de négociations commerciales, elle a débuté à la fin de l'année 2015 et s'est achevée le 29 février 2016. La pression de contrôle de la DGCCRF a été nettement renforcée entre le 1er novembre 2015 et le 1er mars 2016 (151 établissements contrôlés) par rapport à la même période de l'année précédente (71 établissements), avec un doublement du nombre de contrôles (112 % d'augmentation) et en février 2016 les services d'enquête ont effectué une perquisition dans les locaux d'une enseigne de la grande distribution afin de mettre un terme à une pratique illicite qui avait été portée à la connaissance de la DGCCRF.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique

Ministère répondant : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire

Dates :
Question publiée le 19 juillet 2016
Réponse publiée le 6 décembre 2016

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