Canada
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les lourdes menaces pour les filières d'élevage liées à la ratification du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (CETA). Depuis le début des négociations de la Commission européenne sur ce traité, les conséquences de l'ouverture des marchés agricoles, prévue par cet accord, ont été au cœur des échanges. Or le 29 juin 2016, le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, renouvelait publiquement son intention de tout faire pour se passer du débat et du vote des parlements nationaux sur cet accord en le qualifiant de non-mixte. Sous la pression citoyenne et politique, le 5 juillet 2016, le collège des commissaires européens a été contraint de décider que ce texte ne relevait pas de la compétence exclusive des institutions européennes mais aussi des États. La Commission a cependant prévu une application « provisoire » de l'accord dès sa ratification par le Parlement européen pour une durée de 3 ans et sans attendre le vote des parlements nationaux. Une telle décision conduirait à une véritable catastrophe pour les filières d'élevage et en particulier la filière bovine française. Les représentants de la filière ont immédiatement rappelé que le CETA prévoit « l'ouverture du marché européen à 65 000 tonnes de viandes bovines canadiennes produites au sein de feedlots » et que, par ailleurs, ces contingents ayant été négociés pour une Europe à 28 membres, ces volumes peuvent « être considérés comme caduques » depuis l'annonce de la sortie du Royaume-Uni. L'obsession libérale qui accompagne la négociation et la conclusion de ces traités aura pour conséquence de déstructurer un peu plus les marchés nationaux et européens et d'accentuer la crise que vivent aujourd'hui l'ensemble des producteurs avec des impacts très spécifiques sur les bassins de production allaitants comme le Massif central. Au-delà de la nécessité de faire respecter les procédures démocratiques face à une nouvelle dérive autoritaire de la Commission européenne, il appartient à la France de rejeter des accords qui portent directement atteinte à l'avenir de l'agriculture et des productions de qualité françaises. Il souhaite donc connaître ses engagements pour rejeter les propositions d'application provisoire de cet accord, et pour faire respecter le vote des parlements nationaux.
Réponse publiée le 18 octobre 2016
L'Union européenne et le Canada ont annoncé officiellement le 26 septembre 2014 la conclusion des négociations pour un accord économique et commercial global. La politique commerciale est une compétence exclusive de l'Union européenne, mais l'accord avec le Canada a été reconnu par la Commission européenne comme « mixte », c'est-à-dire comportant des parties relevant de la compétence de l'Union et d'autres relevant de la compétence nationale des États membres. A ce titre, après son adoption par le Conseil qui devrait intervenir courant octobre 2016, sa ratification devra être autorisée par le Parlement européen et également par les Parlements nationaux, qui devront approuver la partie « mixte » de l'accord, chacun selon sa législation nationale. Entre la signature et la ratification d'un accord de libre-échange, la Commission européenne peut décider, au cas par cas, d'appliquer à titre provisoire les parties de l'accord relevant des compétences exclusives de l'Union. Le champ de cette application provisoire couvre les questions tarifaires et non-tarifaires agricoles. Cette technique, prévue par le droit international des traités, est traditionnellement pratiquée pour tous les accords commerciaux. Elle permet d'éviter que les marchés que l'accord ouvre aux exportateurs européens ne soient occupés par leurs concurrents pendant le processus, qui peut durer plusieurs années, de ratification de l'accord par tous les Parlements nationaux. Les produits qui seront importés dans le cadre des contingents fixés dans l'accord avec le Canada devront respecter la réglementation européenne. En particulier, les viandes d'animaux ayant fait l'objet d'un traitement aux hormones ou avec tout autre promoteur de croissance ou ayant subi une décontamination chimique non autorisée dans l'Union européenne ne pourront être commercialisées sur le sol européen. C'est un point auquel le Gouvernement français a particulièrement veillé et qui contribuera à limiter les distorsions de concurrence. Cette exigence de traçabilité et de respect des règlements européens s'appliquera également pour les autres accords commerciaux en cours de négociation. Le Gouvernement français est en particulier attaché à ce que la préservation du modèle alimentaire européen figure explicitement dans le mandat de la Commission européenne. En ce qui concerne les produits identifiés comme « sensibles », l'accord prévoit un traitement spécifique différent de la libéralisation complète appliquée aux autres produits. Dans le cas de la viande bovine, ce traitement prend la forme de l'octroi de contingents ouverts progressivement sur six ans. Au-delà de ces contingents, les droits de douane normaux continuent à s'appliquer. Enfin, le 23 juin 2016, le peuple britannique s'est majoritairement exprimé en faveur d'une sortie de l'Union européenne (« Brexit »). Cette décision va engager un processus historique et inédit de retrait d'un pays de l'Union européenne et l'ouverture de négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne pour définir les conditions de ce retrait, ses conséquences sur les accords commerciaux conclus et en cours de négociations entre l'Union et les pays-tiers, notamment en termes de contingents, ainsi que les relations futures entre les deux parties. Le Gouvernement français sera particulièrement vigilant à ce que les intérêts de l'agriculture y soient pris en compte.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 19 juillet 2016
Réponse publiée le 18 octobre 2016