politique agricole
Question de :
M. Bernard Perrut
Rhône (9e circonscription) - Les Républicains
M. Bernard Perrut attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la perte de compétitivité de l'agriculture française et de la filière agroalimentaire depuis plusieurs années. Il souhaite connaître sa volonté et ses engagements pour refaire de la politique agricole commune un outil au service de marchés agricoles erratiques et fragiles, et pour rétablir les équilibres en termes de compétitivité, d'organisation des filières, et d'écart entre le prix payé eu producteur et celui payé par le consommateur.
Réponse publiée le 29 novembre 2016
Il est incontestable que la crise traversée par le secteur agricole se démarque par son ampleur (elle touche plusieurs filières, en particulier l'élevage, et plusieurs pays européens) et sa durée. C'est pourquoi la France a mobilisé très tôt les instances européennes au sein du conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne pour alerter sur la situation des marchés et acter la nécessité d'une réponse coordonnée à l'échelle européenne. Le ministre chargé de l'agriculture a toujours plaidé, dans le cas de la crise traversée par la filière laitière, pour que les instruments tels que l'intervention publique et le stockage privé soient utilisés au niveau européen afin de soulager le marché. C'est également la France qui a très tôt fait le constat d'une surproduction de lait à l'échelle européenne nécessitant d'agir sur l'amont, et qui a convaincu la Commission européenne, avec l'appui d'autres États membres, de déclencher les outils autorisant la dérogation temporaire aux règles de la concurrence et permettant aux opérateurs d'organiser la production de manière concertée. A elle seule cette mesure entièrement basée sur le volontariat n'aurait pas suffi et là encore la France a réclamé et obtenu que sa mise en œuvre puisse être facilitée par l'octroi de soutiens européens aux éleveurs laitiers acceptant de stabiliser voire diminuer leur production. L'opération a été un succès puisque 1,06 millions de tonnes de lait ont été retirées de la production dès la première phase de demandes, alors que quatre phases étaient prévues pour un plafond total de retrait de 1,07 millions de tonnes à l'échelle européenne. Cette réponse à une situation conjoncturelle doit nécessairement s'accompagner de solutions à long terme, permettant de renforcer la capacité de résilience d'un secteur agricole amené à évoluer dans un contexte d'une volatilité accrue des marchés. C'est là l'un des objectifs de la proposition française pour la future politique agricole commune (PAC) post 2020, présentée lors du conseil informel des ministres de l'agriculture de l'Union européenne des 30 et 31 mai 2016 à Amsterdam. A travers cette contribution, il s'agit avant tout de mettre l'accent sur l'importance de la PAC comme politique structurante du projet européen, qui a su et saura évoluer lors de ses réformes pour s'adapter aux différents enjeux contemporains. Outre l'environnement et la gestion des territoires, la compétitivité et la résilience du secteur agricole aux aléas sont effectivement des enjeux majeurs de la PAC post 2020, et des directions précises sont proposées pour y répondre : - tout d'abord, la PAC doit permettre de renforcer la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires, en développant notamment l'approche par filière et une meilleure prise en compte des interactions entre l'amont et l'aval ; - ensuite, elle doit encourager l'innovation et l'investissement, car dans un monde globalisé avec une économie de marché ouverte, la compétitivité d'un secteur est intrinsèquement liée à sa capacité d'innover, tant sur le plan technologique que social ou organisationnel ; - enfin, la PAC doit accompagner les exploitations dans la gestion des risques que font peser les aléas sanitaires, climatiques ou économiques majeurs qui aujourd'hui se multiplient. La crise actuelle que traversent plusieurs filières souligne bien ce besoin d'outils supplémentaires, qui devient même une condition nécessaire à l'atteinte des objectifs de compétitivité et de durabilité. Concernant plus précisément la gestion des risques il est nécessaire en premier lieu de renforcer la capacité de résilience propre des filières. L'amélioration de leur fonctionnement doit se poursuivre, en particulier via la contractualisation, une meilleure répartition du pouvoir de négociation le long de la chaîne alimentaire, une structuration plus intense des filières et des approches collectives. Cependant certains aléas ne peuvent être surmontés par la capacité propre de résilience des filières. Plusieurs dispositifs complémentaires doivent pouvoir être donc mobilisés : - un filet de sécurité (mesures exceptionnelles) et des outils de régulation des marchés, pour intervenir rapidement et limiter les conséquences et l'ampleur de la crise ; - des dispositifs assurantiels (assurances récoltes, fonds de mutualisation sanitaire, assurances chiffres d'affaires) pour l'indemnisation des pertes des agriculteurs ; - un outil efficace de soutien de la trésorerie des exploitants qui prendrait la forme d'une épargne de précaution obligatoire et rémunérée, permettant d'introduire un caractère contracyclique à la PAC. Depuis cette contribution au conseil informel, les services du ministère en charge de l'agriculture approfondissent ces propositions pour alimenter les débats à venir au niveau européen et conforter la place de la PAC au sein des politiques européennes. Dans cet objectif et dans la perspective du Brexit, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a en outre réunit, le 2 septembre dernier, au château de Chambord 19 ministres de l'agriculture de l'Union européenne, le vice-président de la Commission agriculture du Parlement européen et des représentants de la Commission européenne et des organisations professionnelles qui ont convenu à cette occasion de la nécessité de maintenir une PAC forte, simple, au coeur des grands débats européens et qui puisse protéger les agriculteurs contre les crises. Outre cette réflexion sur la PAC post 2020, la France participe activement aux travaux engagés par la présidence slovaque de l'Union européenne pour renforcer le positionnement des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, ceux-ci se trouvant aujourd'hui confrontés à des secteurs de la transformation agroalimentaire et de la distribution de plus en plus concentrés. Dans ce cadre, plusieurs propositions ont déjà été avancées par la France, notamment pour : - une meilleure reconnaissance du rôle des organisations de producteurs et des inter-professions dans la PAC actuellement en vigueur - une plus grande transparence du marché, passant par un renforcement des indicateurs et des observatoires nationaux et européens des marchés par secteur ; - un renforcement de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales. Enfin, le Gouvernement a renforcé les organisations de producteurs dans la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, a permis de mieux prendre en compte les coûts des matières premières dans les contrats dans la loi relative à la consommation de mars 2014, la loi pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques d'août 2015, et a mis en avant, plus récemment, des formes de contractualisation innovantes qui permettent à l'ensemble des acteurs de sécuriser leurs débouchés et approvisionnements, à des prix plus stables qui permettent d'envisager l'avenir de manière plus sereine. Il convient maintenant aux opérateurs économiques de saisir ces opportunités et d'instaurer des relations de confiance pour avancer ensemble dans un environnement très concurrentiel. Pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs, le Gouvernement a en outre formulé des propositions très concrètes dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Le texte issu de l'examen du projet au Parlement comporte des dispositions permettant des avancées importantes pour les agriculteurs. Elles visent à assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes, à un renforcement du poids des producteurs dans la négociation et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs.
Auteur : M. Bernard Perrut
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 23 août 2016
Réponse publiée le 29 novembre 2016