Question orale n° 996 :
réglementation

14e Législature

Question de : M. André Schneider
Bas-Rhin (3e circonscription) - Les Républicains

M. André Schneider attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la nécessité de faire évoluer les contraintes légales qui pèsent sur les médias audiovisuels français. La France dispose de la réglementation la plus contraignante d'Europe. La non adaptation du corpus législatif aux évolutions technologiques, aux nouveaux modes de consommation de plus en plus délinéarisés..., entraîne une distorsion de concurrence certaine entre les médias audiovisuels tricolores et les médias étrangers. Ces derniers ont la possibilité, comme par exemple Netflix, de diffuser leurs programmes dans l'hexagone tout en étant implantés dans un autre pays européen. Ils ne sont, ainsi, pas soumis aux mêmes contraintes que nos médias nationaux. Aussi il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement pour atténuer, voire faire disparaître, cette distorsion de concurrence.

Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2015

ALLÉGEMENT DES CONTRAINTES LÉGALES PESANT SUR LES MÉDIAS AUDIOVISUELS FRANÇAIS.
Mme la présidente. La parole est à M. André Schneider, pour exposer sa question, n°  996, relative à l'allégement des contraintes légales pesant sur les médias audiovisuels Français.

M. André Schneider. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication. La grande majorité des règles qui régissent les médias ou les sociétés audiovisuelles implantés dans l'hexagone résultent de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La France a la réglementation la plus lourde d'Europe. Elle est en grande partie dépassée aujourd'hui. De ce fait, les médias français doivent faire face à une concurrence déloyale, que je qualifierai même de totalement débridée.

En effet, le principe de territorialité du droit permet par exemple aux géants américains tel Netflix de ne pas être exposé aux mêmes règles que nos éditeurs nationaux. Ces derniers sont dans l'obligation de respecter la législation française, alors que, par exemple, la société de Reed Hastings, qui émet de l'étranger, est libre de sa programmation, de ses achats et de la production de ses contenus. Je tiens à souligner que les législations françaises et européennes ne sont absolument pas adaptées à l'arrivée des over-the-top – OTT – tels que Netflix. La seule obligation pour cette société vis-à-vis de l'État est le versement de la TVA, et ce depuis le 1er janvier 2015. Je pourrais multiplier les exemples. Imaginez ce que cela produirait dans le paysage audiovisuel français, si des sociétés comme Hulu ou HBO décidaient de diffuser leurs programmes dans l'hexagone.

Vous l'avez constaté, il y a effectivement une distorsion de concurrence certaine entre les géants de l'internet et nos médias nationaux. Notre législation de 1986 avait pour objet de favoriser la création d'œuvres cinématographiques françaises et de protéger nos chaînes de télévisions nationales face aux concurrentes étrangères. Elle répondait aux besoins de l'époque mais il devient aujourd'hui urgent de l'adapter.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens d'abord à saluer l'action de Mme la ministre de la culture et de la communication sur ce dossier, mais j'ai deux questions à poser : les contraintes qui pèsent sur nos chaînes de télévision vont-elles enfin être allégées ? Le décret en préparation va-t-il réellement dans cette direction ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Monsieur le député, comme vous le soulignez, la réglementation du secteur français de l'audiovisuel est l'une des plus strictes d'Europe. Mais cet encadrement ne doit pas être regardé comme un ensemble de contraintes qui empêcheraient nos acteurs de se développer. Bien au contraire, celles-ci permettent à la politique audiovisuelle mise en œuvre depuis trente ans de se développer à un haut niveau d'ambition. Elles contribuent au soutien de la création européenne et française, à la diversité des opérateurs et à la qualité des programmes, donc à l'exigence du service public audiovisuel. Cette politique constitue l'un des piliers de ce que nous appelons l'exception culturelle française, qui a permis le maintien d'une création cinématographique et audiovisuelle nationale participant de l'identité du pays, de son rayonnement et de son efficacité économique.

Or, ce combat pour la diversité culturelle n'aurait pas été possible sans l'édiction de règles qui permettent de la sauvegarder, au niveau international – avec la convention de l'Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles –, au niveau européen – avec la directive sur les services de médias audiovisuels – et au niveau national – avec la loi audiovisuelle et ses décrets d'application. Je rappelle également que les fréquences audiovisuelles sont octroyées gratuitement aux opérateurs, contrairement aux licences du secteur des télécommunications. En contrepartie de cette gratuité, il est donc logique que leurs détenteurs soient soumis à des obligations d'investissement dans la création et l'exposition des œuvres françaises.

En raison des règles de territorialité du droit, par application du principe du pays d'origine inscrit dans la directive dite services de médias audiovisuels, les services établis hors du territoire national ne sont pas soumis au cadre juridique français, ce qui induit, vous l'avez souligné, des distorsions de concurrence. Pour y remédier, Mme la ministre, Fleur Pellerin, a engagé des discussions au niveau européen afin de substituer, pour les services de vidéos à la demande, le principe du pays de destination au principe du pays d'origine inscrit dans la directive. Notre projet est d'appliquer la réglementation française aux acteurs étrangers qui dirigent leur offre vers le public français.

Vous pouvez compter sur l'engagement de la ministre sur cette question, qu'elle considère comme primordiale, pour appréhender les nouveaux services audiovisuels concurrents de nos diffuseurs nationaux. Pour les pouvoirs publics, l'enjeu est également d'adapter la réglementation nationale aux évolutions liées au numérique et à la mondialisation, afin de parvenir à sécuriser durablement les investissements en faveur de la création et de l'innovation et d'assurer également l'excellence et le rayonnement de l'audiovisuel français.

Depuis maintenant trente ans, chaque évolution technologique a été suivie d'une adaptation de la réglementation. Par exemple, en 2009, les règles applicables à l'audiovisuel ont été étendues aux nouveaux services de vidéo à la demande et à la télévision de rattrapage. Cette adaptation se poursuit et se poursuivra. En outre, des réflexions sont actuellement en cours au niveau national et européen sur la question des plate-formes numériques, notamment sur leur statut, leur fiscalité, leur contribution à la création et leur engagement en matière de lutte contre le piratage.

Mme la présidente. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Monsieur le ministre, j'entends bien la réponse que vous venez de me faire. Il est quand même aberrant – permettez-moi ce terme – qu'en 2015, à l'heure de la télévision délinéarisée, nos chaînes ne puissent toujours pas diffuser d'œuvres cinématographiques le vendredi et le samedi soir ainsi que le dimanche avant vingt heures trente.

Vous avez parlé de l'obligation de retour de 75 % des productions à des indépendants, mais vous savez bien que cette mesure ne favorise pas réellement les petits producteurs français, mais plutôt les grands groupes comme Endemol et FremantleMedia qui ne sont pas, eux, français. Enfin, concernant la technologie des médias, il est possible de voir, depuis des années, sur des plate-formes de streaming illégal, des films qui ne sont même pas encore sortis dans les salles de cinéma.

Données clés

Auteur : M. André Schneider

Type de question : Question orale

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2015

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