Indemnisation de l'ensemble des pupilles de la Nation
Question de :
M. Fabien Di Filippo
Moselle (4e circonscription) - Les Républicains
M. Fabien Di Filippo attire l'attention de Mme la ministre des armées sur les différences de traitement entre les pupilles de la Nation et sur les moyens d'y remédier. En effet, une réelle rupture a été observée entre d'un côté les pupilles de la Nation qui reçoivent un soutien financier de l'État et de l'autre celles qui n'en touchent pas. Par trois décrets successifs de juillet 2000, juillet 2004 et février 2005, la France a consacré le droit à réparation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie morts en déportation, fusillés ou massacrés pour des actes de résistance ou pour des faits politiques, et enfin dont les parents ont été victimes d'événements liés au processus d'indépendance de ses anciens départements et territoires. Ces trois reconnaissances ont introduit une indemnité sélective, en oubliant notamment les pupilles de la Nation enfants de « Morts pour la France ». Elles ont ainsi dénaturé la loi du 24 juillet 1917 qui a créé un statut unique de pupille de la Nation à l'initiative de Georges Clemenceau. Relayant notamment la demande de l'Association nationale des orphelins de guerre ou du devoir, M. le député demande l'élargissement de la reconnaissance et du droit à réparation à l'ensemble des pupilles de la Nation, notamment aux enfants de « Morts pour la France ». La proposition serait de créer un fonds appelé « fonds de solidarité du tigre », en référence au surnom de Georges Clémenceau, alimenté par une taxe sur les gains distribués par la Française des Jeux à hauteur de 0,5 %, qui contribuerait à hauteur de 500 euros par mois aux pupilles de la Nation de plus de 65 ans qui ne sont pas inclus dans les décrets ministériels précédents. Ceux-ci sont pour l'essentiel les enfants de soldats de la Première Guerre mondiale, des guerres coloniales comme l'Algérie et l'Indochine et enfin de certains soldats de la Seconde Guerre mondiale (comme les malgré-nous, soldats d'Alsace-Moselle enrôlés de force dans la Wehrmacht). Il lui demande donc si le Gouvernement entend prendre une telle mesure et s'assurer ainsi qu'aucun enfant de ceux ayant donné leur sang pour la France ne soit laissé pour compte.
Réponse publiée le 24 juillet 2018
L'indemnisation, mise en place par les décrets no 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et no 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, est plus particulièrement destinée aux victimes de la barbarie nazie. Cette dernière renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d'avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d'extermination. C'est en effet le caractère hors normes d'extrême barbarie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, ainsi que la complicité du régime de Vichy, comme l'a rappelé le Président de la République, qui sont à l'origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l'objet de persécutions antisémites ou raciales, incarnant des martyrs, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Ce dispositif, qui traduit une certaine responsabilité de l'État français, doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. Le Gouvernement entend maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence de ces décrets. Au-delà de cette analyse, l'examen de plusieurs dossiers a laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts permettant de distinguer des situations extrêmement proches. Le ministère des armées s'attache donc à étudier les dossiers concernés au cas par cas, afin de garantir une égalité de traitement, tout en confirmant la nécessité de préserver le caractère spécifique de cette indemnisation dont l'extension à tous les orphelins de guerre ne saurait être envisagée. La secrétaire d'État auprès de la ministre des armées tient de plus à souligner que le dispositif d'indemnisation mis en place par la loi no 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est totalement distinct des mesures instituées par les décrets du 13 juillet 2000 et du 27 juillet 2004. En effet, la prise en compte de la situation matérielle des rapatriés d'Algérie, qui ont dû, avec leur famille, s'expatrier, n'est en rien comparable avec le caractère symbolique de l'indemnisation des orphelins dont les décrets précités entendent reconnaître la spécificité des souffrances endurées lors du second conflit mondial. Enfin, il est précisé qu'ainsi que le prévoit le CPMIVG, tout orphelin de guerre peut percevoir, ou a pu percevoir, une pension spécifique jusqu'à son 21ème anniversaire. En outre, tous les orphelins de guerre et pupilles de la Nation, quel que soit leur âge, sont ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et peuvent bénéficier, à ce titre, de l'assistance de cet établissement public, dispensée notamment sous la forme d'aides ou de secours en cas de maladie, absence de ressources ou difficultés momentanées. Dans ce contexte, la création d'un fonds de solidarité alimenté par une fraction des gains distribués par la Française des jeux n'est pas actuellement prévue.
Auteur : M. Fabien Di Filippo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Armées
Ministère répondant : Armées (Mme la SE auprès de la ministre)
Dates :
Question publiée le 3 juillet 2018
Réponse publiée le 24 juillet 2018