15ème législature

Question N° 10048
de M. Philippe Berta (Mouvement Démocrate et apparentés - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > biodiversité

Titre > ADN environnemental

Question publiée au JO le : 03/07/2018 page : 5741
Réponse publiée au JO le : 25/12/2018 page : 12252
Date de changement d'attribution: 05/09/2018
Date de renouvellement: 09/10/2018

Texte de la question

M. Philippe Berta attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les enjeux liés à l'essor de la recherche en ADN environnemental pour la connaissance et la préservation de la biodiversité. Cette nouvelle méthode propose, selon les termes de l'Agence française pour la biodiversité, « d'inventorier les espèces présentes dans un milieu directement au travers de leur ADN, soit au travers des organismes ou communautés prélevés dans le milieu, soit directement au travers de prélèvements de substrat (ADN environnemental - ADNe). Cette méthode qui met en œuvre des technologies de pointe fait l'objet de développements qui se veulent opérationnels ». L'engouement pour la recherche en ADN environnemental est exponentiel : on compte 170 publications scientifiques dans ce champ au cours des cinq premiers mois de 2018, contre seulement 20 pour toute l'année 2013. Afin de tirer pleinement profit de ces avancées scientifiques pour la gestion environnementale et la préservation de la biodiversité, plusieurs défis sont à relever. On peut citer par exemple la préparation à un déploiement à grande échelle, le contrôle de fiabilité (notamment lié au risque de contamination lors des prélèvements), le développement économique ou encore la consolidation d'une base de référence de données ADN complète. En conséquence, il lui demande si une réflexion est en cours entre le ministère de la transition écologique, le ministère de la recherche et l'Agence française pour la biodiversité afin de placer la France à la pointe de cette nouvelle technique et d'en exploiter les résultats pour une meilleure gestion de la biodiversité.

Texte de la réponse

L'analyse de l'ADN environnemental (ADNe) permet actuellement de déterminer, essentiellement à l'initiative des organismes de recherche, la diversité des espèces dans le sol, les écosystèmes continentaux - dont les milieux aquatiques - et les océans. Cette méthodologie combine plusieurs avantages par rapport aux méthodes d'inventaires classiques : standardisation (extraction de l'ADNe, amplification, séquençage, analyse bioinformatique) et mise en place quel que soit le milieu permettant des comparaisons intra ou inter-écosystèmes. D'un point de vue scientifique et technique, la France est en avance car nos laboratoires, sollicités pour de nombreuses collaborations internationales, ont développé des méthodes innovantes permettant d'aller vers ou d'atteindre la réalisation d'inventaires de la biodiversité. D'un point de vue opérationnel, pour une utilisation en routine par des gestionnaires de la biodiversité, seules quelques rares start-up françaises (deux à ce jour) proposent le service ADNe dans un contexte international où la concurrence n'est pas encore très performante. L'institut national de la recherche agronomique (INRA), le centre national de la recherche scientifique (CNRS) et leurs partenaires académiques se sont fortement investis pour structurer, animer et coordonner la communauté scientifique en sciences de l'environnement autour de la révolution du séquençage haut débit. Le domaine de la génomique environnementale s'est ainsi fortement développé et a positionné l'expertise française en tant que leader dans ce domaine. Le développement méthodologique a permis de produire et/ou d'envisager à court terme, selon le type de milieu, des inventaires de la biodiversité. La publication du premier ouvrage sur l'ADN environnemental par des chercheurs français (P. Taberlet, A. Bonin, L. Zinger, E. Coissac (2018) « Environmental DNA for biodiversity research and monitoring », Oxford University Press) montre le savoir-faire de nos scientifiques dans ce domaine. Par ailleurs, la France est à la pointe de la recherche internationale, notamment pour la caractérisation de la diversité des microorganismes (bactéries et champignons). Ceci est dû à un fort investissement depuis 20 ans dans l'étude de l'ADNe relatif à ces microorganismes qu'il est par ailleurs impossible d'étudier de façon exhaustive en utilisant les techniques classiques. En l'associant aux réseaux d'observation des sols à l'échelle nationale (type réseau de mesures de la qualité des sols - RMQS), il a été possible ainsi d'étudier la distribution de la diversité microbienne à l'échelle de la France permettant une cartographie sans équivalent à l'étranger. Le premier « Atlas français des bactéries du sol », qui n'a pas d'équivalent dans d'autres pays du monde, sera d'ailleurs publié. Il faut souligner également que la recherche française organise tous les ans une école thématique « Metabarcoding » qui attire de nombreux chercheurs de toutes les nationalités et s'exporte très largement au-delà des frontières européennes, et que les analyses d'ADNe par metabarcoding ont bénéficié d'un soutien du CNRS, de l'INRA et du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) en partenariat avec le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) autour du programme « Bibliothèque du vivant » qui est le consortium français du « Barcode of Life ». Enfin, il existe un groupe de recherche CNRS « Génomique environnementale » qui est très actif et structure la communauté française sur ces sujets et des plateformes analytiques d'ADNe portées par des laboratoires académiques sont membres du réseau « Analyses et expérimentations pour les écosystèmes », en cours d'extension à l'échelle européenne.