limitation de la vitesse autorisée sur les routes secondaires
Question de :
M. Nicolas Forissier
Indre (2e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 20 juin 2018
LIMITATION DE LA VITESSE AUTORISÉE SUR LES ROUTES SECONDAIRES
M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier, pour le groupe Les Républicains.
M. Nicolas Forissier. Monsieur le Premier ministre, vendredi dernier, 15 juin, vous avez signé le décret portant un certain nombre de mesures sur la sécurité routière. Paru dimanche dernier, il prévoit notamment une mise en œuvre au 1er juillet de la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur une grande partie de nos routes, et ce sans attendre le débat parlementaire qui se tiendra jeudi prochain.
C'est une décision – nous l'avons dit depuis des mois – qui est prise d'en haut, sans concertation et, permettez-moi de le dire, avec un certain dogmatisme. Un débat parlementaire aurait dû avoir lieu. Les Républicains l'ont fait inscrire jeudi matin à l'ordre du jour sur la base de neuf propositions de loi signées par un certain nombre de nos collègues.
M. Maxime Minot. Très bien !
M. Nicolas Forissier. Je ne vais pas tous les citer. Je sais d'ailleurs que la mesure que nous proposons est entendue et souhaitée par beaucoup de membres de votre propre majorité et même, me dit-on, au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)
Nous n'avons pas de débat. Vous ne l'attendez pas et vous signez. Nous le regrettons. Je le regrette, pour ne pas dire plus.
Que proposons-nous ? Une mesure de bon sens, qui permet de faire confiance aux élus locaux, d'adapter en fonction des réalités cette limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure, de donner le pouvoir aux présidents des conseils départementaux, aux maires, au préfet aussi, en l'occurrence pour les sections de route nationale, de maintenir la vitesse à 90 kilomètres-heure quand les critères de sécurité sont présents. Ces critères sont d'ailleurs ceux qui avaient été définis lors du transfert des routes nationales aux départements. Ils ont été beaucoup augmentés ces dernières années.
Les élus savent, parce que ce sont eux qui entretiennent ces routes, ce qu'il faut faire. Il s'agit pour l'essentiel de grands axes de liaison, qu'empruntent quotidiennement des millions de Français pour aller travailler,…
M. Fabien Di Filippo. Oui ! Pour aller travailler !
M. Nicolas Forissier. …pour aller à la grande ville.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous modifier cette mesure, faire en sorte qu'un message de confiance aux élus locaux soit entendu et envoyé, de façon à adapter et à faire comprendre à l'ensemble de nos concitoyens la réalité et l'intérêt de cette mesure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe GDR. – M. Maurice Leroy applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la limitation à 80 kilomètres-heure de la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central. C'est un plaisir pour moi de vous répondre, et je dirais de répondre une nouvelle fois à une question qui a été souvent évoquée.
L'objectif est simple, assumé : faire en sorte qu'il y ait sur les routes françaises moins de morts et moins de blessés graves, moins de personnes se retrouvant durablement, voire pour toute leur vie, en situation de handicap.
Il y a eu 3 600 morts l'année dernière, 27 000 blessés très graves. Je ne vous ferai pas l'injure, car je vous connais et je vous respecte, monsieur le député, de penser que vous êtes insensible à ce sujet. Je sais que, comme beaucoup de Français, comme beaucoup d'élus aussi, il vous est arrivé, il nous est arrivé d'avoir parfois à affronter, soit dans notre vie personnelle soit dans notre vie d'élu, ce genre de circonstance.
Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je veux indiquer plusieurs choses. D'abord, le plan qui a été présenté en conseil interministériel de la sécurité routière et qui a été adopté par le Gouvernement, est un plan complet, qui regroupe dix-huit mesures.
Mme Valérie Lacroute. Pourquoi ajouter celle-là ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il se trouve que le débat s'est focalisé sur l'une d'entre elles, mais vous savez, parce que vous êtes attentif à ce sujet, parce que vous êtes attentif aux questions de sécurité routière, que ces dix-huit mesures visent à réprimer plus sévèrement un ensemble de pratiques et de comportements qui sont accidentogènes.
Nous avons considéré que, dans toutes les circonstances, la vitesse était systématiquement un facteur aggravant de l'insécurité ou de l'accidentalité. Il nous est donc apparu nécessaire d'agir, sur la base d'expérimentations, après des débats dont je reconnais qu'ils sont peu spectaculaires, car ils ont lieu dans les instances qui sont prévues à cet effet.
M. Vincent Descoeur. Et jamais à l'Assemblée nationale !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Le Conseil national de la sécurité routière est prévu à cet effet. Et c'est ce même Conseil national de la sécurité routière, présidé par un élu local qui nous a fait cette recommandation, qu'il avait d'ailleurs formulée il y a quelques années. Nous l'avons adoptée parce que nous considérons que la priorité est de changer les comportements et de faire en sorte que les chiffres soient meilleurs, que le nombre de morts sur les routes diminue, ainsi que le nombre d'accidentés.
M. Éric Straumann. Et que ferez-vous si ça ne marche pas ?
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Dans votre département de l'Indre, vous avez eu dix-neuf morts en 2017. C'est plus qu'en 2016, vous le savez : 6 % de plus. Cela veut dire que, même avec des véhicules plus sûrs – c'est vrai –, même avec des infrastructures bien entretenues – et je n'ai aucun doute sur le fait qu'elles le soient dans votre département –, nous pouvons, nous devons, nous avons l'obligation de changer cette situation et de ne pas nous arrêter à cette espèce de fatalité.
Il n'y a pas de fatalité en matière de sécurité routière.
M. Vincent Descoeur. Le véritable enjeu, c'est la mobilité !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Non, monsieur le député, nous ne changerons pas d'avis.
M. Christian Jacob. Par dogmatisme !
M. Éric Straumann. Sauf si Macron le décide !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Non, monsieur le député. Les mesures annoncées seront mises en œuvre. C'est vrai pour la sécurité routière comme dans tous les domaines. J'assume parfaitement l'idée que le Gouvernement et l'État, lorsqu'ils s'engagent, tiennent leurs engagements. Je l'assume totalement.
Je pense que cette mesure est bonne. Je pense qu'elle produira des effets. Je pense que, dans quelques mois, le produit supplémentaire des amendes, si ces nouvelles dispositions ne sont pas respectées, sera affecté exclusivement – vous savez que c'est un sujet sérieux – aux établissements hospitaliers qui accompagnent le long chemin de ceux qui se reconstruisent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Cela leur permettra d'accompagner ces personnes. Elles en ont besoin, vous le savez parfaitement.
M. Christian Jacob. Vous n'avez pas écouté les élus locaux !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'ai rencontré un certain nombre de sénateurs qui sont contre cette mesure. Je les respecte. J'ai aussi rencontré beaucoup de médecins, beaucoup d'associations qui y sont favorables. Je les respecte aussi.
À ces sénateurs, j'ai dit que, peut-être, un peu de ces sommes pourraient être attribuées, le cas échéant, si des propositions intelligentes sont formulées, aux actions de prévention, car elles sont essentielles.
M. Vincent Descoeur. Ce n'est pas le sujet !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je n'ai aucun problème pour dire que nous pouvons aussi développer la prévention.
M. Pierre Cordier. Nous verrons les résultats !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est d'ailleurs un des éléments du plan que j'ai présenté, mais je ne crois pas qu'il faille se voiler la face. Toutes les mesures prises en matière de sécurité routière ont été impopulaires. Je me souviens trop bien – peut-être vous en souvenez-vous aussi – des réactions, lorsque, sous le Président Chirac,…
M. Christian Jacob. N'est pas Chirac qui veut !
M. Edouard Philippe, Premier ministre. …sous le Premier ministre Raffarin, le développement des radars a été mis en place. La mesure, qui était redoutablement impopulaire – vous le savez, moi aussi –, a pourtant produit des résultats. Eh bien, nous devons nous inscrire dans cette voie : accepter l'idée – c'est difficile – de ne pas être complètement populaire, quand nous pensons que cela produit des effets.
Une dernière chose, monsieur le député. Vous parlez des présidents de conseils départementaux en suggérant une curieuse mesure, d'ailleurs, puisque ce que vous demandez supposerait qu'une mesure de police puisse être adaptée dans un sens plus libéral par des élus locaux, alors que, normalement, un pouvoir inférieur au pouvoir réglementaire général, ne peut prendre que des mesures plus restrictives.
Mme Marie-Christine Dalloz. Le problème des poids lourds n'est pas traité !
M. Edouard Philippe, Premier ministre . Mais surtout, chaque fois que j'évoque le sujet en tête-à-tête avec des présidents de conseils départementaux et que je leur demande si, oui ou non, indépendamment des grandes déclarations, ils veulent assumer le risque, la responsabilité de réaugmenter la vitesse sur un certain nombre de tronçons, la réponse la plus courante – je ne dis pas qu'elle est générale – est : faites-le, assumez vos responsabilités, on verra les résultats.
Monsieur le député, je vous fais exactement cette réponse. Je le fais, j'assume mes responsabilités et on verra les résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Auteur : M. Nicolas Forissier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Sécurité routière
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2018