rétention de mineurs étrangers
Question de :
Mme Laurence Dumont
Calvados (2e circonscription) - Nouvelle Gauche
Question posée en séance, et publiée le 20 juin 2018
RÉTENTION DE MINEURS ÉTRANGERS
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe Nouvelle Gauche.
Mme Laurence Dumont. Quarante et un enfants ont été placés en rétention, en France, en 2013 ; 304 l'ont été en 2017. Ces enfants ont été retenus, comme en prison. Combien en faudra-t-il pour que vous interdisiez le placement en rétention des mineurs ? Lors du débat ici même sur le projet de loi sur l'asile et l'immigration, vous avez refusé de le faire.
La France a pourtant été condamnée six fois par la Cour européenne des droits de l'homme pour la rétention d'enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur quelques bancs du groupe FI), qualifiée de « traitement inhumain et dégradant ».
Dois-je vous rappeler, en cette veille de journée mondiale des réfugiés, que la France est signataire de la convention internationale des droits de l'enfant et que toutes les autorités administratives indépendantes et toutes les associations d'aide aux étrangers s'insurgent contre l'enfermement des mineurs ? Plus de 100 000 citoyens ont signé une pétition pour l'interdire, mais vous avez refusé de le faire.
Il y a quelques jours a été publié au Journal officiel le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Elle y dénonce le traitement indigne des mineurs et de leurs familles. Or aucun ministre n'a jugé utile de commenter ce rapport. Comment est-ce possible ?
Mme Valérie Rabault. Très juste !
Mme Laurence Dumont. Certes, aujourd'hui, toute la presse s'émeut, à juste titre, des pratiques de Trump aux États-Unis. Mais la France ne fait pas non plus preuve d'exemplarité, loin de là, en matière de traitement des enfants étrangers. La place d'un enfant n'est pas dans un lieu d'enfermement, quel que soit le comportement ou la situation administrative de ses parents. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.)
Il est temps, pour la France, de sortir du concert des nations indignes face au drame des réfugiés, singulièrement des enfants et des mineurs.
M. Erwan Balanant. C'est sous votre quinquennat que cette situation a explosé ! Quel culot !
Mme Laurence Dumont. Il est encore temps d'amender le projet de loi sur l'asile et l'immigration, dont l'examen commence aujourd'hui même au Sénat. Nous vous en conjurons : inscrivez dans la loi l'interdiction de la rétention des enfants en France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la députée, franchement, en toute honnêteté, le parallèle que vous établissez entre les images choquantes en provenance des États-Unis, qui nous ont tous heurtés, et la situation que vous décrivez en France est fallacieux à plus d'un titre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Je rappelle que le droit français garantit strictement l'intérêt de l'enfant et protège le mineur contre tout abus.
Mme Laurence Dumont. Et la rétention ? Ce n'est pas l'intérêt de l'enfant !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . La rétention est, comme vous l'avez indiqué vous-même, pratiquée de façon très exceptionnelle en France…
M. Stéphane Peu. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. …et ne donne pas lieu à la séparation des familles. La situation dans notre pays n'a donc rien à voir avec ce que nous pouvons voir aux États-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Stéphane Peu. Pourquoi la France est-elle condamnée, alors ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. De plus, sa durée moyenne est, vous le savez, de trente-six heures, et elle est effectuée sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, ce qui n'est pas rien.
Mme Valérie Rabault. La France a été condamnée six fois !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Par ailleurs, nous faisons tout pour aménager des locaux et proposer des activités pour ces cas, j'y insiste, très exceptionnels.
M. Stéphane Peu. C'est indéfendable !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Quant à la politique migratoire de l'administration Trump, c'est tout autre chose.
Mme Laurence Dumont et M. Boris Vallaud . On vous parle de la France !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Il s'agit d'une politique de séparation systématique qui est menée depuis le mois d'avril dernier et concerne 2 000 enfants.
Mme Valérie Rabault. Vous n'êtes pas le porte-parole de Trump !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. De ce point de vue, cette politique est effectivement contraire à l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.
M. Stéphane Peu. On parle de la rétention des enfants en France !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Mais la démocratie américaine est ancienne, et le Congrès dispose d'un certain nombre de pouvoirs qu'il entend exercer pleinement. Des amendements visant à interdire la séparation des enfants de leur famille sont en préparation. Cette mesure est souhaitée par deux Américains sur trois, dont les premières dames. Comme vous le voyez, il y a sûrement des raisons d'espérer dans la démocratie.
Mme Valérie Rabault. Il y a eu six condamnations de la France !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . En tous les cas, nous espérons que les États-Unis sauront être à la hauteur de leur construction nationale, qui s'est faite avec l'apport de populations multiples venues des quatre coins du monde.
Encore une fois, madame la députée, le parallèle que vous avez fait ne vous honore pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Auteur : Mme Laurence Dumont
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enfants
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 juin 2018