15ème législature

Question N° 10424
de M. Alain Bruneel (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Lutte des éléctriciens et gaziers pour un grand service public de l'énérgie

Question publiée au JO le : 10/07/2018 page : 5973
Réponse publiée au JO le : 25/12/2018 page : 12104
Date de changement d'attribution: 24/07/2018
Date de signalement: 11/12/2018

Texte de la question

M. Alain Bruneel alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur les conséquences graves de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie. Alors que plus de 240 sites ENEDIS ou GRDF sont occupés ou en grève, l'opposition à la privatisation occupe une place centrale dans le mécontentement des agents. Au-delà de leurs conditions de travail, les électriciens et gaziers défendent l'accès à l'énergie pour tous. Depuis l'ouverture à la concurrence, l'augmentation des tarifs est spectaculaire pour les français : +30 % pour les prix de l'électricité et +70 % pour le gaz, avec des conséquences évidentes sur la précarité énergétique. Il rappelle que ce phénomène est en pleine recrudescence avec près de 13 millions de personnes touchées. Ce 1er juillet 2018, les prix du gaz vont encore une nouvelle fois augmenter avec la plus forte hausse depuis 6 ans ce qui devrait plomber le budget des ménages français de près de 90¤ par an en moyenne. Au-delà de cet accès à l'énergie, la privatisation pose également des questions de sécurité évidente. Moins bien formés et sous pression de rendement permanent, des salariés dénoncent des manquements dans les vérifications des installations électriques des particuliers. Si le service public équivalait à une présence humaine disponible et à une prévention efficace, la privatisation entraine dans les faits une réelle augmentation des risques et une recrudescence des explosions. Enfin, la privatisation pose de vrais problèmes de cohérence dans la mesure où l'objectif de rentabilité des différentes entreprises qui gèrent désormais la production, la distribution, le transport et la commercialisation de l'énergie ne peut correspondre avec l'intérêt général et les mesures nécessaires pour éviter le gaspillage et économiser l'énergie. Il lui demande s'il compte écouter et entendre les salariés du secteur qui dénoncent la libéralisation du marché et réclament un retour au public.

Texte de la réponse

L'évolution des tarifs du gaz est essentiellement la conséquence de l'évolution des coûts d'approvisionnement en gaz sur les marchés. L'augmentation des prix, constatée actuellement sur les marchés d'approvisionnement, s'explique par plusieurs facteurs. Chaque année, la hausse de la demande à l'approche de l'hiver tire les prix à la hausse. De plus la hausse des cours du pétrole entraîne un effet de report sur le gaz dont les prix augmentent à leur tour. Enfin, la demande chinoise sur les marchés mondiaux est en forte hausse, dans la mesure où le charbon est progressivement remplacé par le gaz dans ce pays. De fait, les TRV gaz, mis en place pour assurer une transition à la suite de l'ouverture à la concurrence, sont eux aussi ajustés, en application de la loi, en fonction de l'évolution des coûts des fournisseurs concernés. Ces évolutions de coûts sont analysées chaque année par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), autorité administrative indépendante. Le gouvernement fixe ensuite la formule tarifaire et les barèmes, après avis de la CRE. Les hausses des prix d'approvisionnement sur les marchés mondiaux ont aussi pesé à la hausse sur les TRV. L'entrée de nouveaux fournisseurs sur le marché a plutôt un effet modérateur sur la hausse moyenne des prix du gaz. Par exemple, selon l'observatoire des marchés de l'énergie de la CRE, au 30 juin 2018, un particulier avec une facture annuelle aux TRV de 170 (usage cuisine), aurait pu économiser jusqu' à 4% avec des offres de marché : pour une facture de 1 278 (usage chauffage), le gain aurait pu s'élever à 8 %. Le comparateur d'offres du Médiateur national de l'énergie, disponible en ligne gratuitement, peut aider les consommateurs à trouver l'offre la mieux adaptée à leur profil de consommation et à faire des économies d'énergie. Le consommateur approvisionné au TRV reste libre de basculer à tout moment, sans frais ni préavis, vers une offre de marché plus attractive pour lui. En tout état de cause, le jugement du Conseil d'Etat du 19 juillet 2017 impose à l'État la suppression du régime des TRV au motif qu'il ne répond plus à un objectif d'intérêt général, en sécurisant l'approvisionnement ou en maintenant les prix à un niveau raisonnable et qu'il est donc désormais contraire au droit européen. Les dispositions législatives prises dans le projet de loi PACTE pour mettre fin à ce régime, tout en incitant à terme les consommateurs à faire jouer la concurrence, prévoient un haut niveau de protection pour ces derniers, avant, pendant et après la suppression des TRV du gaz naturel. Ainsi, la transition sera progressive (délai d'un an après la promulgation de l'ordonnance pour les professionnels, échéance du 1er juillet 2023 pour les particuliers), ce qui permettra de déployer une action pédagogique d'accompagnement des clients. D'autres dispositifs leur assureront une continuité de fourniture du gaz naturel, que ce soit pour les consommateurs qui n'auront pas engagé de démarche pour quitter les TRV gaz dans les délais requis, pour ceux qui ne parviendraient pas à trouver d'offre de marché (exemple d'un refus suite à des impayés) ou encore en cas de défaillance d'un fournisseur. Les TRV de l'électricité seront quant à eux maintenus, le Conseil d'État, ayant admis par décision du 18 mai 2018 leur existence dans son principe, sous réserve d'aménagements qui seront à prendre (extinction de ces tarifs pour les sites des grandes entreprises et réexamen périodique des TRV de l'électricité au vu des objectifs d'intérêt général économique poursuivis). Par ailleurs, plusieurs dispositifs visent à accompagner les ménages, notamment les plus vulnérables. Notamment, le chèque énergie a été généralisé cette année à l'ensemble du territoire en remplacement des tarifs sociaux de l'énergie, pour accompagner les foyers en situation de précarité énergétique de manière plus efficace et solidaire. Cette aide au paiement des factures d'énergie s'élève à 150 par an et par foyer en moyenne, contre 114 par an et par foyer en moyenne pour les anciens tarifs sociaux. Il est en outre prévu de revaloriser cette aide en 2019. Enfin, la libéralisation des marchés n'affranchit pas les entreprises concernées de leurs obligations imposées par la réglementation, notamment en matière de sécurité (obligations imposées par les articles R.4215-1 et suivants du code du travail au maître d'ouvrage dans le domaine des installations électriques), ou d'économies d'énergie (dispositif des certificats d'économie d'énergie, créé par la loi du 13 juillet 2005, et reposant sur une obligation de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics à certains fournisseurs d'énergie en fonction de leurs seuils de vente).