15ème législature

Question N° 1044
de Mme Sarah El Haïry (Mouvement Démocrate et apparentés - Loire-Atlantique )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Action et comptes publics
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Comment encourager la philanthropie lors du plan de relance ?

Question publiée au JO le : 19/05/2020
Réponse publiée au JO le : 09/12/2020 page : 3537

Texte de la question

Mme Sarah El Haïry interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les moyens envisagés pour encourager les dons lors du plan de relance. Plus de 693 %, c'est l'évolution du montant des dons sur la première quinzaine d'avril 2020 par rapport à 2019. Cette étude montre que l'ensemble des domaines sont touchés par cette hausse et pas seulement les secteurs de la recherche ou en lien avec le monde hospitalier. Pendant la crise, les Français qui le peuvent sont généreux : de la quête virtuelle pour son église au don pour le refuge animal surpeuplé en passant par l'association venant en aide aux femmes en détresse ou aux plus démunis, tous les secteurs ont bénéficié de cette collecte exceptionnelle. Durant ces heures difficiles, ces gestes philanthropes et de grands secours ont été effectués sans arrière-pensée d'optimisation fiscale. De grands parcs d'attractions ont fait des dons alimentaires quelques heures après la décision de confinement au profit des plus démunis afin que les denrées ne soient pas perdues, tout comme de grands groupes français qui ont fait des dons de masques, au moment où l'État n'était plus capable de répondre aux besoins. Le constat est que le levier du don est à la fois puissant et agile et est efficace là ou les procédures de la commande publique ne sont pas pensées pour une situation de crise. C'est pourquoi elle interpelle aujourd'hui le Gouvernement pour que l'administration qui considère aujourd'hui les dons comme une niche fiscale change son prisme de vue et reconnaisse l'impact social du don. Elle demande au Gouvernement quelles sont les pistes envisagées pour intégrer et accompagner la force de frappe du don dans le futur plan de relance.

Texte de la réponse

MESURES EN FAVEUR DES DONS DANS LE PLAN DE RELANCE


M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour exposer sa question, n°  1044, relative aux mesures en faveur des dons dans le plan de relance.

Mme Sarah El Haïry. Une hausse de 693 % : c'est l'évolution du montant des dons entre la première quinzaine d'avril 2020 et celle de 2019. Vous me direz qu'ils concernent la recherche ou les hôpitaux. Or l'étude d'iRaiser consacrée aux levées de fonds commandée par France générosités montre que l'ensemble des domaines ont profité de l'élan. Cette bouffée d'oxygène inattendue ne doit pas nous faire oublier les baisses successives des collectes de dons. Pendant la crise néanmoins, les Français qui le pouvaient ont été généreux, très généreux. Je veux ici rendre hommage à notre pays philanthrope : de la quête virtuelle pour une église aux dons pour le refuge pour animaux surpeuplé, en passant par le soutien à une association venant en aide aux femmes en détresse ou aux plus démunis – qui ne survivraient pas sans l'aide alimentaire –, l'ensemble du secteur caritatif a bénéficié de ce mouvement.

Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, durant les heures difficiles que nous avons traversées, nous avons pu constater que des gestes philanthropes et de grand secours ont été effectués sans arrière-pensée d'optimisation fiscale. Un grand parc d'attractions a ainsi fait des dons alimentaires au profit des plus démunis, quelques heures après la décision de confinement, afin que les denrées stockées ne soient pas perdues. De même, de grands groupes français ont fait des dons de masques, au moment où la tension était à son comble et que nous reconnaissions humblement être dans l'incapacité de satisfaire les besoins immédiats. Les dons d'alcool ont permis de relancer la production de gel, à plein régime. Et je ne mentionne pas les petits dons de masques, de charlottes ou de surblouses que des concessionnaires automobiles, des entreprises de l'agroalimentaire et des TPE ou PME ont faits directement à l'ARS ou aux infirmiers libéraux.

Nous constatons donc que le levier du don est à la fois puissant et agile, tandis que les procédures de commande publique ne sont pas adéquates dans une situation de crise. Cette démonstration de force fera-t-elle évoluer le point de vue de l'administration, qui considère encore trop les dons comme une niche fiscale ? Envisagez-vous d'encourager les dons pour accompagner le plan de relance à venir, et par quels moyens ?

Permettez-moi de vous offrir un livre, qui retrace l'histoire des dons et des legs à l'Institut Pasteur. Notre espoir repose sur un vaccin et un traitement. L'Institut Pasteur, qui fait la fierté de la France, a été fondé grâce aux dons et aux legs, et continue à fonctionner en grande partie ainsi. La philanthropie constitue un outil formidable ; elle est tellement source d'espoir que nous devons la soutenir. J'ai hâte d'entendre votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame El Haïry, je vous rejoins concernant l'importance des dons, en particulier dans la période actuelle, où notre pays est très rudement mis à l'épreuve. Vous avez cité de nombreux exemples, tous remarquables, et on pourrait en ajouter. Je pense ainsi aux entreprises qui ont accepté de participer, anonymement et sans contrepartie fiscale, au fonds de solidarité en faveur des TPE de moins de dix salariés. Il faut s'en réjouir, tout en rappelant que le Gouvernement a œuvré activement pour soutenir les dons, qu'ils viennent des entreprises comme des particuliers. Vous l'avez très justement relevé dans le rapport sur la philanthropie à la française que vous avez remis au Premier ministre en janvier dernier : le dispositif français du mécénat est un des plus généreux au monde, et plusieurs mesures prises au cours du quinquennat, dont certaines en réaction à la crise actuelle, l'ont consolidé.

S'agissant des particuliers, les versements effectués au profit des œuvres ou organismes d'intérêt général ou reconnus d'utilité publique ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant, dans la limite de 20 % du revenu imposable. L'article 200 du code général des impôts prévoit en outre une réduction majorée au taux de 75 % pour les dons de particuliers aux organismes fournissant gratuitement des repas ou des soins aux personnes démunies, ou favorisant leur accès au logement ; alors que ces dons étaient auparavant soumis à un plafond de 552 euros, la loi de finances rectificative du 25 avril 2020, adoptée à la faveur – si l'on peut dire – de la crise, a porté ce plafond à 1 000 euros.

Concernant les entreprises, la réduction d'impôt au titre du mécénat, prévue à l'article 238 bis du code général des impôts, procure un avantage fiscal pour les versements en faveur de certains organismes d'intérêt général : une réduction de 60 % de leur montant dans la limite de 10 000 euros, ou de 5 ‰ du chiffre d'affaires et reportable sur les exercices suivants ; pour les versements supérieurs à 2 millions d'euros, l'avantage est de 40 %. Afin de favoriser le soutien au développement du mécénat des petites entreprises, qui atteignent plus rapidement que les autres la limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires, l'article 134 de la loi de finances pour 2020 a porté le plafond des versements de 10 000 à 20 000 euros – vous y avez largement contribué.

Le plan de relance, que vous avez évoqué, est en préparation : les mesures qu'il contiendra sont à l'étude ; nous devons travailler pour qu'il soit transversal et efficace. Avec Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, nous présenterons un projet de loi de finances rectificative dans les prochaines semaines ou les prochains mois, pour adopter des mesures d'urgence et pour anticiper et accompagner des plans sectoriels, en ayant comme objectif un plan de relance transversal à appliquer lorsque la situation sera pleinement stabilisée. Dans cette perspective, il sera intéressant de débattre pour déterminer comment inciter les entreprises et les particuliers à faire preuve de générosité – peut-être, si c'est faisable, en prorogeant les mesures récentes que j'ai évoquées. Nous serons extrêmement attentifs à vos propositions.

M. le président. La parole est à Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. La philanthropie à la française est territoriale : elle s'exerce à proximité. Selon moi, il suffit de changer le regard de l'administration, qui la considère parfois trop comme une volonté d'optimisation ; elle doit se montrer un peu plus confiante.