Question orale n° 1051 :
Situation des collectivités territoriales du fait de la crise du covid-19

15e Législature

Question de : Mme Patricia Lemoine (Ile-de-France - UDI, Agir et Indépendants)

Mme Patricia Lemoine interroge M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales sur la situation alarmante de nombreuses collectivités territoriales, au nombre de 4 000 d'après les derniers chiffres communiqués, du fait de la pandémie liée au covid-19. Qu'il s'agisse des régions, des départements, des EPCI ou encore des communes, l'ensemble des collectivités territoriales est au cœur de la gestion de la crise sanitaire. La population a pu compter sur elles pour la distribution de masques, pour la protection des personnes fragiles mais aussi, concernant les professionnels, par la mise en œuvre de dispositifs d'accompagnement économique. Cette crise d'une ampleur inédite, qui impacte de façon fulgurante l'économie, génère, par voie de conséquence, des pertes de recettes pour les collectivités de l'ordre de 4 milliards d'euros pour 2020 et 11 milliards d'euros pour 2021 d'après les premières estimations. Si les conséquences de cette épidémie ne sont pas ressenties de façon uniforme par l'ensemble des collectivités territoriales, celles qui tirent leurs recettes du tourisme sont particulièrement impactées, Mme la députée pense notamment au bloc local. En effet, les activités liées au tourisme génèrent parfois jusqu'à 85 % des ressources fiscales économiques de certains EPCI et peuvent constituer jusqu'à 50 % de leurs recettes de fonctionnement. C'est le cas dans la 5ème circonscription de Seine-et-Marne avec l'activité des parcs de Disneyland Paris et des villages nature. Ainsi, à n'en pas douter, ces collectivités vont se retrouver dans une situation financière délicate dès 2020, mais qui sera très dégradée en 2021 et 2022 où il leur sera impossible d'équilibrer leur section de fonctionnement. Elle souhaiterait donc connaître son état de réflexion sur la situation financière de ces collectivités, et savoir plus précisément si des dispositifs exceptionnels seront mis en œuvre pour les accompagner dans ces circonstances si exceptionnelles.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour exposer sa question, n°  1051, relative aux conséquences de la crise sanitaire pour les collectivités territoriales.

Mme Patricia Lemoine. Comme vous le savez, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, la crise sanitaire qui frappe le pays entraîne des pertes de recettes parfois significatives pour les collectivités territoriales. Les premières estimations données par le ministre Darmanin font état de 4 milliards d'euros de pertes pour l'année 2020, et environ 11 milliards pour 2021.

Si, évidemment, les conséquences de cette épidémie ne sont pas ressenties de façon uniforme par l'ensemble des collectivités territoriales, celles qui tirent leurs recettes du tourisme sont particulièrement touchées – je pense notamment au bloc local.

Les activités liées au tourisme peuvent en effet rapporter jusqu'à 85 % des ressources fiscales de certains EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, représentant parfois jusqu'à 50 % de leurs recettes de fonctionnement. C'est le cas d'une agglomération, dans ma circonscription de Seine-et-Marne, dont l'activité est essentiellement liée à la présence des parcs Disneyland Paris et Villages nature. Ce cas a d'ailleurs été évoqué lors d'une conférence qui s'est tenue avec le préfet jeudi et à laquelle vous avez assisté.

À n'en pas douter, ces collectivités vont se retrouver dans une situation financière délicate dès 2020 avec des recettes de taxe de séjour en forte baisse, de 8 à 10 milliards d'euros pour le cas que je viens de citer, et qui se dégraderont considérablement en 2021 et 2022. Il leur sera alors bien difficile d'équilibrer leur section de fonctionnement.

Pouvez-vous nous préciser quels dispositifs exceptionnels pourraient être mis en place pour accompagner ces collectivités territoriales. Les élus, en tant que personnes responsables, savent très bien qu'ils ne pourront pas obtenir une compensation à l'euro près de la part de l'État.

M. Maxime Minot. Eh oui !

Mme Patricia Lemoine. Pourrait-on néanmoins envisager des dispositifs exceptionnels tels que des exonérations de contribution au FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ou au FSRIF, le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, ou tels que la suppression du prélèvement fiscal résiduel de la CRFP, la contribution au redressement des finances publiques, afin de leur offrir de nouvelles marges de manœuvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Vous avez raison de rappeler que les collectivités territoriales jouent un rôle important dans cette crise et que les conséquences financières seront nombreuses pour elles, mais de façon très inégale, selon la strate et surtout selon le moment.

Certains instruments de fiscalité sont contemporains, c'est le cas, bien sûr, de la taxe de séjour ou encore de la part de la fiscalité qui s'adosse aux courses hippiques et aux casinos. Les communes touristiques sont donc bien celles qui sont le plus fortement touchées. J'y ajouterais volontiers les communes d'outre-mer – certes fort éloignées de la Seine-et-Marne –, confrontées à la chute des recettes de l'octroi de mer.

Pour d'autres instruments de fiscalité, il y a un décalage dans le temps. Cela concerne particulièrement la fiscalité économique des intercommunalités, notamment avec les deux composantes de la contribution économique territoriale – CET – que sont la cotisation foncière des entreprises – CFE – et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE. Ce décalage dépend du niveau de déclaration des entreprises, mais il est au minimum d'un an.

Pour être complet, il faut mentionner un troisième aspect que nous avons évoqué avec les élus de votre département, madame la députée. Je pense aux droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, qui intéressent le bloc communal autant que le bloc départemental. Ils sont à ranger parmi les outils fiscaux « contemporains » : ces frais de notaire, pour parler de façon intelligible, s'ils ne sont pas perçus pendant une certaine période, font immédiatement défaut aux collectivités concernées ainsi qu'au système de péréquation entre les départements.

Voilà le constat ; il faut le documenter. Comme je l'ai dit la semaine dernière à Melun, je ne propose aucun chiffre. En effet, chacun y va de son estimation, mais les choses sont très compliquées à établir, en particulier pour la CVAE qui n'existait pas lors de la crise de 2008 – alors que pour les DMTO, nous disposons d'un élément de référence.

À ce stade, nous pouvons néanmoins affirmer qu'évidemment nous n'abandonnerons aucune collectivité territoriale. Il faut le dire, c'est important. De nombreux outils d'urgence sont disponibles. Je constate qu'à l'heure actuelle, heureusement, ils sont peu sollicités, ce qui signifie que la tension n'est pas insurmontable. Je pense aux avances de douzièmes de dotation globale de fonctionnement mais aussi de fiscalité, consenties afin que le niveau de trésorerie des collectivités territoriales soit toujours satisfaisant et qu'aucune d'entre elles ne soit en panne.

Je n'ai pas le temps de traiter la question des dépenses liées à la lutte contre le covid-19. Avec Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, nous avons trouvé un certain nombre de solutions afin que ces dépenses ne déstabilisent pas trop durablement le budget de fonctionnement des collectivités.

Une fois que nous aurons documenté l'ensemble des pertes, il faudra se poser la question du plan de soutien et de la façon dont nous traiterons le problème. Il y aura des rendez-vous législatifs – j'ai cru comprendre qu'un projet de loi de finances rectificative vous serait bientôt soumis ; toutefois, étant donné ce que je vous ai dit des décalages dans le temps, nous voyons bien qu'il faudra traiter cela dans le projet de loi de finances pour 2021, à la fin de l'année.

Nous devrons alors voir comment nous pourrons intervenir. Pour ce qui concerne les recettes, madame la députée, vous avez dit que la compensation ne se ferait pas à l'euro près. Or la fiscalité locale est malheureusement beaucoup trop complexe pour adopter cette approche : il faudra examiner les situations au cas par cas, en fonction des instruments fiscaux qui n'ont pas tous la même nature et le même fonctionnement. Des questions se poseront aussi en matière de péréquation entre les territoires, les intercommunalités, les communes et les départements les plus riches et les plus pauvres.

Le chantier est de taille. M. Jean-René Cazeneuve qui préside la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de votre assemblée est missionné par le Gouvernement pour l'épauler et documenter cet important sujet.

Enfin, il faut évoquer le rôle des collectivités dans la relance économique, en particulier grâce à l'investissement public. C'est pour qu'elles puissent agir en la matière que nous voulons leur donner de la visibilité le plus rapidement possible.

Madame la députée, je vous remercie pour l'attention que vous portez à ces sujets, y compris en ce qui concerne votre intercommunalité.

Données clés

Auteur : Mme Patricia Lemoine (Ile-de-France - UDI, Agir et Indépendants)

Type de question : Question orale

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Collectivités territoriales

Ministère répondant : Collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mai 2020

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