15ème législature

Question N° 1060
de M. Stéphane Buchou (La République en Marche - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > archives et bibliothèques

Titre > Dons de particuliers aux bibliothèques-médiathèques publiques

Question publiée au JO le : 09/06/2020
Réponse publiée au JO le : 09/12/2020 page : 4031

Texte de la question

M. Stéphane Buchou attire l'attention de M. le ministre de la culture sur l'impossibilité pour les bibliothèques-médiathèques publiques d'accepter des dons de particuliers constitués de DVD ou de CD. Des limitations sont imposées à leur usage par les lois qui protègent les droits d'auteur, ceux des compositeurs, des interprètes, ce que chacun comprend. Toutefois, l'ouverture d'une telle possibilité constituerait une réponse pertinente sous de multiples aspects : l'enrichissement sans coût initial des fonds de médiathèques intercommunales, notamment rurales, aux ressources limitées ; ces dons émanent de personnes d'un certain âge, sans succession, ou motivées par un geste désintéressé pour leur collectivité, ses habitants, ses enfants. C'est alors pour elles un crève-cœur de devoir se « débarrasser à la déchetterie » de DVD ou CD, supports d'œuvres artistiques qui ont accompagné leur vie. Geste qui d'une certaine manière évoque les sinistres autodafés qui ont émaillé l'histoire ; geste qui en outre, à l'époque où le développement durable devient un impératif catégorique, va à l'encontre des évolutions amorcées : limitation du gaspillage des plastiques (emballages, bouteilles à usage unique...), bannissement de l'obsolescence programmée, préférence aux produits réparables, valorisation de l'économie circulaire. Se séparer de DVD et de CD en bon état s'apparente alors à un énorme gâchis matériel. Dans ces conditions, il lui demande si on ne peut imaginer un mécanisme simple et peu onéreux pour les collectivités qui, tout en préservant les droits d'auteur, permettrait aux médiathèques d'enrichir leur fonds et permettrait aux citoyens de se conformer aux nouveaux standards de la consommation rejetant le gaspillage.

Texte de la réponse

DONS DE DVD ET DE CD AUX BIBLIOTHÈQUES ET AUX MÉDIATHÈQUES


M. le président. La parole est à M. Stéphane Buchou, pour exposer sa question, n°  1060, relative aux dons de DVD et de CD aux bibliothèques et aux médiathèques.

M. Stéphane Buchou. Permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage à celui qui, au début de l'année, m'a alerté sur le sujet qui me préoccupe aujourd'hui. Jacques Oudin, sénateur de la Vendée de 1986 à 2004, conseiller général pendant près de quarante ans, élu local de sa belle île de Noirmoutier de 1977 à 2014, a travaillé tout au long de sa carrière au service de ses concitoyens. Il est décédé brutalement le 21 mars dernier du covid-19.

Monsieur le ministre de la culture, ma question porte sur l'extrême difficulté, voire l'impossibilité, pour les bibliothèques et médiathèques publiques, d'accepter, de la part des particuliers, des dons de DVD ou de CD. Des limitations sont en effet imposées à leur usage par les lois qui protègent les droits d'auteur des compositeurs et des interprètes, ce que chacun comprend évidemment. Toutefois, l'ouverture d'une telle possibilité constituerait une réponse intéressante à différents titres. Elle permettrait, en particulier, l'enrichissement, sans coût, des fonds des médiathèques intercommunales, notamment rurales, dont les ressources sont limitées. En effet, les dons émanent de personnes d'un certain âge, sans succession ou motivées par un geste désintéressé envers leur collectivité et ses habitants. C'est pour elles un véritable crève-cœur que de devoir se débarrasser à la déchetterie de DVD ou de CD d'œuvres artistiques qui ont accompagné leur vie.

D'une certaine manière, ce geste évoque les sinistres autodafés qui ont émaillé l'histoire. À une époque où le développement durable et la protection de l'environnement deviennent des impératifs catégoriques, il va à l'encontre des évolutions en cours : la limitation du gaspillage des plastiques, le bannissement de l'obsolescence programmée, la préférence accordée aux produits réparables, la valorisation de l'économie circulaire. Se séparer de DVD et de CD en bon état s'apparente alors à un énorme gâchis matériel.

Monsieur le ministre, ne pourrait-on pas imaginer un mécanisme simple et peu onéreux pour les collectivités qui, tout en préservant les droits d'auteur, permettrait aux médiathèques d'enrichir leur fonds et aux citoyens de se conformer aux nouveaux standards de la consommation opposés au gaspillage ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Vous posez, monsieur Buchou, une très bonne question, qui préoccupe à juste titre les bibliothèques et les médiathèques.

Les utilisations des œuvres dans les bibliothèques sont, de manière générale, soumises à l'application du droit d'auteur. La seule exception est le prêt de livre car la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs a créé un dispositif de licence légale qui garantit aux bibliothèques la faculté de prêter les livres. Ainsi, les auteurs de livre ne peuvent plus exercer leur droit exclusif d'autoriser ou d'interdire le prêt de leur ouvrage, en contrepartie d'un droit à rémunération géré collectivement par la Société française des intérêts des auteurs de l'écrit, la SOFIA.

Le prêt public à la consultation des CD et des DVD dans une bibliothèque relève quant à lui du droit exclusif de l'auteur. Lorsqu'une bibliothèque reçoit ces supports en dons, il lui faut donc acquérir les droits d'usage collectifs pour pouvoir les proposer au public en se rapprochant directement des titulaires des droits ou d'organismes de gestion collective lorsque cette voie est possible.

La manière dont les ayants droit appréhendent l'activité des bibliothèques peut différer d'un secteur de la création à l'autre. Les ayants droit du secteur musical ne demandent aucune rémunération au titre du prêt public des CD, sauf lorsque de la musique est écoutée dans la bibliothèque, auquel cas la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, perçoit une redevance au titre du droit de représentation.

Il en va différemment s'agissant du secteur audiovisuel : le prêt public et la consultation sur place des DVD font l'objet d'un dispositif contractuel éprouvé, impliquant des fournisseurs spécialisés bien identifiés, qui négocient avec les éditeurs, les producteurs et les distributeurs – le processus est complexe ! – des droits attachés au support et couvrant les usages collectifs liés aux activités des bibliothèques. Les DVD donnés par des particuliers relèvent du commerce réservé à un usage privé dans le cercle familial.

Nous travaillons avec les ayants droit pour faciliter les dons grâce à un système équivalent à celui qui s’applique aux CD, mais il est plus difficile d’y parvenir s’agissant de DVD, pour lesquels les titulaires de droits sont plus nombreux. Actuellement, il revient à la bibliothèque donataire de négocier individuellement avec ces titulaires les droits d’usage des exemplaires qui l’intéressent. Or cette démarche contractuelle peut se révéler très fastidieuse quand beaucoup de DVD sont concernés, comme vous l’avez souligné.

Les dons des familles que vous avez évoquées permettraient d’enrichir les collections des bibliothèques et médiathèques, mais nous devons nous assurer que le processus respecte les droits des auteurs et de l’ensemble de la filière. Un tel équilibre est toujours délicat à trouver. J’espère pouvoir vous donner prochainement de bonnes nouvelles à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Buchou.

M. Stéphane Buchou. Effectivement, que des familles veuillent se défaire de leurs CD et DVD alors que les médiathèques ne disposent pas des solutions ni des ressources humaines et techniques leur permettant de les accepter crée une situation complexe. J’espère moi aussi une très bonne nouvelle d’ici à quelques semaines ou quelques mois.