Question orale n° 1069 :
Situation financière de l'hôpital public

15e Législature

Question de : Mme Véronique Louwagie
Orne (2e circonscription) - Les Républicains

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la précarité financière de nombreux hôpitaux publics. Selon un panorama de 2019 de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les comptes financiers des hôpitaux publics continuent de se dégrader. Leur déficit a été chiffré à 650 millions d'euros en 2018 (contre 470 millions deux ans auparavant). Dans un rapport publié la même année, la Cour des comptes estimait ainsi qu'un tiers des hôpitaux publics étaient en situation d' « endettement excessif », soit 319 établissements. La chambre régionale des comptes de Normandie a examiné la gestion du centre hospitalier de L'Aigle pour les exercices 2013 à 2017. Elle avait alors mis en évidence une situation financière très dégradée. En effet, pour un budget d'exploitation qui atteignait, en 2016, 30,5 millions d'euros de recettes, le déficit cumulé s'élevait à près de 20 millions d'euros. La Cour des comptes mettait en évidence un passif social et fiscal croissant. À l'époque, la chambre régionale des comptes recommandait la mise en place d'un plan pluriannuel d'investissement adapté à la réalité de la situation financière de l'établissement, et ce afin d'assurer la sécurité des patients et la continuité du service public. Pour l'exercice 2020, les charges prévisionnelles du centre hospitalier de L'Aigle atteignent 37 466 164 euros, soit une augmentation de 4,91 % par rapport à celui de 2019. Dans le même temps, déjà très inférieurs aux charges, les produits diminuent de 0,93 % sur la même période. Résultat, le centre hospitalier a clôturé négativement ses derniers exercices budgétaires avec un nouvel accroissement prévu de l'ordre de - 2 026 292 euros entre 2019 et 2020. Enfin, d'ici à 2024, les prévisions de la CAF laissent entrevoir une évolution positive du résultat comptable prévisionnel avec une capacité d'autofinancement encore largement négative. Cette situation ne permet pas à cet hôpital public de se transformer, comme il l'a déjà beaucoup fait, avec le développement de la médecine ambulatoire, l'optimisation de la répartition territoriale des établissements, la création du « parcours de soins », l'informatisation des dossiers des patients... En fait, la situation financière résultant des politiques publiques conduites ne permet pas d'accompagner les mutations souhaitables. Le Président de la République a récemment annoncé que des moyens seraient débloqués afin de renouveler le matériel et les équipements, sans préciser toutefois le montant de l'enveloppe allouée. Il faudra également avoir à l'esprit qu'un hôpital est avant tout un système humain composé d'équipes de médecins, d'infirmières, d'aides-soignants. Elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement pour permettre au centre hospitalier de L'Aigle d'investir pour diminuer les taux de vétusté de l'établissement, qui atteignaient près de 90 % en 2016 pour les matériels et mobiliers.

Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020

SITUATION FINANCIÈRE DE L'HÔPITAL PUBLIC
M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour exposer sa question, n°  1069, relative à la situation financière de l'hôpital public.

Mme Véronique Louwagie. Le Gouvernement a annoncé il y a plusieurs mois le plan « Investir pour l'hôpital », dans le prolongement du plan « Ma santé 2022 », plan très attendu au regard des circonstances. Il dit vouloir, par ce plan, relancer l'investissement courant afin de renouveler plus rapidement les équipements et matériels indispensables au travail des soignants au quotidien.

La crise du covid-19 nous a rappelé quelques réalités de notre hôpital public. Le département de l'Orne aurait bénéficié d'une enveloppe de 1,33 million d'euros, somme qui, divisée entre ses différents établissements, aurait atteint péniblement 220 000 euros par hôpital, ce qui n'offre pas, vous en conviendrez, de grandes perspectives de renouvellement du matériel.

Cette aide est dérisoire pour un hôpital comme celui de Saint-Louis, à L'Aigle, dont le taux de vétusté du matériel est estimé à 96 % en 2020, et dont la dette fiscale et sociale frôle déjà les 20 millions d'euros.

La chambre régionale des comptes avait émis des recommandations, axées notamment sur la nécessité d'investir pour renouveler le matériel et l'immobilier. Mais dans la situation actuelle, le centre hospitalier de L'Aigle ne peut investir.

La décision de l'État de reprendre un tiers de la dette hospitalière pour dégager des marges nécessaires pour les établissements – 10 milliards dans un premier temps, puis 13 milliards ensuite – reste malheureusement insuffisante. En effet le centre hospitalier de L'Aigle, conservant 14 millions d'euros de dette, n'aura toujours pas de capacité d'investissement. Ainsi, finalement, la reprise d'un tiers de la dette n'apporte rien à un tel centre hospitalier.

Avec l'augmentation des charges de 4,91 % par rapport à 2019, le centre hospitalier Saint-Louis va probablement clore son exercice pour 2020 avec un déficit de 5,5 millions d'euros.

Tous les services de cet hôpital sont, pour les patients, d'un intérêt majeur, qu'il s'agisse des urgences, de la médecine générale, de la chirurgie, des services de psychiatrie, de la maternité, des services de gynécologie ou des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je pourrais me lancer dans un inventaire à la Prévert, mais je suis certaine que vous avez compris.

Bref, malgré tous les efforts consentis, l'hôpital ne peut tout simplement pas suivre les recommandations de la Cour des comptes en matière d'investissements. Comment le pourrait-il ?

À travers la situation de l'hôpital de L'Aigle, qui, je suis sûre que vous rejoignez ma pensée, est loin d'être un cas isolé, se pose la question du mode de financement de l'hôpital public. Restera-t-il sous perfusion, ou gagnera-t-il des marges de manœuvre supplémentaires ? La crise du covid modifie-t-elle votre diagnostic ? L'investissement de l'État dans un établissement comme celui de L'Aigle va-t-il être renforcé ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame Louwagie, je souhaite apporter quelques éléments pour remettre en perspective la situation et nous projeter dans un avenir proche concernant les difficultés financières des établissements de santé et, plus particulièrement, la situation financière du centre hospitalier de L'Aigle, dans l'Orne.

Ce centre hospitalier est aujourd'hui indispensable pour répondre aux besoins de santé des populations de son territoire, compte tenu de son isolement géographique. Son développement est d'ailleurs, à ce titre, régulièrement accompagné, depuis de nombreuses années. Il a ainsi été autorisé fin 2018 à pratiquer l'activité de soins d'anesthésie ou de chirurgie ambulatoire et à renforcer son offre de soins en direction des personnes âgées, avec la création d'une unité de court séjour gériatrique de vingt lits ainsi que d'une unité de soins continus de cinq lits.

Malgré ce dynamisme, le centre hospitalier de L'Aigle est confronté à la baisse de son activité de chirurgie et à un taux de fuite important de ses patients vers d'autres établissements. Il souffre également de difficultés importantes pour recruter les professionnels nécessaires à son fonctionnement. Ces difficultés ont eu pour conséquence de dégrader significativement sa situation financière.

Pour limiter l'impact de cette situation, l'établissement reçoit depuis 2016 un financement forfaitaire compensant en partie son isolement géographique, le forfait s'élevant à 820 000 euros pour 2020. En outre, le centre hospitalier est accompagné régulièrement au titre des investissements nécessaires à sa modernisation. Depuis 2017, plus de 3 millions d'euros lui ont été alloués en aides à l'investissement, ce qui correspond à environ 10 % de son budget d'exploitation sanitaire. S'y ajoutent plus de 3 millions d'euros de crédits de trésorerie afin d'alléger les contraintes de trésorerie en cette période de crise.

En complément de ces accompagnements, l'établissement a renforcé ses coopérations avec les autres établissements de l'Orne, au sein du groupement hospitalier de territoire Eure-Seine-Pays d'Ouche. Ces coopérations sont indispensables à cet établissement, comme à d'autres, pour leur permettre de recruter les professionnels dont ils ont besoin et de retrouver un niveau d'activité correspondant à la population de leurs territoires. Elles restent à développer en direction de la médecine de ville et des établissements médico-sociaux, dans une logique de coopération de l'ensemble des professionnels au profit de la population locale.

Plus largement madame la députée, vous avez évoqué « Ma santé 2022 », et le plan pour l'hôpital présenté par le Premier ministre et Mme Agnès Buzyn, ministre de la santé à l'époque. Vous le savez, nous avons lancé le 25 mai dernier le Ségur de la santé, qui sera l'occasion de se concerter largement avec l'ensemble des acteurs de l'hôpital mais aussi de la médecine de ville ou du médico-social, en vue de définir notamment une nouvelle politique d'investissement – c'est l'un des grands chantiers du Ségur.

Au-delà de la reprise des 13 milliards de dettes que vous évoquiez, il s'agira de définir les nouvelles politiques de financement des établissements au service des soins. Le pays de L'Aigle et son établissement ont vocation à être pleinement associés à cette réflexion.

Données clés

Auteur : Mme Véronique Louwagie

Type de question : Question orale

Rubrique : Établissements de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 juin 2020

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