Question écrite n° 10802 :
Évasion de Redoine Faïd et nécessité de moyens supplémentaires pour les prisons

15e Législature

Question de : Mme Emmanuelle Ménard
Hérault (6e circonscription) - Non inscrit

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'évasion de Redoine Faïd. Le 1er juillet 2017, un braqueur récidiviste s'est évadé de prison pour la deuxième fois, laissant apparaitre des défaillances. En effet, un hélicoptère a pu se poser dans la cour d'honneur, seul endroit à l'abri des miradors, alors même qu'un filet anti-aérien est réclamé par la prison de Réau depuis son ouverture en 2011. Le prisonnier était au parloir, sous la surveillance d'une seule personne, quand l'évasion a eu lieu. Pourtant, Redoine Faïd était « à l'isolement depuis plusieurs mois » parce qu'il était connu qu'il désirait s'évader. L'évasion semble ainsi avoir été facilitée par le passage de drones au-dessus de la prison, il y a quelques mois, ce qui pose la question de l'absence de système de brouillage anti-drône dans les prisons françaises. Cette évasion a également été filmée par un prisonnier, puis diffusée sur internet, ce qui interroge quant à la présence de tels outils de communication en possession des prisonniers français. Au-delà de toutes ces interrogations, se pose la question du changement de cellule et des fouilles qui ne semblent plus être réalisés. Le secrétaire général du syndicat national pénitentiaire, M. Emmanuel Baudin, disait d'ailleurs à la suite de l'évasion : « dans le temps, les détenus signalés, on les changeait de cellule régulièrement. On fouillait les cellules. Aujourd'hui, on ne fouille quasiment plus ». À cela s'ajoute le fait que l'administration pénitentiaire avait averti, par un échange de mails entre la direction interrégionale de l'Île-de-France et la direction de l'administration pénitentiaire, qu'elle soupçonnait une probable tentative d'évasion de Redouane Faïd. Un transfèrement du détenu était même prévu pour septembre 2018. Ce délai était jugé par la direction interrégionale « pas raisonnable au regard de la menace sérieuse du passage à l'acte du détenu ». Dans le même message, elle alertait sur « les risques graves et sérieux de troubles à l'ordre public, sans compter le risque de violences très graves voir irréversibles sur nos personnels ». La mission d'inspection générale de la justice, qui a été diligentée le 1er juillet 2017, rendra son avis d'ici un mois. Elle lui demande donc pourquoi l'administration pénitentiaire n'a pas pris au sérieux les alertes au sujet de Redoine Faïd et si elle compte allouer des moyens supplémentaires aux prisons et à leur personnel, pour mieux protéger les Français.

Réponse publiée le 12 novembre 2019

Le ministère de la Justice accorde d'importants moyens à la sécurisation des établissements pénitentiaires : 50,2 M€ ont ainsi été inscrits dans la LFI 2019, ce qui représente une hausse de 6,5 M€ (+ 15 %) par rapport à 2018. De plus, 58,1 M € sont inscrits au titre du PLF 2020, soit une hausse de 16 % par rapport à 2019. Ainsi, la direction de l'administration pénitentiaire participe aux travaux interministériels, sous le pilotage du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, pour trouver des solutions adaptées et évolutives technologiquement en réponse à la nouvelle menace des drones malveillants. Un marché public d'achat de solutions mobiles de lutte anti-drones a été conclu le 7 décembre 2018, pour un déploiement des premiers systèmes en 2019, afin de protéger les établissements pénitentiaires les plus à risque. Concernant l'utilisation des téléphones portables en détention, la direction de l'administration pénitentiaire a engagé une démarche qui consiste à déployer, d'une part, un système performant de détection et de neutralisation par brouillage des téléphones portables illicites dans les établissements, et d'autre part, à élargir les conditions d'accès des détenus à la téléphonie fixe légale sans internet. Un marché performanciel de détection et de neutralisation des communications illicites a été notifié le 15 décembre 2017. A ce stade, des moyens budgétaires importants sont alloués pour le déploiement de cette technologie : 14,7 M€ pour 2018, 19,9 M€ pour 2019, et 24,8 M€ pour 2020. La loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié les termes de l'article 726-2 du code de procédure pénale pour faciliter l'affectation au sein de quartiers spécifiques des personnes détenues majeures dont le comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l'établissement ou à la sécurité publique. Dans ce type de quartier, les personnes détenues bénéficient d'un programme adapté de prise en charge et sont soumises à un régime de détention impliquant notamment des mesures de sécurité renforcée. Sur le fondement de ces dispositions, deux projets de décrets en conseil d'Etat en cours de finalisation créent le régime juridique des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) et des unités pour détenus violents (UDV). La loi du 23 mars 2019 a également modifié les articles 714 et 717 du code de procédure pénale relatifs à l'affectation des prévenus et des condamnés. A titre exceptionnel, il est désormais possible d'affecter des prévenus en établissements pour peines, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, lorsque cette décision apparaît nécessaire à la prévention des évasions ou au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, dans les conditions prévues à l'article 726-2 précité du code de procédure pénale, des prévenus peuvent être affectés dans un établissement pour peines au sein d'un quartier spécifique de même que des condamnés peuvent être affectés en maison d'arrêt au sein d'un quartier spécifique.  Le renforcement du service du renseignement pénitentiaire concourt également à la sécurité pénitentiaire. La professionnalisation des agents du renseignement pénitentiaire et le renforcement des effectifs constituent un axe prioritaire : dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la Justice, le renseignement pénitentiaire verra ses effectifs augmenter d'une centaine d'agents supplémentaires d'ici 2020. Les pôles « criminalité organisée » et « sécurité pénitentiaire », compétents pour suivre les détenus particulièrement signalés et/ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité des établissements, seront renforcés à l'échelon central du renseignement pénitentiaire comme aux échelons interrégionaux. En outre, les moyens juridiques et techniques du renseignement pénitentiaire en matière de prévention des évasions et de sécurité pénitentiaire seront alignés sur ceux de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée avec la possibilité de recourir à l'ensemble des techniques de renseignement, comme l'enregistrement du son ou de la vidéo, dans certains lieux,  tels que les parloirs. Afin de limiter les projections d'objets interdits ou l'introduction prohibées de substances au sein des établissements pénitentiaires, la loi du 23 mars 2019 permet désormais aux personnels de surveillance affectés dans les équipes de sécurité pénitentiaire de procéder, sur l'ensemble du domaine de l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats, au contrôle des personnes à l'égard desquelles il existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire. Dans l'hypothèse où la personne refuse de se soumettre au contrôle ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les personnels peuvent la retenir, en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire. Ils sont toutefois dans l'obligation de rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire compétent qui peut ordonner que la personne lui soit présentée sur le champ ou qu'elle soit retenue jusqu'à son arrivée.  L'article 57 de la loi pénitentiaire a également été modifié par la loi du 23 mars 2019 afin de renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires et étendre le champ des fouilles intégrales des détenus. Les fouilles par palpation sont désormais exclues du champ de cet article, ce qui permet aux personnels pénitentiaires de mettre en œuvre cette mesure de contrôle de manière systématique, sans formalisme particulier, au même titre que l'utilisation des moyens de détection électronique. Par ailleurs, les détenus accédant à l'établissement sans être restés sous surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de l'ordre peuvent désormais être systématiquement fouillés. La loi consacre également le régime dérogatoire des fouilles intégrales systématiques justifiées par la présomption d'une infraction ou les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité ou au maintien du bon ordre.  La note de la direction de l'administration pénitentiaire du 12 septembre 2018 rappelle en outre que les fouilles ordinaires de cellule constituent un geste professionnel essentiel participant à la sécurité des établissements, à la réduction des risques de passage à l'acte violent ou d'évasion et à la limitation des trafics en détention.  Enfin, entrée en vigueur depuis le 15 juin 2019, la réorganisation des services centraux de la direction de l'administration pénitentiaire a permis d'apporter une réponse institutionnelle globale au nécessaire renforcement de la sécurité des établissements. La nouvelle organisation, distinguant le service des métiers et le service de l'administration, consacre une nouvelle approche de la sécurité pénitentiaire par l'évaluation des risques plus efficiente, une clarification et une fluidification des processus de décision et de pilotage des services et un renouveau des relations entre l'administration centrale et les services déconcentrés. Au sein du service des métiers, la nouvelle sous-direction de la sécurité pénitentiaire concentre désormais l'ensemble des moyens de décision relatif à la sécurité pénitentiaire. Cette sous-direction porte une nouvelle approche de la sécurité par les risques afin de spécialiser les politiques de sécurité, de favoriser la classification des établissements et de permettre la diversification des régimes de détention.

Données clés

Auteur : Mme Emmanuelle Ménard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Lieux de privation de liberté

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 17 juillet 2018
Réponse publiée le 12 novembre 2019

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