15ème législature

Question N° 1086
de M. Aurélien Taché (Écologie Démocratie Solidarité - Val-d'Oise )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Titre > Rapport police population

Question publiée au JO le : 09/06/2020
Réponse publiée au JO le : 09/12/2020 page : 4040

Texte de la question

M. Aurélien Taché alerte M. le ministre de l'intérieur sur le délitement du rapport police population, dont les récentes actualités ont fait ressurgir ce malaise, et sur les moyens qui pourraient être mis en place pour y remédier. Les observations de Jacques Toubon, Défenseur des droits, concernant le cas de jeunes contrôlés de façon abusive et répétée par des policiers du commissariat du XIIème arrondissement de Paris entre 2013 et 2015 posent la question de la transparence du contrôle exercé par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de sa mission à veiller au respect des lois et des règlements du code de déontologie de la police nationale par ses fonctionnaires. Dans son avis, Jacques Toubon dénonce une « discrimination systémique ». Cet écrit intervient dans le cadre d'une procédure civile lancée contre l'État en juillet 2019 par 18 mineurs à l'époque des faits. Ils dénoncent des contrôles au faciès, des insultes et des violences répétées de la part des policiers. Dans cette affaire, trois agents avaient été condamnés au pénal en avril 2018, en première instance, à cinq mois d'emprisonnement avec sursis et des amendes. Dans sa décision, le Défenseur des droits relève notamment que les pratiques en cause étaient le fruit d'ordres hiérarchiques et donc rejette l'hypothèse du fait d'agents isolés. Par ailleurs, le conseil de prud'hommes de Paris a retenu, dans plusieurs jugements rendus le 17 décembre 2019, l'existence d'une « discrimination raciale et systémique » à l'égard de 25 travailleurs maliens employés en situation irrégulière sur un chantier de démolition. Il s'agit de la première décision consacrant la notion de « discrimination systémique » dans le cadre d'un contentieux prud'homal en France. Parallèlement, une enquête du CEVIPOF, publiée en 2016, rapporte que dans la police et l'armée, les intentions de vote pour Marine Le Pen atteignent 51,1 % en progression de plus de 20 points en trois ans. Plus récemment, le rassemblement à l'appel du Comité Adama du mardi 2 juin 2020 a rassemblé 20 000 manifestants à Paris. Il lui demande s'il est prêt à apporter des réponses politiques à cette crise de confiance qui permettraient de rassurer les Françaises et les Français qui se sentent en insécurité, mais également de garantir aux forces de l'ordre des conditions sereines et apaisées dans l'exercice de leur mission, par exemple en incluant un contrôle citoyen, en réformant l'IGPN ou encore en proposant un encadrement des techniques d'interpellation.

Texte de la réponse

CONFIANCE ENTRE LA POLICE ET LA POPULATION


M. le président. La parole est à M. Aurélien Taché, pour exposer sa question, n°  1086, relative à la confiance entre la police et la population.

M. Aurélien Taché. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, votre ministre a annoncé hier une tolérance zéro contre le racisme dans les forces de l'ordre française. Pourtant, dans le rapport d'activité annuelle de l'IGPN pour 2019, paru également hier, l'expression « injures à caractère raciste ou discriminatoire » a tout simplement disparu. Cette décision, prise en mars dernier alors que viennent d'intervenir des révélations sur des groupes tels que celui qui a récemment été mis au jour à Rouen ou « TN Rabiot Police Officiel », sur Facebook, à propos duquel le ministère de l'intérieur a d'ailleurs saisi le parquet de Paris, a de quoi étonner. Dans le même temps – hasard du calendrier –, Jacques Toubon, Défenseur des droits, publiait lui aussi son rapport d'activité, qui nous indique que, sur les trente-six dossiers dont il a saisi le Gouvernement en raison de manquements à la déontologie dans la police, il n'a obtenu aucune réponse. Il indique également que 84 % des personnes interrogées pour savoir si elles avaient ou non subi un contrôle d'identité au cours des cinq dernières années disent que ce n'est pas le cas, mais que 40 % des jeunes de 18 à 24 ans indiquent avoir déjà été contrôlés et, parmi eux, 80 % d'hommes perçus comme noirs ou arabes maghrébins l'ont été.

Le ministre de l'intérieur a annoncé hier une mission contre le racisme de la police, à laquelle la société civile pourrait participer. Peut-on savoir sous quelle forme, et la représentation nationale y sera-t-elle associée ?

Une réforme de l'Inspection générale de la police nationale a aussi été annoncée. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous en dire un peu plus ? Les policiers chargés de ce contrôle retrouveront leur pairs sur le terrain. Cela va-t-il changer, ou non ?

Vous avez également annoncé un rappel des règles applicables aux contrôles d'identité et le renforcement des caméras piétons. Au regard des faits que je viens de rappeler et alors que les jeunesses du monde entier marchent pour l'égalité, ces déclarations me semblent un peu décalées. Pourquoi ne pas simplement généraliser le port de webcams embarquées et instaurer, par exemple, un délai de trente jours pour contester les interpellations ? Après l'étranglement, le placage ventral sera-t-il abandonné ?

Monsieur le secrétaire d'État, en tant que député, mais également en tant que petit-fils de policier, je mesure les difficultés que rencontrent les forces de l'ordre dans le cadre de leur métier, mais si des réponses à la hauteur des enjeux ne sont pas apportées, cette situation ne pourra qu'empirer. Prenez la mesure du problème et donnons-nous les moyens de redonner véritablement ses lettres de noblesse à la police républicaine.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous m'interrogez, en réalité, sur le lien de confiance entre la police et la population. Cette relation demeure très forte, et c'est important, car les policiers et les gendarmes sont les piliers de notre République. Toutes les actions dans lesquelles ils sont mis en cause, ils les réalisent d'abord pour protéger nos concitoyens, lutter contre la délinquance et interpeller les auteurs d'infractions. Je veux que cela soit dit et entendu.

Ce ne sont pas des interventions gratuites, menées pour le plaisir. Elles visent à protéger nos concitoyens sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les quartiers les plus sensibles où la police n'a jamais été autant demandée. Il faut rappeler ce contexte qu'on a un peu tendance à oublier.

Il est vrai que ce lien s'érode en ce moment, pour plusieurs raisons que je veux également rappeler. Tout d'abord, certaines formations politiques ont pu laisser penser que, pour répondre à des violences survenues lors de manifestations, les forces de l'ordre avaient fait un usage disproportionné de la force, répondant ainsi aux injonctions du pouvoir politique, comme s'il existait une forme de police politique dont l'objectif serait de réprimer les manifestations. Je ne crois pas que ce type de discours contribue à renforcer le lien entre la police et la population.

Deuxièmement, les policiers sont trop souvent seuls face à des problèmes de sécurité auxquels, monsieur le député, vous êtes aussi confronté dans votre circonscription, comme je l'ai été au cours de ma carrière professionnelle. Trop souvent, les autres acteurs – qu'il s'agisse de communes, de bailleurs sociaux, de transporteurs, d'associations – ne s'impliquent pas. Or nous avons besoin de construire un continuum de sécurité, un véritable partenariat, afin que les policiers s'occupent de ce à quoi ils ont été formés, la lutte contre la délinquance, et qu'on ne leur demande pas de gérer les problèmes d'incivilité. C'est très important. Quand des jeunes créent des nuisances en jouant au football au pied d'une barre d'immeubles, pensez-vous vraiment que ce sont les policiers qui doivent intervenir ? D'autres acteurs ne pourraient-ils pas être mobilisés ? Tel est le sens de la politique que ce Gouvernement met en œuvre dans le cadre de la sécurité du quotidien et qui est de nature à renforcer le lien entre la police et la population.

Concernant la réforme structurelle de la police, l'Inspection générale de la police nationale sera chapeautée par l'Inspection générale de l'administration, laquelle sera chargée de mieux coordonner ses actions et de traiter les dossiers les plus sensibles en réalisant une enquête administrative à chaque suspicion de violence dans une affaire emblématique. Je vous rappelle que l'Inspection générale de l'administration s'était déjà saisie de l'affaire Steve Maia Caniço à Nantes. Nous poursuivrons sur cette voie à travers ladite réforme.

Par ailleurs, le ministre de l'intérieur a rappelé hier, lors de sa conférence de presse, les règles applicables aux contrôles d'identité. Une instruction sera adressée à ce sujet à l'ensemble des policiers et des gendarmes. On réalise un contrôle d'identité lorsqu'on veut prévenir un trouble à l'ordre public ou en cas de suspicion d'infraction. Et c'est tout. Il n'y a pas de contrôle au faciès, monsieur le député. Il était important de rappeler ces règles de façon précise aux policiers et aux gendarmes qui les appliquent au quotidien, c'est ce que nous avons fait. De même, comme vous l'avez évoqué, nous allons généraliser le plus possible l'usage des caméras-piétons qui, en fournissant des images, protègent à la fois nos effectifs et les personnes contrôlées.

Enfin, le plaquage ventral est l'une des techniques d'intervention permettant de ramener au sol quelqu'un qui ne se laisse pas interpeller – j'insiste sur ce point – pour pouvoir le menotter.

M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d'État…

M. le président. Nous avons décidé de supprimer la technique qui nous semblait la plus dangereuse, celle qui consiste à ramener quelqu'un au sol en le prenant par le cou.