Quel avenir pour l'hôpital français ?
Question de :
M. Jean-Paul Dufrègne
Allier (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Paul Dufrègne interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation et l'avenir des hôpitaux en France. Alors que la colère gronde, quel message souhaite-t-on envoyer aux soignants et au monde hospitalier ? Car, malgré la crise sanitaire, rien ne semble arrêter la casse de l'hôpital. Ici, des suppressions de postes en perspective, là, un bloc opératoire est menacé de fermeture ou encore des urgences sont condamnées à disparaître. Sur le terrain, il n'y a pas de pause dans les plans de restructuration de l'hôpital, contrairement à ce que le Gouvernement cherche à faire croire. Pire, aujourd'hui, les soignants craignent que les fermetures temporaires de services pour mutualisation ne deviennent pérennes. Pourtant, cette période inédite devrait conduire à tirer des enseignements et à prendre conscience des enjeux futurs. La refondation du système hospitalier n'est pas seulement une question de spécialistes. C'est une question sociétale. La crise sanitaire ne doit pas être une simple parenthèse vite refermée. Elle doit interroger sur un projet de santé global. En lutte avant la crise, les soignants ont ressorti les banderoles et sont retournés dans la rue pour crier leur colère. Leur combat reste le même si, aujourd'hui, la colère porte aussi sur le versement d'une prime qui divise. D'un côté la possibilité de donner la « prime covid » aux soignants a été élargie, de l'autre sont créées des disparités dans les hôpitaux en ne la donnant pas à tous les personnels qui ont géré cette crise. Qui va verser cette prime, les hôpitaux eux-mêmes, sur leurs propres fonds et sans aide ? Impossible. Il souhaite donc connaître les intentions du Gouvernement sur l'avenir des hôpitaux, dans les villes mais surtout dans les campagnes ; c'est une véritable question de société.
Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2020
QUEL AVENIR POUR L'HÔPITAL FRANÇAIS ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour exposer sa question, n° 1092, relative à l'avenir de l'hôpital français.
M. Jean-Paul Dufrègne. Madame la secrétaire d'État, j'avais prévu de vous interpeller sur le transfert de l'hélicoptère Dragon 63 en Lozère durant les mois de juillet et août, sans concertation avec les élus et les professionnels de santé. Le professeur Schmidt, chef du pôle des urgences du centre hospitalier universitaire – CHU – de Clermont-Ferrand, a ainsi déclaré n'avoir jamais été associé ni de près ni de loin aux discussions ayant abouti à cette décision qui, pour lui, n'avait aucun sens. Toutefois, hier soir, le ministre de l'intérieur, s'appuyant sur le rapport du directeur général de la sécurité civile, que nous avons rencontré vendredi, a annulé cette décision que la préfète de Lozère avait annoncée prématurément. Nous nous en réjouissons et je remercie le ministre d'avoir reconnu cette erreur. Cette histoire doit servir de leçon. De telles décisions doivent faire l'objet d'une démarche interministérielle.
Cela étant rappelé, je voudrais appeler votre attention sur les difficultés auxquelles sont confrontés les services d'urgence dans de petites ou moyennes villes comme Moulins, dans ma circonscription de l'Allier. Nous souffrons d'un déficit chronique de médecins urgentistes. À Moulins, ceux-ci sont au nombre de sept, alors qu'il en faudrait au minimum le double. Dans les deux autres villes de l'Allier dotées d'un service des urgences au sein du centre hospitalier, Vichy et Montluçon, la situation n'est guère plus brillante. Chaque été, c'est la galère et l'idée a même été émise, avant d'être abandonnée, de fermer de manière alternée dans chaque ville le service des urgences.
À Moulins, 70 % des personnes hospitalisées transitent par les urgences. C'est donc l'avenir même de l'hôpital qui peut être menacé à terme si la capacité d'accueil des urgences est affaiblie. Les personnels sont soumis à des conditions de travail fortement dégradées, qui provoquent de l'épuisement, voire du découragement.
Madame la secrétaire d'État, la question des moyens dévolus à l'hôpital, qu'il s'agisse des effectifs ou de reconnaissance salariale, est posée depuis longtemps. La crise sanitaire que nous venons de traverser a mis en lumière ces exigences et les personnels hospitaliers appellent, à nouveau et avec raison, à une mobilisation aujourd'hui.
Quelle politique incitative de recrutement dans les services d'urgence le Gouvernement compte-t-il mener afin que des hôpitaux comme celui de Moulins puissent remplir leur mission de service public dans des conditions non dégradées ? Quels moyens supplémentaires pouvez-vous dégager pour atténuer les difficultés actuelles, lesquelles seront amplifiées durant l'été ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé. S'agissant de l'hypothèse d'un transfert temporaire de l'hélicoptère Dragon 63 de la base de Clermont-Ferrand à compter du 1er juillet pour une période maximale de deux mois, compte tenu des tensions qu'elle a suscitées et des interventions des élus, le ministre de l'intérieur a demandé au directeur de la sécurité civile un rapport, qui l'a convaincu de revenir sur cette décision ; un appareil de la gendarmerie nationale sera temporairement positionné à Mende pour couvrir la mission de secours indispensable à ce territoire. Malgré les contraintes, le Gouvernement continuera d'affecter les moyens nécessaires pour porter secours aux habitants et aux touristes de votre région pendant la période estivale.
Quant au manque d'attractivité et de personnels des services d'urgence, nous partageons votre constat. Un travail avait été engagé dans le cadre du plan « ma santé 2022 » afin d'y apporter des solutions, notamment par la suppression du numerus clausus. Comme de nombreux autres pays dans le monde, la France doit augmenter le nombre de ses médecins, mais nous savons que cela prendra du temps.
Parallèlement, nous devons assurer une meilleure articulation entre la médecine de ville et l'hôpital. Le plan « ma santé 2022 » y a contribué. Le Ségur de la santé s'intéresse aussi à l'attractivité et la revalorisation des métiers ; une enveloppe de 6 milliards d'euros a déjà été annoncée la semaine dernière par le ministre des solidarités et de la santé à destination des personnels médicaux et médico-sociaux. Nous sommes en ce moment dans une phase de concertation, et même de négociation, concernant quatre piliers ; la revalorisation et l'attractivité des métiers en font partie.
C'est parfois en levant les freins du quotidien que nous permettons aux professionnels d'exercer leur métier dans de meilleures conditions – la crise du covid-19 l'a montré. Les solutions qui seront adoptées pour les professionnels de santé, en ville comme à l'hôpital, doivent venir du terrain.
Auteur : M. Jean-Paul Dufrègne
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2020