15ème législature

Question N° 10
de M. Jean-Yves Bony (Les Républicains - Cantal )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > commerce extérieur

Titre > Accord UE-Mercosur

Question publiée au JO le : 05/12/2017
Réponse publiée au JO le : 13/12/2017 page : 6385

Texte de la question

M. Jean-Yves Bony appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur envisagé dès la fin de l'année 2017 et qui pourrait acter l'ouverture du marché européen à plus de 100 000 tonnes de viandes bovines sud-américaines. Le Mercosur, un traité de libre-échange entre l'Union européenne et l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay, en négociation depuis 18 ans pourrait être signé prochainement. La profession s'inquiète car ce traité va permettre l'importation en France de viandes bovines venues notamment du Brésil où les conditions d'élevage et d'abattage des bœufs posent problème. Force est de constater que la signature du CETA et du Mercosur risque de causer la disparition de 20 000 à 30 000 éleveurs français. Il lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour préserver les exploitations, les emplois et le modèle de production afin d'éviter qu'avec ce nouvel accord UE-Mercosur, l'Europe ne fixe le cap vers la disparition de l'élevage bovin. Par ailleurs il lui demande s'il entend mettre en place une nouvelle commission d'experts chargée d'évaluer les conséquences d'un accord entre l'UE et le Mercosur sur l'élevage bovin, la santé et l'environnement.

Texte de la réponse

ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LE MERCOSUR


M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour exposer sa question, n°  10, relative à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le MERCOSUR.

M. Jean-Yves Bony. Ma question s'adresse également au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Le Cantal est une terre d'élevage. Poumon économique de mon département, l'agriculture permet aussi, avec ses éleveurs, de maintenir les services et le lien social dans nos villages. Il s'agit d'une agriculture de montagne, où l'élevage bovin domine. Son cheptel compte plus de 400 000 têtes, avec une prédominance du troupeau allaitant – autour de 150 000 vaches allaitantes.

Aujourd'hui, nos éleveurs sont inquiets ; en tant qu'élu du Cantal, je le suis aussi. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le MERCOSUR, le Marché commun du Sud, qui pourrait être signé dès la fin de l'année par la Commission européenne, pourrait acter un marché de plus de 100 000 tonnes de viandes bovines sud-américaines. Nos agriculteurs ne comprennent pas cette position de l'Union européenne, eux qui sont soumis à une série de normes, sanitaires et environnementales, notamment, plus draconiennes les unes que les autres. Nous savons tous que si la Commission européenne fait des concessions dans le cadre de cet accord avec le MERCOSUR, cela conduira inévitablement à des dérapages sanitaires et à un dérèglement de nos marchés agricoles.

Dois-je rappeler que le Brésil est aujourd'hui englué dans une affaire de corruption ayant abouti à un vaste réseau de commercialisation de viandes avariées ? Que la Russie a annoncé, au mois de novembre, la suspension de ses importations de viandes bovines brésiliennes, après qu'on y a découvert des hormones de croissance ?

Les viandes sud-américaines sont issues de systèmes de production peu ou pas réglementés sur le plan sanitaire, ni non plus en matière de traçabilité alimentaire et de bien-être animal. Rappelons au passage que les gigantesques fermes d'Amérique du Sud ont contribué de façon massive à la déforestation de l'Amazonie.

Selon des études réalisées par la Fédération nationale bovine, les importations de viandes bovines cumulées du CETA, l'accord économique et commercial global, et du MERCOSUR pourraient entraîner la disparition de 20 000 à 30 000 emplois à temps plein dans le secteur de l'élevage. Il ne faut pas sacrifier nos exploitations et notre modèle de production sur l'autel de l'ultralibéralisme à un moment où l'élevage français souffre et où nos éleveurs ne vivent plus de leur travail !

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour préserver nos exploitations, nos emplois et notre modèle de production ? Avec ce nouvel accord entre l’Union européenne et le MERCOSUR, conjugué au CETA, je crains que l'Europe ne fixe le cap vers la disparition de son élevage bovin. M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation compte-t-il mettre en place une nouvelle commission d'experts, qui serait chargée d'évaluer les conséquences d'un accord entre l’Union européenne et le MERCOSUR sur l'élevage bovin, la santé et l'environnement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, de nouveau, je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je peux vous assurer que je connais la tradition de l'élevage bovin dans le Cantal et l'importance qu'elle revêt pour ce département.

Le Gouvernement avait installé une commission d'experts indépendants pour mesurer l'impact du CETA sur l'environnement, le climat et la santé, afin d'assurer une mise en œuvre exemplaire de l'accord. Le 25 octobre dernier, il a adopté un plan d'action en ce sens, qui permettra d'assurer un suivi de l'impact économique du CETA sur les filières agricoles et de renforcer la traçabilité des produits importés au travers de programmes d'audits sanitaires et phytosanitaires.

Ce plan d'action vise également à améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans l'ensemble des accords commerciaux afin d'assurer – c'est un point essentiel, vous l'avez rappelé – une meilleure cohérence entre la politique commerciale et notre modèle de production agricole, qui est à la fois sûr pour le consommateur et engagé dans une transition écologique. À ce titre, le Gouvernement veille à une meilleure prise en compte des filières agricoles sensibles dans les négociations commerciales, en définissant, en lien avec la filière, un plafond global de concessions par produit et pour l'ensemble des négociations, en particulier avec le MERCOSUR, en fonction de la capacité d'absorption du marché européen et de la soutenabilité des concessions par les filières concernées.

Dans ce plan d'action est envisagée la création de dispositifs d'information du consommateur au moyen d'un étiquetage afin de mieux identifier et valoriser les modes de production de qualité. Vous l'avez dit, nos modes de production sont exigeants et correspondent aux attentes de notre société. Dans cette perspective, il est impératif que les produits importés respectent des standards sociaux, sanitaires et environnementaux au moins équivalents aux règles européennes. Dès lors, des clauses de sauvegarde efficaces avec effet suspensif des flux pourraient être envisagées, d'une part, en cas de non-respect de ces conditions et, d'autre part, lorsque ces flux entraînent une déstabilisation de nos filières.

S'agissant plus particulièrement de la dynamique de négociation en cours avec le MERCOSUR, un équilibre entre ouverture et protection devra être trouvé. Cet équilibre n'est pas atteint à ce stade. Cela suppose une meilleure prise en compte des produits sensibles, notamment des produits bovins, grâce à des contingents mieux calibrés et segmentés ; la définition de conditionnalités qui garantissent l'arrivée sur le marché européen de produits de qualité et conformes aux modes de production européens ainsi que d'une clause de sauvegarde spéciale sur les produits sensibles destinée à répondre au risque de déstabilisation des filières ; l'obtention d'assurances solides sur la fiabilité du système sanitaire du MERCOSUR, compte tenu des non-conformités systémiques constatées, notamment dans le dossier « Carne Fraca ». Donc, il faut vraiment faire preuve de vigilance, et je peux vous assurer que nous le ferons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Bony.

M. Jean-Yves Bony. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Néanmoins, vous vous doutez bien que nous allons rester très vigilants.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. Vous avez raison !

M. Jean-Yves Bony. Un simple exemple à propos du CETA : au Canada, seules trente-six exploitations produisant au total 65 000 tonnes de viande sont actuellement capables de répondre aux normes européennes. Cherchez l'erreur…