Établissements publics gérés en SPA et chômage partiel
Question de :
Mme Laurence Dumont
Calvados (2e circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Laurence Dumont appelle l'attention de Mme la ministre du travail sur le fait que durant le confinement, beaucoup de secteurs économiques ont dû ralentir l'activité, voire la stopper complètement lorsqu'une fermeture administrative était prononcée. Au cours des semaines, la mise en place de protocoles sanitaires adaptés, comme dans le bâtiment, a permis une reprise. Par ailleurs, le dispositif du chômage partiel est venu soutenir et soulager les entreprises durant cette période. En revanche, pour le monde de la culture, les perspectives de cette reprise se sont fait longtemps attendre. Ses acteurs ont dû faire preuve d'une immense patience pour savoir dans quel cadre les théâtre, les salles de spectacle et de concert, les cinémas, les opéras allaient pouvoir reprendre leurs activités, sous quelle forme et à quel moment. La culture paye donc le prix fort de cette crise sanitaire. L'arrêt brutal des programmations au mois de mars 2020 a fortement pénalisé, sur le plan financier, tous ces lieux culturels. Des représentations ont été annulées et des remboursements de place engagés. Autant de dispositions qui fragilisent aujourd'hui les structures sur le plan financier, surtout lorsqu'est refusé l'accès à des dispositifs de soutien financier prévus par l'État. Elle pense au chômage partiel. Ainsi, les établissements publics gérés en SPA, notamment des opéras, employant des artistes non permanents de droit privé n'ont pas pu bénéficier du chômage partiel pour ces derniers, alors qu'ils relèvent du droit du travail. Le fait de ne pas pouvoir avoir accès à ce dispositif d'activité partielle tend à fragiliser une partie conséquente des employeurs d'artistes en France, avec le risque d'obérer l'emploi pour de nombreuses années. Dans un courrier que la présidente de la réunion des opéras de France n'a pas manqué de lui adresser le 10 mai 2020, cette dernière indiquait, elle la cite, que : « rien ne s'opposerait à ce que les personnes publiques gérant un SPA aient accès à ce dispositif régi par le code du travail, dès lors qu'elles emploient des salariés de droit privé ». Ainsi pour certaines structures qui ont recruté des solistes, des chefs d'orchestre, des interprètes pour des productions lyriques y compris pour des tournées, l'application rapide par les Direccte du dispositif de chômage partiel est cruciale. Si l'ordonnance du 27 mars 2020, qui fait référence aux EPIC pour le chômage partiel, précise que « les employeurs qui exercent à titre principal une activité industrielle et commerciale dont le produit constitue la part majoritaire de leurs ressources peuvent avoir recours au chômage partiel », il n'est pas fait mention des établissements publics gérés en SPA. Compte tenu des éléments évoqués ici et soumis aux Direccte de différentes régions par des établissements relevant de ce statut, il lui paraît urgent qu'ils puissent accéder rapidement au dispositif de chômage partiel pour les artistes non permanents de droit privé qu'ils emploient. Aussi elle lui demande de lui préciser quand une information stipulant que « ces structures sont fondées à accueillir favorablement les demandes d'activité partielle formulées par les personnes publiques gérant un SPA pour les activités de leurs artistes non permanents » sera adressée aux Direccte.
Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2020
DISPOSITIF D'ACTIVITÉ PARTIELLE DANS LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS GÉRANT UN SERVICE PUBLIC ADMINISTRATIF
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour exposer sa question, n° 1116, relative au dispositif d'activité partielle dans les établissements publics gérant un service public administratif
Mme Laurence Dumont. Pendant le confinement, l'activité a bien sûr été ralentie, voire stoppée, dans beaucoup de secteurs économiques. Grâce à des protocoles sanitaires adaptés, elle a pu néanmoins, dans certains d'entre eux, redémarrer progressivement. Pour le monde de la culture, les perspectives de cette reprise – sous quelle forme ? à quel moment ? – se sont fait attendre. Si l'avenir se dégage enfin, il faudra encore patienter longtemps avant que les théâtres, les salles de spectacle et de concert, les cinémas, les opéras retrouvent leur public, donc des recettes.
L'arrêt brutal des programmations a fortement pénalisé financièrement tous ces lieux culturels. Des représentations ont été annulées et des remboursements de places engagés. Cela a fragilisé les structures, surtout celles qui ont été exclues des mesures de chômage partiel. Ainsi, les établissements publics gérant un service public administratif, ou SPA, notamment des opéras, se sont vu refuser l'accès à ce dispositif pour les artistes non permanents de droit privé, relevant du droit du travail, qu'ils emploient – une décision d'autant plus incompréhensible que des DIRECCTE, à Tours, à Nancy ou encore à Marseille, avaient donné leur accord.
Cela risque de fragiliser une part importante des employeurs d'artistes en France et d'obérer l'emploi pendant de nombreuses années. Il me paraît donc urgent, au nom de l'égalité de traitement sur le territoire national, que tous les établissements publics gérant un SPA accèdent au dispositif de chômage partiel pour les artistes non permanents de droit privé qu'ils emploient.
Monsieur le ministre de la culture, quand le Gouvernement compte-t-il adresser des directives en ce sens à tous les départements et à toutes les DIRECCTE de France ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Madame Dumont, vous avez raison : le secteur de la culture a été frappé de plein fouet par la crise sanitaire, avec des conséquences économiques, sociales, psychologiques et, bien sûr, artistiques très lourdes. Le Gouvernement s'est mobilisé dès le début de la crise pour permettre à ce secteur de bénéficier des dispositifs transversaux auxquels ont eu droit les autres secteurs d'activité. Il a fallu parfois échanger avec les professionnels du secteur pour identifier les spécificités, notamment juridiques, de certaines institutions, de certaines professions, de certains statuts.
Nous avons fait en sorte que les bénéficiaires du régime d'assurance chômage du régime dit des intermittents du spectacle – professionnels de la culture, artistes et techniciens du spectacle vivant ou de l'audiovisuel – aient accès au dispositif d'activité partielle. Il en a été de même pour les titulaires de contrats courts.
Mme Laurence Dumont. Répondez à la question, monsieur le ministre !
M. Franck Riester, ministre . C'est ce que je fais puisque je vous parle du dispositif d'activité partielle, qui était l'objet de votre question.
Les associations y ont également eu accès pour payer leurs salariés.
Restait le cas des établissements publics. Le dispositif a été créé pour que les institutions continuent à verser les salaires, notamment dans le secteur du spectacle, en dépit de la baisse des recettes que vous avez très justement évoquée. Or, contrairement aux associations et aux entreprises, les institutions, qui bénéficient très majoritairement de subventions publiques, ne se retrouvent pas privées de recettes. Cependant, certaines de ces institutions sont confrontées à une baisse des recettes, notamment en raison de la chute des entrées, qui constituent pour elles des recettes complémentaires. Nous avons donc pris l'engagement très clair d'instaurer un fonds ad hoc afin d'assurer le maintien des salaires pour ces institutions pendant le confinement.
Si ces SPA, qui disposent majoritairement de ressources publiques, ne peuvent bénéficier du dispositif d'activité partielle, elles ne subiront donc pas de conséquences économiques négatives dès lors qu'elles conservent leurs salariés. L'État est par conséquent au rendez-vous, puisqu'il soutient ces institutions et, à travers elles, l'emploi dans le secteur du spectacle.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence Dumont. Ce n'est pas la première fois que je vous pose la question, monsieur le ministre, et ce n'est pas la première fois que vous y répondez complètement à côté – vous me parlez des intermittents du spectacle et des salariés des structures culturelles, alors que je vous parle, moi, des artistes non permanents de droit privé. Or, pour ces artistes, certaines DIRECCTE ont autorisé des opéras, par exemple ceux de Caen, de Tours, de Nancy, de Marseille, à recourir au dispositif de chômage partiel. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Ne dites pas non, j'ai avec moi les copies de ces décisions ! Ces structures ont donc bénéficié du dispositif du chômage partiel et toutes les autres, non. Cette inégalité de traitement est inconcevable. Le chômage partiel est un droit. Or, dans certains départements, on y a accès et dans d'autres, non. Encore une fois, vous n'avez pas répondu à cette question essentielle.
M. Franck Riester, ministre. Mais si !
Auteur : Mme Laurence Dumont
Type de question : Question orale
Rubrique : Chômage
Ministère interrogé : Travail
Ministère répondant : Travail
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 juin 2020