15ème législature

Question N° 1124
de M. Loïc Prud'homme (La France insoumise - Gironde )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > maladies

Titre > Registre national des cancers

Question publiée au JO le : 17/11/2020
Réponse publiée au JO le : 25/11/2020

Texte de la question

M. Loïc Prud'homme attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'absence de registre national des cancers en France. En octobre 2020, toute la France a porté un ruban rose pour promouvoir les campagnes de détection du cancer du sein, ce mois-ci un certain nombre d'hommes arborent une moustache pour sensibiliser au cancer de la prostate. Il faut dire que le cancer est un véritable fléau en France. D'après l'Institut national du cancer, 3,8 millions de personnes vivent actuellement avec un cancer ou après un cancer. Le nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués est estimé à 382 000 en 2018 en France métropolitaine. D'après Santé publique France le nombre de cancer est en constante augmentation depuis trente ans : + 65 % chez l'homme et + 93 % chez la femme. Certes, la population vieillit et les diagnostics sont meilleurs, mais cela n'explique pas tout. Certaines augmentations sont très inquiétantes : + 234 % de cancer de la thyroïde entre 1990 et 2018 par exemple. Mais tous ces chiffres ne sont que des estimations qui indiquent des tendances. Car en effet, en 2020, en France, personne ne sait exactement combien de personnes sont atteintes de cancer, car il n'existe pas de registre national sur ce sujet. En effet, seul 22 % de la population répartie sur 22 départements fait l'objet d'un recensement des cas de cancers dans un registre départemental, les chiffres nationaux étant établis par extrapolation de ces 22 %. Aucune donnée précise n'est disponible pour certaines très grosses agglomérations comme Paris, Lyon ou Marseille. Mais aucune donnée non plus n'est disponible pour des départements avec une forte implantation de site SEVESO à seuil haut : les Bouches-du-Rhône, la Moselle, la Seine-Maritime. Cela est regrettable si l'on souhaite s'attaquer à l'une des causes du cancer : la pollution environnementale. Comment savoir si des clusters de certains cancers existent près des raffineries ou des usines de fabrication de pesticides, où concentrés près de certains lieux si on n'a pas de registres des cancers pour tous les départements? Le plan cancer 2021-2031 proposé par l'Institut national du cancer vient faire l'objet d'une consultation publique. Ce plan propose de « mobiliser les données et l'intelligence artificielle pour relever de nouveaux défis ». Il lui demande donc de relever un défi impératif pour la population française : mettre en place un registre national des cancers en France.

Texte de la réponse

REGISTRE NATIONAL DES CANCERS


Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour exposer sa question, n°  1124, relative à la création d'un registre national des cancers.

M. Loïc Prud'homme. Le mois dernier, toute la France a porté un ruban rose pour promouvoir les campagnes de détection du cancer du sein. Ce mois-ci, des hommes arboreront une moustache pour sensibiliser au cancer de la prostate. Il faut dire que le cancer est un véritable fléau dans notre pays : d'après l'Institut national du cancer, 3,8 millions de personnes vivent actuellement avec un cancer ou après un cancer. On estime à 382 000 le nombre de nouveaux cas de cancers diagnostiqués en 2018. D'après Santé publique France, le nombre de cancers est en constante augmentation depuis trente ans : il a crû de 65 % chez l'homme et de 93 % chez la femme. S'il est vrai que la population vieillit et que les diagnostics sont meilleurs, cela n'explique pas tout : certaines augmentations sont très inquiétantes, comme la hausse de 234 % des cancers de la thyroïde constatée entre 1990 et 2018.

Tous ces chiffres ne sont que des estimations, qui indiquent des tendances. En effet, en 2020, en France, on ne sait pas exactement combien de personnes sont atteintes d'un cancer, car il n'existe pas de registre national : seulement un peu plus de 20 % de la population, répartie dans vingt-deux départements, fait l'objet d'un recensement des cas de cancers dans un registre départemental, les chiffres nationaux étant établis par extrapolation. Aucune donnée précise n'est disponible pour certaines très grosses agglomérations comme Paris, Lyon ou Marseille, pas plus que pour certains départements présentant une forte implantation de sites Seveso – sites à risques d'accidents majeurs – à seuil haut, comme les Bouches-du-Rhône, la Moselle ou la Seine-Maritime. C'est regrettable, pour qui souhaite s'attaquer à l'une des causes du cancer, à savoir la pollution environnementale : si nous ne disposons pas de registres de cancers pour tous les départements, comment savoir si des clusters se développent près des raffineries ou des usines de fabrication de pesticides ou si certains cancers sont concentrés près de certains lieux ?

Le plan cancer proposé par l'Institut national du cancer pour la période 2021-2031 vient de faire l'objet d'une consultation publique. Ce plan propose, entre autres mesures, de « mobiliser les données et l'intelligence artificielle pour relever de nouveaux défis ». Je vous demande donc de relever un défi impératif pour notre population : créer un registre national des cancers en France.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Vous m'interrogez sur la création d'un registre national des cancers et sur notre politique en matière de santé environnementale. Je rappelle tout d'abord que la couverture actuelle des registres des cancers en France permet de disposer de chiffres robustes et fiables en matière d'incidence, de prévalence et de taux de survie. Si, pour les adultes, le dispositif national s'appuie sur les données de vingt-sept registres des cancers couvrant 22 % de la population, le registre national des cancers de l'enfant est en revanche exhaustif pour l'ensemble du territoire national depuis 2011. Une plateforme d'observation des cancers de l'enfant a ainsi pu être créée, ouvrant la voie à une refonte, par une fusion des bases de données, du registre national des hémopathies de l'enfant et du registre national des tumeurs solides de l'enfant.

Par ailleurs, le Haut Conseil de la santé publique a été saisi pour mener une réflexion sur les registres et leur place au regard des autres outils épidémiologiques disponibles. Ses conclusions devraient être remises d'ici juillet 2021. La France mise pleinement sur la complémentarité des systèmes d'information. Notre ambition est de nous appuyer sur les progrès de l'intelligence artificielle pour développer et enrichir une plateforme nationale de données en cancérologie. La stratégie décennale de lutte contre le cancer qui sera annoncée en 2021 prendra bien sûr cet enjeu en considération.

Les enjeux de santé environnementale font déjà pleinement partie des missions des agences régionales de santé, qui sont chargées de prévenir certains risques environnementaux. Elles assurent notamment le contrôle des eaux de boisson ainsi que la lutte contre l'habitat insalubre et copilotent avec l'État et les régions les plans régionaux de santé-environnement, qui déclinent et adaptent le plan national de santé-environnement – PNSE. Le PNSE courant jusqu'en 2024 met à disposition des Français des outils simples pour connaître leur environnement et réduire les expositions et les risques induits.

Certains pesticides peuvent être responsables de cancers, comme celui de la prostate. La recherche dans ce domaine est soutenue par le plan Écophyto et le plan chlordécone. À ce titre, les registres des cancers, mais aussi les cohortes, en particulier la cohorte Agrican – agriculture et cancer –, fournissent des données précieuses pour identifier les liens entre exposition à certaines substances et cancer.

Notre politique en la matière s'étend donc sur tous les champs et se développera dans les années à venir avec l'aide des nouvelles technologies.

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Prud'homme.

M. Loïc Prud'homme. Vos réponses techniques ne peuvent plus cacher vos choix politiques, madame la ministre déléguée : le fichier actuel ne permet pas de savoir, pour tous les départements, s'il existe des zones comptant un nombre anormalement élevé de personnes atteintes de cancer, ce qui permettrait d'étudier vraiment les pollutions environnementales et surtout de les faire cesser.

Quant au recensement exhaustif des cancers de l'enfant que vous évoquez, je rappelle que ces derniers ne représentent, heureusement, que 1 700 nouveaux cas par an, alors que 382 000 cancers supplémentaires se déclarent chaque année dans la population générale. Vous comptez donc bien mal ! C'est vrai pour ce registre que vous êtes incapables de créer, mais également au plan purement financier – qui, sans doute, est celui qui vous touche le plus – puisque la création d'un registre national coûterait seulement 60 millions à 70 millions d'euros, alors que le coût des cancers en France s'élève à 28 milliards d'euros chaque année.