Question orale n° 1128 :
Conséquences de la crise sociale, économique et sanitaire en Seine-Maritime

15e Législature

Question de : M. Sébastien Jumel
Seine-Maritime (6e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les effets économiques et sociaux de la crise sanitaire en Seine-Maritime. La Seine-Maritime, ce territoire entre terre et mer marie l'ensemble des fonctions économiques, administratives et sociales qui en font une petite France. La crise sanitaire, qui n'est pas terminée, a déjà engagé sa mutation économique. La crise frappe déjà aux portes des usines notamment de l'industrie verrière. Elle fragilise des années d'efforts des collectivités locales pour des cœurs de villes et des cœurs de communes rurales vivants avec leurs petits commerces. Les agriculteurs n'entrevoient pas la concrétisation de l'esprit de la loi EGalim alors que les marges de la grande distribution explosent, pas plus que les pêcheurs dont l'anxiété est renforcée par la perspective d'un Brexit sans accord. Il demande au Gouvernement de préciser les mesures qu'il compte prendre pour faire face aux effets économiques et sociaux de la crise sanitaire dans sa circonscription.

Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020

CRISE SOCIALE, ÉCONOMIQUE ET SANITAIRE EN SEINE-MARITIME
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour exposer sa question, n°  1128, relative à la crise sociale, économique et sanitaire en Seine-Maritime.

M. Sébastien Jumel. À quelques semaines de Noël et des fêtes de fin d'année, les publicités dorées, brillantes, clinquantes des grands parfums envahissent nos écrans. Au beau milieu de ces spots qui valorisent l'éternelle jeunesse, la beauté, le luxe, le calme et la volupté, des flacons de verre rivalisent d'éclat et de forme.

Le travail pour fabriquer ces écrins de parfum, produits à 70 % chez moi dans la « Glass vallée », la vallée du verre, est rémunéré 1 euro par flacon quand la publicité en représente 25, ou la marge de la marque 15 euros. Un euro, convenez-en, c'est très peu. Il y a pourtant derrière ce prix une filière extraordinaire, symbole du savoir-faire ouvrier du « made in France ».

Or cette filière est, depuis des mois, percutée, fragilisée par la crise sanitaire, avec des marchés qui ont chuté de 40 %. Dans ce contexte, comment comprendre que de grands noms du luxe français puissent encore faire leurs courses à l'étranger et commander 200 millions d'euros de parfums hors des frontières pour quelques centimes de gain par flacon – je dis bien quelques centimes – des centimes invisibles pour le consommateur qui va dépenser 100 euros pour un parfum en moyenne ?

Alors, plus que jamais, il est nécessaire, face au risque de plans sociaux et d'accords de performance préjudiciables aux salariés qui se profilent dans nos usines, de jouer la carte de la souveraineté industrielle, du patriotisme industriel. Je n'ai pas peur de ce mot. Rapatrier tout ou partie de ces 200 millions d'euros de commandes extérieures, c'est possible. Nous l'avons écrit au Président de la République, nous l'avons écrit avec le syndicat CGT des verriers et les élus, et j'ai interpellé ici-même le Gouvernement sur le sujet il y a deux semaines.

Les soixante-dix communes de la vallée de la Bresle délibèrent les unes après les autres pour formuler la même demande, simple, concrète : réunissez très rapidement, LVMH, L'Oréal, Yves Rocher et les autres donneurs d'ordres français ! Réunissez-les avec l'ensemble des acteurs de la filière du flaconnage pour une concertation sur les mesures à prendre pour donner du contenu à ce patriotisme industriel, pour éviter les licenciements, pour éviter la pression à la baisse sur les prix, pour préserver les conditions de travail des verriers, pour préserver le savoir-faire de la Glass vallée. Faites-le, et ainsi joignez les actes à la parole sur la souveraineté industrielle.

Je vous pose la question solennellement, madame la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable : allez-vous prendre cette initiative qui ne menacera ni la santé des groupes français du luxe, ni les dividendes de leurs actionnaires et ne coûtera rien à la puissance publique ? Nous attendons, vous l'aurez compris, une réponse précise et simple : la réunion des acteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Je sais que vous échangez régulièrement sur cette question avec Bruno Le Maire mais aussi avec Agnès Pannier-Runacher – que vous avez d'ailleurs interpellée il y a peu, lors des questions au Gouvernement, vous venez de l'évoquer. Tout le monde reconnaît votre implication dans ce dossier.

Le territoire d'industrie de la vallée de la Bresle, aussi surnommé « Glass vallée », renferme, vous l'avez rappelé, des savoir-faire historiques dont elle a seule le secret dans la production de verre et en l'occurrence des flacons de parfum.

Lors de sa visite le 4 septembre dernier – vous étiez d'ailleurs présent – la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher a présenté le Fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires. Ce fonds permet d'accompagner les deux entreprises majeures de ce territoire d'industrie qu'elle a visitées : Pochet du Courval et Verescence. Le Gouvernement soutient ces entreprises puisque, vous le savez, elles ont toutes les deux reçu des subventions de l'État, d'un montant maximal de 800 000 euros, dans le cadre du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires.

Nous souhaitons également contribuer à l'accélération d'autres projets du territoire d'industrie de la vallée de la Bresle, liés aux compétences ou à la cité verrière de Nesle-Normandeuse. Les subventions du plan France relance permettront de financer concrètement la modernisation des entreprises, grâce à l'achat de nouveaux fours, et de faire des économies d'énergie.

Le Gouvernement entend s'assurer de la solidarité des grands groupes industriels de la filière du luxe à l'égard des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire – de la Glass vallée. En effet, outre les raisons économiques évidentes de ce patriotisme industriel auquel vous appelez, monsieur Jumel, ces entreprises contribuent largement à ce que la filière du luxe puisse diffuser ses créations et ses produits uniques dans le monde. Le Gouvernement a donc saisi le vice-président du Conseil national de l'industrie, Philippe Varin, ainsi que les présidents des comités stratégiques de filière, afin que des engagements soient pris rapidement.

S'agissant de la Glass vallée, il a été demandé aux grands donneurs d'ordre de prendre des engagements concrets en matière d'approvisionnement en France. En outre, les acteurs de la Cosmetic Valley se réunissent aujourd'hui même et la Fédération des entreprises de la beauté – FEBEA – a prévu une réunion le 1er décembre prochain pour faire le point sur les engagements réciproques, les manques, mais aussi les actions à mener conjointement.

Je ne doute pas que cette démarche aboutira dans les prochaines semaines, dans le prolongement des engagements pris par la filière. Cette démarche s'inscrit dans les travaux plus larges menés avec le Conseil national des achats. Vous pouvez donc compter sur le Gouvernement, qui restera attentif à ce dossier et poursuivra les négociations avec la filière.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de la qualité de cette réponse. Je suis heureux de voir que les projets de développement industriel sont accompagnés par le plan de relance. J'avais milité en ce sens et je me réjouis que des actions concrètes soient désormais envisagées. Je me félicite également que deux réunions soient programmées. Restent les 200 millions d'euros de commandes programmées à l'étranger : quelle partie d'entre elles sera-t-elle rapatriée en France ? Je compte sur vous pour nous le dire rapidement.

Données clés

Auteur : M. Sébastien Jumel

Type de question : Question orale

Rubrique : Emploi et activité

Ministère interrogé : Économie, finances et relance

Ministère répondant : Économie, finances et relance

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020

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