Maison d'arrêt de Nîmes
Question de :
Mme Françoise Dumas
Gard (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Françoise Dumas attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation de la maison d'arrêt de Nîmes. Celle-ci fait face à un inquiétant phénomène de surpopulation carcérale. En effet, cet établissement est depuis longtemps cité comme l'un des plus surpeuplés de France. Malgré une baisse significative des effectifs de détenus observable depuis un an, ce triste constat est malheureusement toujours d'actualité. Au 1er janvier 2020, le taux de densité carcérale y était de 200 %, soit 400 détenus pour 200 places disponibles. La surpopulation y touche le quartier des hommes mais aussi celui des femmes, où 42 détenues se partagent 24 places en cellule. À titre de comparaison, en 2020, le taux de densité carcérale en France est de 111 % pour les maisons d'arrêt, et de 97 % pour l'ensemble des établissements pénitentiaires. Si le phénomène de surpopulation carcérale n'est donc pas en lui-même une spécificité nîmoise, son ampleur au sein de la maison d'arrêt de Nîmes revêt un caractère pathologique. De cette situation découlent des conditions d'incarcération inacceptables dans un pays comme la France, où de nombreux détenus occupent à trois des cellules de 9 mètres carrés, dormant à même le sol. Ces conditions de vies, auxquelles s’ajoute l'absence de moyens, mettent en danger non seulement les détenus, mais aussi l'ensemble du personnel pénitentiaire. Depuis 2015, le tribunal administratif de Nîmes, mais aussi le Conseil d'État et la Cour européenne des droits de l'Homme ont été tour à tour saisis de ces questions. Les juridictions françaises se sont pour l'heure toutes déclarées incompétentes pour ordonner des mesures propres à mettre fin de manière durable à cette situation. Reste alors la construction de nouvelles places de prison, mesure à laquelle les gouvernements successifs se sont engagés. Notamment, le plan défendu par sa prédécesseure, Mme Nicole Belloubet, envisageait la création de 120 places supplémentaires au sein même de la maison d'arrêt de Nîmes, ainsi que la construction, à l'horizon 2023, d'une nouvelle maison d'arrêt sur le secteur alésien. Si les travaux d'aménagement de la maison d'arrêt de Nîmes devraient débuter en début d'année 2021, le projet de construction d'une nouvelle maison d'arrêt est aujourd'hui au point mort car il fait l'objet d'une ferme opposition de la part de citoyens et d'élus locaux. Ce refus n'est pourtant pas une fatalité. Mme la députée a, depuis longtemps, en accord avec les élus et l'administration pénitentiaire, proposé une solution de remplacement à ce projet, soumettant l'idée du territoire de Nîmes comme potentiel site d'accueil de ce nouvel établissement. Mme la députe sait M. le ministre sensible à cette question de la surpopulation carcérale. La situation est urgente mais les solutions existent. Il s'agit avant tout de les faire appliquer, en concertation avec l'ensemble des acteurs de terrain. Elle souhaiterait ainsi savoir quelles mesures concrètes il envisage afin de mettre en œuvre les engagements pris par ses prédécesseurs pour la maison d'arrêt de Nîmes, et sous quels délais.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
MAISON D'ARRÊT DE NÎMES
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumas, pour exposer sa question, n° 1137, relative à la maison d'arrêt de Nîmes.
Mme Françoise Dumas. Monsieur le garde des sceaux, comme vous le savez, le taux de densité carcérale de la maison d'arrêt de Nîmes au 1er janvier 2020 dépassait 200 %, soit 400 détenus pour 200 places. La surpopulation touche aussi bien le quartier des hommes que le quartier des femmes, où quarante-deux détenues se partagent vingt-quatre places, un taux très supérieur à la moyenne nationale.
Le dispositif d'accroissement des capacités a été engagé il y a déjà deux ans, dans le cadre du plan pénitentiaire qui prévoyait la création de 120 places dans la maison d'arrêt, ainsi que 500 places dans un établissement nouveau à l'horizon 2027. Si les travaux de rénovation et d'extension ont bien débuté en 2021 à Nîmes, le projet de construction de la nouvelle prison est aujourd'hui confronté à de multiples obstacles, notamment liés à son implantation initialement prévue sur le territoire alésien. De nombreuses hypothèses ont été évoquées pour surmonter ces obstacles, mais toutes sont assez éloignées de l'intérêt général – de l'intérêt des détenus, puisque 85 % d'entre eux relèvent des tribunaux judiciaires de Nîmes, de l'intérêt des familles, qui rendent évidemment visite à leurs proches, de l'intérêt des forces de police, particulièrement exposées lors des nombreuses opérations de transfèrement à quarante-cinq kilomètres de là, dans le nord du département, mais aussi de l'intérêt des personnels pénitentiaires.
Aucun projet n'ayant à ce jour abouti, il faut répondre à l'urgence et choisir un site d'implantation permettant de garantir une plus grande cohérence dans le parcours de détention et surtout la proximité de l'ensemble des institutions judiciaires concernées, sachant qu'elles se trouvent plutôt sur le territoire nîmois. Nous ne pouvons plus attendre. Il y va du respect des droits humains, en l'occurrence bafoués, et ce depuis longtemps, et de la sécurité de tous : les conditions d'incarcération dans cette maison d'arrêt sont extrêmement dégradantes et irrespectueuses des droits à la fois des personnels et de leurs proches, et des détenus eux-mêmes et de leurs familles.
Monsieur le garde des sceaux, quelle est votre appréciation de l'avancée de la construction de cette nouvelle maison d'arrêt dans le Gard, projet dont on ne pouvait au départ que se féliciter ?
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous avez raison, ce sont des drames humains, provoqués par des conditions de détention souvent inacceptables. Le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui nous oblige, et qui rejoint la jurisprudence de la Cour de cassation et bien sûr celle de la Cour européenne des droits de l'homme.
La maison d'arrêt de Nîmes connaît depuis de nombreuses années une importante surpopulation. Son taux d'occupation s'élevait ainsi à 192 % au 1er novembre 2020 : cinquante et un matelas au sol… Ce taux est pourtant en baisse par rapport au pic de 230 % atteint en mars 2018, soit soixante-quinze matelas au sol. Piètre consolation. Au sortir de la crise sanitaire, la situation de l'établissement était même un peu meilleure qu'aujourd'hui, avec une densité carcérale de 181 % début juin.
Le taux d'occupation des maisons d'arrêt du ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse est supérieur à la moyenne nationale. Au 1er novembre 2020, il s'établissait à 157 % contre 115 % pour la France entière. Elles font donc l'objet d'une vigilance particulière de la part de mes services. Compte tenu des déséquilibres existants entre régions pénitentiaires en ce qui concerne les capacités d'accueil en établissement, la direction interrégionale de Toulouse dispose d'un droit de tirage de 413 places qui lui permet d'affecter des détenus condamnés dans le ressort de six autres directions interrégionales. Aussi ai-je demandé à la direction interrégionale de Toulouse d'utiliser au maximum cette faculté. Nous avons évoqué cette question pas plus tard que la semaine dernière et, aujourd'hui, la totalité de ces places sont bien occupées.
En outre, pour ce qui est de la maison d'arrêt de Nîmes, des opérations de désencombrement – pardon pour ce mot – sont également organisées vers des établissements des régions de Marseille et de Lyon. Dans l'attente de ces transferts réguliers de personnes détenues, celles-ci peuvent transiter dans les maisons d'arrêt des directions interrégionales d'accueil. Cette faculté est également utilisée pour diminuer l'effectif hébergé à Nîmes.
Par ailleurs, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la construction de quarante-neuf établissements. Ainsi, à Nîmes, un dispositif d'accroissement de la capacité de la maison d'arrêt, qui passerait de 200 à 350 places, a été confié en 2018 à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice. Le marché a été notifié le 17 août 2020 et les travaux commenceront au premier semestre 2021, pour une livraison des 150 places supplémentaires d'ici à deux années.
Mme la présidente. Merci, monsieur le garde des sceaux. Je suis navrée mais l'exercice est très contraint dans le temps.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je ne le savais pas, mais je pense avoir complètement répondu à Mme Dumas et je vais donc immédiatement me taire ! (Sourires.)
Auteur : Mme Françoise Dumas
Type de question : Question orale
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020