Manquements de l'État vis à vis des personnes handicapées
Question de :
M. Cédric Villani
Essonne (5e circonscription) - Non inscrit
M. Cédric Villani alerte Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur les obstacles et manquements auxquels les personnes handicapées font encore face. Malgré les progrès réalisés dans la loi, malgré les stratégies gouvernementales qui se succèdent, nombreux sont encore les obstacles et manquements auxquels les personnes handicapées font face. Parmi ces obstacles, l'un des plus douloureux, source d'innombrables interpellations dans la circonscription de M. le député, est la lenteur des réactions administratives réalisées à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). M. le député cite l'exemple de cette famille dont le fils est lourdement handicapé et qui a déposé à la MDPH un dossier pour un « Plan d'accompagnement Globalisé » en février 2020. La réponse est arrivée en septembre... Entre temps, ils ont trouvé une solution par eux-mêmes. La loi prévoit pourtant une réponse sous 4 mois maximum. Or là on est à 6 mois en période de pandémie et avec un public particulièrement sensible. Ici, c'est pour un plan d'accompagnement globalisé et tandis que là, cela concerne des remboursements de prestations. Ailleurs, ce sont des échanges ubuesques pour des prestations d'aide à la personne et tous ces cas concernent des personnes handicapées à 80 % à vie. L'un des freins dans ces établissements est le système obsolète de traitement de l'information. M. le député a pu le constater quand il a mis la MDPH en contact avec des experts en sciences informatiques, afin d'améliorer la vitesse de traitement des dossiers par de l'algorithmique moderne. Le système d'information était si archaïque qu'aucune action n'était envisageable, malgré la bonne volonté des salariés de la MDPH. Un autre frein est la connaissance parcellaire de la loi. C'est ainsi le cas des décrets n° 2018-1222 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures de simplification dans le champ du handicap et n° 2018-1294 du 27 décembre 2018 relatif à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, qui actent l'attribution de certains droits sans limitation de durée aux personnes handicapées dont le handicap n'est pas susceptible d'évolution favorable. Malgré ces décrets qui vont dans la bonne direction, il arrive à certaines personnes clairement concernées par ces textes de se voir donner une réponse d'attente. Leurs interlocuteurs avouent tout simplement ne pas connaître ces décrets, ou alors se réservent le droit d'apprécier s'ils doivent être appliqués ou non. M. le député parle ici de cas qui lui ont été rapportés, avec des personnes ayant un taux d'invalidité d'au moins 80 %. Les personnes concernées voient alors leurs prestations suspendues et sont obligées de refaire tout un parcours éreintant de reconstitution de dossier de demande, ce qui est encore plus insupportable dans le contexte actuel lié à la covid-19. Aussi, il lui demande quels moyens elle compte mettre en place, en termes de moyens et de formations, pour que les MDPH puissent fournir un service exemplaire à des familles durement frappées par le sort, confrontées à des difficultés quotidiennes multiples, et souhaitant simplement que les droits garantis par la loi leur soient accordés dans des délais acceptables.
Réponse en séance, et publiée le 25 novembre 2020
MANQUEMENTS DE L'ÉTAT VIS-À-VIS DES PERSONNES HANDICAPÉES
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Villani, pour exposer sa question, n° 1153, relative aux manquements de l'État vis-à-vis des personnes handicapées.
M. Cédric Villani. Malgré les progrès réalisés dans la loi, malgré les stratégies gouvernementales qui se succèdent, nombreux sont encore les obstacles et les manquements auxquels les personnes handicapées font face.
Parmi ces obstacles, l'un des plus douloureux, et source d'innombrables interpellations dans ma circonscription – et, je veux bien le croire, dans les circonscriptions de nombre de mes collègues parlementaires – est la lenteur de la réaction administrative des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Je citerai l'exemple de cette famille que je connais, dont le fils est lourdement handicapé, et qui a déposé à la MDPH un dossier pour un plan d'accompagnement globalisé en février 2020. La réponse est arrivée en septembre. Entre-temps, ils ont trouvé une solution par eux-mêmes. Rappelons que la loi prévoit une réponse sous quatre mois maximum : or cela fait six mois, en période de pandémie, avec un public particulièrement sensible. Ici, c'est pour un plan d'accompagnement globalisé ; là, cela concerne des remboursements de prestations ; ailleurs, ce sont des échanges ubuesques pour des prestations d'aide à la personne. Dans tous les cas où je suis interpellé, il s'agit de personnes handicapées à 80 % à vie.
L'un des freins de ces établissements est le système obsolète de traitement de l'information. J'ai pu le constater quand j'ai mis la MDPH de mon département en contact avec des experts en sciences informatiques afin d'améliorer la vitesse de traitement des dossiers par de l'algorithmique moderne. Hélas, le système d'information était si archaïque qu'aucune action sérieuse n'était envisageable malgré la bonne volonté de la MDPH.
Un autre frein est la connaissance parcellaire de la loi, y compris par les fonctionnaires qui doivent l'appliquer. Ainsi, les décrets n° 2018-1222 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures de simplification dans le champ du handicap et n° 2018-1294 du 27 décembre 2018 relatif à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé vont dans la bonne direction, en actant l'attribution de certains droits sans limitation de durée aux personnes handicapées, mais il arrive encore que certaines personnes pourtant clairement concernées par ces textes reçoivent de l'administration une réponse d'attente : leurs interlocuteurs avouent tout simplement ne pas connaître ces décrets, ou alors se réservent le droit d'apprécier s'ils doivent être appliqués ou non. Là encore, les cas qui m'ont été rapportés concernent des personnes dont le taux d'invalidité est d'au moins 80 %. Celles-ci voient leurs prestations suspendues et sont obligées de refaire tout un parcours éreintant de reconstitution de dossier de demande, ce qui est encore plus insupportable dans le contexte actuel lié à la crise de la covid-19.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, quels moyens matériels et quelle offre de formation comptez-vous déployer, pour que les MDPH puissent fournir un service exemplaire à des familles durement frappées par le sort, qui sont confrontées à des difficultés quotidiennes multiples, et souhaitent simplement que les droits garantis par la loi leur soient accordés dans des délais acceptables ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Monsieur Villani, vous avez raison. Les délais et le traitement des dossiers que vous mentionnez sont tout à fait inacceptables. C'est pour cette raison que, dès ma prise de fonction, j'ai considéré que la simplification administrative et le respect de la dignité des personnes handicapées étaient une priorité.
De nombreuses actions ont déjà été déployées, avec notamment, comme vous l'avez rappelé, la création des droits sans limitation de durée. Mais nous devons aller plus loin, notamment dans l'application des décrets que vous citez.
Dans le cadre de la conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 11 février, un accord de méthode inédit, coconstruit entre l'État et l'Assemblée des départements de France, a ainsi été signé pour optimiser le pilotage et le fonctionnement des 104 MDPH. Il s'est concrétisé le 15 octobre, avec le lancement d'une feuille de route ambitieuse, intitulée MDPH 2022, que j'ai eu l'occasion de présenter avec le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau. Ce plan d'action et de transformation, qui doit se déployer de façon équitable sur l'ensemble du territoire, fait du raccourcissement des délais de traitement et de l'accélération de l'attribution des droits à vie deux enjeux majeurs.
Nous devons en outre parachever l'informatisation des MDPH, comme vous l'avez indiqué, pour assurer le développement des services en ligne, faciliter le renouvellement des demandes et allonger la durée de validité de certains documents administratifs.
Nous devons par ailleurs garantir une meilleure coordination territoriale et satisfaire un objectif de transparence vis-à-vis des personnes concernées. C'est tout le sens du baromètre que je viens de lancer, et qui donne une pleine visibilité, département par département, sur cinq indicateurs clés des MDPH – leur nombre augmentera encore.
Pour accompagner cette dynamique et permettre aux MDPH de renforcer leurs capacités de pilotage, l'État s'engage très fortement – c'est du gagnant-gagnant – en investissant 25 millions en 2021, dont 10 millions seront consacrés au rattrapage des retards les plus importants, grâce notamment à l'appui d'une équipe dédiée au sein de la CNSA – la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
J'ajoute que, durant cette deuxième crise sanitaire, comme ce fut le cas lors de la première, les MDPH sont toutes restées ouvertes, et que nous avons assuré la continuité des droits en les prorogeant, pour éviter les ruptures de parcours.
Tout doit ainsi converger vers un seul but : créer un service public d'accès aux droits plus simple, plus efficace, plus équitable entre l'État et les départements, qui sont chefs de file des politiques de solidarité.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Villani.
M. Cédric Villani. Madame la secrétaire d'État, comme vous le soulignez, des plans viennent d'être lancés. Il importera de suivre les indicateurs pour mesurer les améliorations.
Comme ma question et votre réponse le montrent bien, les problèmes ne se situent pas au niveau de la loi ni des décrets, mais à celui la mise en œuvre opérationnelle sur le terrain, de la modernisation du système, de la coordination et des indicateurs.
Auteur : M. Cédric Villani
Type de question : Question orale
Rubrique : Personnes handicapées
Ministère interrogé : Personnes handicapées
Ministère répondant : Personnes handicapées
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2020