Accès au droit et à la justice dans les Outre-mer
Question de :
M. Hugues Renson
Paris (13e circonscription) - La République en Marche
M. Hugues Renson alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les entraves à l'accès au droit et à une justice de qualité dans les Outre-mer. En effet, alors que l'accès au droit, consacré par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, comme composante du service public de la justice, est un préalable à l'exercice des droits fondamentaux et que l'accès à la justice est un droit fondamental, consacré par les textes internationaux et européens de protection des droits de l'homme, la situation pour les justiciables dans les Outre-mer et particulièrement à Mayotte et en Guyane, est critique. Dans son avis du 22 juin 2017, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) estime que ces deux principes, accès au droit et accès à la justice, souffrent de dysfonctionnements majeurs dans les Outre-mer : très forte rotation parmi les personnes engagées dans les structures privées et publiques d'accès au droit et à la justice qui nuit à la continuité du service public de la justice ; manque de lieux d'accueil, de professionnels du droit et de juridictions ; conditions d'accueil déplorables ; juridictions engorgées ; insuffisance de l'aide juridictionnelle ; manque d'interprètes et de documents traduits ; manque de juges pour certains contentieux. Concernant la Guyane, l'étendue du territoire, l'importance de l'immigration, les indicateurs socio-économiques très faibles, les carences de l'état civil, un maillage territorial disparate des services publics et des moyens de communications déficients rendent la situation est particulièrement critique. À Mayotte, selon le même avis de la CNCDH, de nombreuses personnes ne disposent pas encore d'un état civil républicain, ne parlent pas français et ne peuvent accomplir de démarches administratives sur un territoire marqué par des indicateurs socio-économiques très faibles, une éducation défaillante, une forte immigration et des services publics déficients. La charte nationale de l'accès au droit, signée par le ministère de la justice en février 2017 et qui rappelle que « l'accès au droit doit être effectif pour tous les citoyens », doit être mise en œuvre dans chacun des douze territoires ultramarins, en portant une attention particulière à Mayotte et à la Guyane. Ainsi, il lui demande quelles mesures sont envisagées afin d'assurer aux populations d'Outre-mer un véritable accès au droit et à une justice de qualité, en prenant en compte les spécificités locales de ces territoires.
Réponse publiée le 7 mai 2019
Comme dans les départements de métropole, l'accès au droit en outre-mer est régi par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, modifiée par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits et par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. Les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) – groupements d'intérêt public présidés par les présidents des tribunaux de grande instance des chefs-lieux des départements – sont chargés de définir la politique locale d'accès au droit. Chaque CDAD adapte donc la politique de l'accès au droit à ses spécificités locales. Un CDAD a été créé dans chaque département d'Outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, la Réunion et Mayotte). Ces structures pilotent les dispositifs d'accès au droit de leurs territoires (points d'accès au droit – PAD – et relais d'accès au droit – RAD) et les développent afin d'offrir un égal accès au droit à tous les habitants. C'est ainsi que le CDAD de Mayotte dispose d'un maillage territorial progressivement optimisé depuis 2014. Mayotte compte cinq PAD généralistes en dehors de la tenue des permanences au sein du TGI et d'un PAD spécialisé en établissement pénitentiaire à Majicavo. Une réflexion est en cours sur l'ouverture d'une permanence dans une autre commune du sud du département. En ce qui concerne la Guyane, le territoire est composé de trois PAD et de trois RAD généralistes. En outre, depuis l'an 2000, une MJD est présente à Saint-Laurent du Maroni. Ces dernières années, cette structure judiciaire de proximité et d'accès au droit a rencontré plusieurs difficultés qui ont conduit à des fermetures totales ou partielles. La signature en 2017 d'une nouvelle convention constitutive de la MJD, l'affectation d'un greffier à la fin de cette même année, ainsi que l'arrivée d'un agent territorial en janvier 2018, ont permis à cette MJD d'être redynamisée, de réouvrir à plein temps et d'offrir un service d'accès au droit de qualité aux habitants de ce territoire.Deux nouveaux partenariats ont également été conclus avec les communes de Macouria et à Matoury en 2017 pour la mise en place de Relais d'Accès au Droit (RAD). Par ailleurs, un RAD « jeune » a été mis en place afin de prendre en considération les particularités locales tenant à la jeunesse de la population. Enfin, trois nouvelles permanences ont été ouvertes en 2018, l'une à Rémire-Montjoly et les deux autres au sein des deux Maisons des Adolescents de Cayenne et Saint-Laurent du Maroni. Il convient d'ajouter que les particularités liées à l'accès au droit sur le territoire de la Guyane ont conduit à mener un projet ambitieux et inédit de création d'une pirogue du droit. Ce projet porté par le CDAD de la Guyane, en partenariat avec l'Union des Jeunes Avocats et le barreau de la Guyane, a bénéficié d'un soutien de la part du Ministère de la Justice. Il a été mis en œuvre pour la première fois en 2017 sur le fleuve du Maroni et a permis aux habitants des communes isolées d'avoir accès à des consultations juridiques gratuites. Le CDAD de Guyane a ensuite renouvelé cette action en mai 2018 sur le fleuve du Maroni, mais également pour la première fois sur le fleuve de l'Oyapock. Ces pirogues du droit ont fait intervenir en mai 2018, les avocats, partenaires privilégiés du CDAD dans la mise en œuvre de cette action mais également d'autres partenaires tels que la déléguée du Défenseur des droits ou encore la coordinatrice du CDAD de Guyane. La traduction des documents est une donnée primordiale dans l'élaboration des stratégies d'accès au droit, notamment dans les outils de communication élaborés par les CDAD. En témoignent les fiches juridiques mises à disposition sur le site internet du CDAD de Guyane traduites en portugais, en sranan tongo et en anglais, ainsi que le guide d'information sur les violences faites aux femmes élaboré par le CDAD de Mayotte en partenariat avec la déléguée aux droits des femmes, traduit en shimaoré. En outre, le ministère de la justice est attaché à l'effectivité de l'application de la charte nationale de l'accès au droit, signée le 21 février 2017 par le ministre de la justice et sept associations (Droits d'urgence, Restaurants du cœur, Secours catholique, Fondation Abbé Pierre, ATD quart Monde, la Cimade, le RENADEM) dans chacun des douze territoires ultramarins. A cet égard, le quatrième comité de pilotage de la charte aura lieu le 25 juin 2019. Il permettra d'étudier les déclinaisons locales de la charte en métropole ainsi qu'en Outre-mer.
Auteur : M. Hugues Renson
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 7 août 2018
Réponse publiée le 7 mai 2019