15ème législature

Question N° 11637
de M. Éric Alauzet (La République en Marche - Doubs )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Prélèvements illicites d'organes

Question publiée au JO le : 07/08/2018 page : 7059
Réponse publiée au JO le : 02/10/2018 page : 8828

Texte de la question

M. Éric Alauzet attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les soupçons de trafic d'organes prélevés sur des prisonniers de conscience en Chine, notamment sur les pratiquants de Falun Gong, mais également sur des groupes minoritaires politiques ou ethniques, qui serviraient à alimenter un tourisme de transplantation d'organes. Plusieurs demandeurs de greffe en France auraient d'ailleurs disparus de la liste des demandeurs d'organes répertoriés sur le site de l'agence de Biomédecine, sans pour autant être décédés. Cela soulève la question de l'existence d'une filière illicite de dons d'organes. Le 12 décembre 2013, le Parlement européen a adopté une résolution sur les prélèvements d'organes en Chine, recommandant aux États membres de condamner publiquement les abus en matière de prélèvement d'organes. De plus, la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains est entrée en vigueur depuis le 1er mars 2018 et invite les gouvernements à ériger en infraction pénale le prélèvement illicite d'organes humains de donneurs vivants ou décédées. Cette Convention n'a, à ce jour, pas été ratifiée par la France. La Chine a officiellement interdit en 2015 le prélèvement des organes des condamnés à mort sans l'accord préalable de ceux-ci, mais des interrogations subsistent quant à la réalité des chiffres de transplantations annoncés par le régime chinois, qui masquerait la poursuite d'opérations clandestines à partir de donneurs non consentants. En conséquence, et dans un contexte de révision des lois de bioéthique, il souhaite savoir comment il s'assure de la réalité de l'interruption de cette pratique.

Texte de la réponse

La lutte contre la traite des êtres humains est une priorité de la France qui entend favoriser une approche multidisciplinaire (justice, forces de police et de gendarmerie, services sociaux et société civile). L'approche française s'appuie sur quatre volets, tels que définis par son plan d'action national et par le plan d'action mondial contre la traite des êtres humains adopté en 2010 par l'Assemblée générale des Nations unies : prévenir, protéger, poursuivre et promouvoir les partenariats de coopération. La Chine a rendu illégal le trafic d'organes en 2007 et a officiellement mis fin aux prélèvements d'organes sur des prisonniers exécutés en 2015. La réforme a permis des avancées positives. Aujourd'hui, le système de transplantation est basé sur des dons d'organes. L'enjeu pour la Chine demeure à présent la pleine mise en œuvre de la loi. La France et la Chine sont parties à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme et à son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Lors de la 8ème conférence des Etats parties de la convention de Palerme à Vienne en octobre 2016, la France et l'Italie ont présenté et fait adopter une résolution qui a permis de jeter les bases d'un futur mécanisme d'examen de l'application de la convention et de ses protocoles, afin de garantir la mise en œuvre de leurs dispositions par tous les Etats membres. La définition internationalement agréée de la traite des êtres humains contenue dans le Protocole à la Convention de Palerme comprend explicitement le prélèvement d'organes qui doit donc être réprimé par tous les Etats parties. Il en est d'ailleurs de même pour la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains à laquelle est partie la France. Au sein de l'Union européenne, la traite des êtres humains, qui intègre la question de la traite aux fins du prélèvement d'organe, fait partie d'une des 13 priorités retenues du cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée (2014-2017), identifiées par EUROPOL. Cette priorité devrait être maintenue dans le prochain cycle (2018-2021). La problématique du prélèvement d'organes et la dimension externe de la traite des êtres humains sont également abordées dans la stratégie de l'UE en vue de l'éradication de la traite des êtres humains 2012-2016, actuellement en cours de révision au sein de la Commission européenne. La France a par ailleurs coparrainé en septembre 2017 une résolution portée par l'Espagne et le Guatemala sur l'adoption de mesures efficaces, le renforcement et la promotion de la coopération internationale concernant le don et la transplantation d'organes pour prévenir et combattre la traite des personnes à des fins de prélèvement d'organes et de trafic d'organes humains. S'agissant de la Convention contre le trafic d'organes humains, la procédure de signature et de ratification de la Convention a en effet été lancée. Elle est actuellement au stade de la consultation interministérielle (précédant la première phase de signature de la Convention), afin de vérifier qu'aucun ministère concerné ne s'oppose à la signature et ratification de la Convention et de savoir si des réserves ou déclarations doivent être formulées. Sans porter d'appréciation sur la nature du mouvement Falun Gong, la France entend continuer ses efforts en faveur du respect, par la Chine, de la liberté de religion ou de conviction. Elle souhaite, à ce titre, la libération des prisonniers de conscience. De manière générale, la France évoque régulièrement la question des droits de l'Homme en Chine lors des entretiens bilatéraux de haut niveau. Elle exprime ses préoccupations publiquement au Conseil des droits de l'Homme.