Service public de l'accompagnement et lutte contre l'exclusion numérique
Question de :
Mme Elsa Faucillon
Hauts-de-Seine (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Elsa Faucillon interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie, sur la stratégie du Gouvernement pour maintenir des services publics d'aide à domicile qui restent les seules structures accessibles aux personnes en situation de précarité, ainsi que sur la stratégie de lutte contre l'exclusion numérique des personnes âgées. En effet, alors que la CNAV est dans une logique depuis plusieurs années de réduction et de regroupement des organismes d'aide à domicile et d'accompagnement des personnes âgées, la crise de la covid-19 a démontré au contraire toute l'importance des petites structures publiques ou associatives présentes localement au plus près des personnes âgées sur un territoire. Cette proximité leur a permis en plein cœur du premier et deuxième confinement d'identifier des personnes vulnérables qui n'étaient pas identifiées jusqu'alors. De plus, ce confinement a mis en exergue la problématique de l'accès aux services et démarches dématérialisées, inaccessibles pour une majorité de personnes âgées, et qui dans la période ont encore plus de mal à être accompagnées dans ces démarches. Cela freine également l'accès pour cette population aux nouveaux services médicaux en téléconsultation. Elle lui demande donc sa position sur ce sujet.
Réponse en séance, et publiée le 9 décembre 2020
EXCLUSION NUMÉRIQUE DES SENIORS
Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour exposer sa question, n° 1164, relative à l'exclusion numérique des seniors.
Mme Elsa Faucillon. Quatre millions, c'est le nombre de personnes de plus de 60 ans qui n'utilisent jamais internet, c'est-à-dire 27 % de cette tranche d'âge. Dans les milieux populaires, comme c'est le cas dans ma circonscription, plus d'un retraité sur deux ne possède pas d'adresse électronique. Pourtant, nous en faisons tous l'expérience au quotidien : le nombre de démarches à réaliser sur internet ne cesse d'augmenter et, qu'il s'agisse des impôts, des aides sociales, de l'assurance maladie, des dossiers de retraite, il n'y a plus grand-chose qui ne passe plus par internet. Et on voit combien les standards téléphoniques sont très souvent saturés tandis que les lieux d'accueil du public ferment les uns après les autres.
Alors, quand on n'a ni ordinateur ni connexion internet ou, tout simplement, qu'on a du mal à s'en servir, comment fait-on ? Le défenseur des droits s'est saisi à maintes reprises de cette question et vous a rappelé que la dématérialisation ne devait pas servir de palliatif à la suppression des services publics. Au contraire : elle doit faciliter la vie des gens pour les démarches les plus légères, voire permettre de désengorger les lieux d'accueil pour mieux recevoir et mieux servir ceux qui s'y rendent.
Le confinement a mis en avant cet isolement et les difficultés rencontrées et, plus que jamais, on a vu combien l'accompagnement des personnes isolées était vital. Dans certaines communes, comme celle de Gennevilliers, dans ma circonscription, la présence d'un service municipal d'aide à domicile et d'une coordination gérontologique a permis de s'adapter aux besoins exceptionnels de la période. D'abord, il a été possible de repérer, en plein cœur du confinement, des personnes qui n'étaient jusqu'alors pas connues mais qui, du fait de l'isolement, ont eu besoin d'une aide dans leur vie quotidienne. Ensuite, ces structures ont mis en place des services exceptionnels tels que le portage de courses ou le transport, pour les visites médicales, de personnes autonomes en temps normal mais qui, avec les risques sanitaires encourus, ne pouvaient plus se déplacer avec les transports en commun.
Toutes ces structures de terrain, qu'il s'agisse de services municipaux ou de structures associatives, sont aujourd'hui menacées. La Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, suit de plus en plus une logique de regroupement des organismes d'aide à domicile au profit de grands organismes privés. On voit pourtant la souplesse et la capacité d'adaptation de ces services de proximité. Ces petites structures municipales échappent au marché juteux de l'économie des seniors, en pleine expansion. Elles sont ainsi les seules à maintenir les tarifs les plus bas qui permettent à chacun d'avoir accès à une aide.
Je souhaite par conséquent savoir, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, quelle est la stratégie du Gouvernement pour maintenir des services publics d'aide à domicile, si précieux en cette période, mais qui le sont en fait tout le temps, et qui doivent rester accessibles aux personnes en situation de précarité, et savoir également quelle est la stratégie du Gouvernement pour lutter contre l'exclusion numérique des personnes âgées.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Je suis comme vous convaincu de la nécessité de renforcer l'action des services de proximité pour les personnes les plus vulnérables et je pense que c'est ce que nous nous sommes évertués à faire depuis le début de la crise sanitaire. La lutte contre l'isolement social des personnes les plus âgées a ainsi été l'un des axes forts de la réponse à l'épidémie. La forte mobilisation des 853 équipes citoyennes réparties sur l'ensemble du territoire français a permis de repérer les personnes les plus isolées et de les soutenir dans la réalisation de certaines tâches, en particulier celles liées aux démarches dématérialisées que vous avez évoquées. Que ce soit pour moi l'occasion de saluer l'action de Jean-François Serres à la tête de l'association Monalisa qui, dès avant la crise de la covid-19, s'est impliquée dans la lutte contre l'isolement des personnes âgées. En outre, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, qui a pour tâche de soutenir leurs actions, continue de le faire.
Le Gouvernement a demandé aux préfectures et aux collectivités territoriales de mobiliser l'ensemble des ressources locales pour assurer un suivi étroit des personnes isolées à domicile et les sensibiliser à la bonne application des gestes barrières. Dans la continuité de la mission Guedj, un guide d'aide au montage des cellules de coopération locale de veille contre l'isolement social, intitulé « Rompre l'isolement des personnes âgées », a été édité ; il est publié sur le site du ministère des solidarités et de la santé.
Vous soulignez par ailleurs à juste titre le rôle crucial des services d'aide à domicile dans l'accompagnement des personnes vulnérables au plus près de leurs besoins. Le projet de loi à venir sur le grand âge et l'autonomie ainsi que le plan en cours sur les métiers auront vocation à renforcer ces services, notamment en rénovant leur modèle de financement et en renforçant l'attractivité des métiers concernés – on sait qu'il s'agit d'un frein. Des projets innovants sont par ailleurs lancés pour mieux former les professionnels à repérer les signes de fragilité et à assurer un signalement systématique aux partenaires en fonction des situations. La CNAV contribue également à cette professionnalisation des aides à domicile en proposant des formations sur l'évaluation des besoins et l'accompagnement des personnes.
La promotion de l'inclusion numérique des personnes vulnérables fait l'objet de nombreuses initiatives soutenues par le Gouvernement et fait partie des thèmes prioritaires des programmes de prévention des conférences des financeurs, au niveau local, en complément avec le plan national pour un numérique inclusif. Je signale en outre qu'un portail spécifique – rompre-isolement-aines.gouv.fr – a été mis en place pour recenser les initiatives libres d'accès disponibles sur l'ensemble du territoire et les actions locales innovantes et reproductibles – élément de réponse parmi d'autres à la lutte contre l'isolement des personnes âgées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon. Si le marché si juteux des seniors se développe, c'est parce que le démantèlement du service public lui laisse un espace béant. Or, malheureusement, ce marché se développe en creusant de plus en plus les inégalités d'accès à de nombreux services. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine considère que la crise aurait dû vous révéler combien le démantèlement des services publics de proximité était une erreur. Je constate que ce n'est pas le cas et que pour un grand nombre de retraités, l'accès au numérique ou tout simplement l'accès aux droits n'est pas une priorité du Gouvernement.
Auteur : Mme Elsa Faucillon
Type de question : Question orale
Rubrique : Numérique
Ministère interrogé : Autonomie
Ministère répondant : Autonomie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er décembre 2020