15ème législature

Question N° 1193
de M. Alain David (Socialistes et apparentés - Gironde )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > État

Titre > séparation des pouvoirs

Question publiée au JO le : 03/10/2018
Réponse publiée au JO le : 03/10/2018 page : 9370

Texte de la question

Texte de la réponse

SÉPARATION DES POUVOIRS


M. le président. La parole est à M. Alain David, pour le groupe Socialistes et apparentés.

M. Alain David. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Jeudi 4 octobre prochain, nous célébrerons les soixante ans de notre Constitution. Je rappelle que le Président de la République est le principal garant du respect de ce texte fondateur.

M. Fabien Di Filippo. Laissez-moi rire !

M. Alain David. À ce titre, il doit particulièrement être attentif à un principe qui fonde les démocraties contemporaines : la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Socialistes et apparentés.)

M. Jean-Luc Reitzer. Bravo !

M. Alain David. Or, après un été agité par l'affaire Benalla, l'automne apporte son lot d'informations inquiétantes sur le fonctionnement de nos institutions.

M. Fabien Di Filippo. Très inquiétantes !

M. Alain David. Entre l'audition incongrue des candidats au poste de procureur général de Paris et les tentatives d'intervention de l'exécutif sur ce processus de nomination, il semble que le Président ait tenté de s'immiscer dans le choix de ce magistrat.

M. Fabien Di Filippo. C'est très grave !

M. Alain David. Après une intervention tout aussi malvenue auprès de Gérard Larcher dans les travaux de la commission d'enquête sénatoriale, et le sabotage de la commission d'enquête de l'Assemblée, cette nouvelle atteinte à la séparation des pouvoirs nous inquiète.

M. Michel Herbillon. Ce sont les nouvelles pratiques !

M. Alain David. Mentionnons également le dernier événement en date autour de Gérard Collomb.

M. Maxime Minot. Il est où ?

M. Alain David. Comment peut-on considérer que le ministre de l'intérieur souhaite démissionner, au moment où il doit faire face à ses responsabilités ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Socialistes et apparentés.)

Depuis le milieu du XVIIIe siècle, la séparation des pouvoirs est un rempart contre l'arbitraire. Prenons garde que le nouveau monde et la disruption n'atteignent pas les fondements de notre démocratie.

M. Pierre Cordier. Il a raison !

M. Maxime Minot. Très bien !

M. Alain David. Les Français ne sont pas ces Gaulois réfractaires que l'on dépeint : ce sont des citoyens qui demandent simplement du respect de la part de l'exécutif, et des comptes sur le manque d'efficacité des politiques conduites depuis plus d'un an.

Alors, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous me confirmer que l'exécutif respectera le cadre fixé par la Constitution ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Socialistes et apparentés, LR et FI ainsi que sur quelques bancs des groupes GDR et UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous profitez de cette question pour dire à l'Assemblée votre attachement au principe constitutionnel, je dirais même philosophique, politique essentiel, celui de séparation des pouvoirs.

M. Éric Coquerel. Exact !

M. Pierre Cordier. Il a compris la question !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je partage en tout point l'attachement que vous proclamez.

M. Bruno Bilde. Tu parles !

M. Fabien Di Filippo. Quand il commence de cette manière, c'est qu'il ne veut pas répondre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . La séparation des pouvoirs est un principe qui irrigue notre vie démocratique, qui l'organise et qui, bien entendu, est repris dans la constitution de la Ve République, même si, à l'époque – je le dis en souriant, monsieur le député, car ni vous ni moi n'avons participé aux débats qui ont présidé à l'avènement de cette république –, certains parlementaires, d'ailleurs souvent issus des rangs où vous siégez, indiquaient que cette constitution était, par nature, contraire au principe de séparation des pouvoirs. Autres temps, autres mœurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Jean-Paul Lecoq. Ils avaient raison !

M. Alexis Corbière. Le coup d’État permanent !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous êtes attaché au principe de séparation des pouvoirs – moi aussi.

Reconnaissez d'ailleurs avec moi, monsieur le député, que la séparation des pouvoirs s'applique à tous les pouvoirs. Elle interdit que l'on méconnaisse les dispositions constitutionnelles, que ce soit lorsque l'on a l'honneur de représenter le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif ou l'autorité judiciaire – disons, si vous le voulez bien, le pouvoir judiciaire.

Vous m'interrogez sur le processus de nomination des procureurs et vous laissez penser que, parce que le pouvoir exécutif prendrait un grand soin à proposer le nom du futur procureur de Paris, il y aurait méconnaissance de la séparation des pouvoirs et des dispositions constitutionnelles ou légales.

M. François Pupponi. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Pierre Cordier. Quel culot !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Vous savez parfaitement, monsieur le député, que ce n'est pas le cas.

M. Christian Jacob. Les petites combines ! Vous avez été pris le doigt dans le pot de confiture !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je suis, comme vous, attaché à l'indépendance de la magistrature, mais il se trouve que le droit prévoit que les procureurs sont nommés sur proposition de la garde des sceaux, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Il se trouve que le Gouvernement – la garde des sceaux, naturellement, et le Premier ministre –, parce que les procureurs mettent en œuvre la politique pénale du Gouvernement, est extrêmement attentif aux choix qui sont faits.

Plusieurs députés du groupe LR . Ça rame !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Et j'assume parfaitement le fait de rencontrer des candidats (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) et d'être certain que celui qui sera proposé à la nomination et à l'avis du Conseil supérieur de la magistrature sera parfaitement en ligne avec le Gouvernement...

M. Pierre Cordier. Il a du mal à s'en sortir !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …et que je serai parfaitement à l'aise avec ce procureur.

M. Charles de la Verpillière. C'est dur !

Plusieurs députés sur les bancs du groupe LR . Allez, courage, allez !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je vous le dis comme je le pense.

Par ailleurs, la révision constitutionnelle qui est proposée et que certains parlementaires n'ont pas souhaité discuter au mois de juillet… (Exclamations sur les bancs des groupes Socialistes et apparentés et FI - Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Boris Vallaud. Ce n'est pas vrai !

M. Éric Coquerel. Dites-le à Benalla !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …prévoit une disposition selon laquelle les procureurs sont nommés après un avis conforme. Ce serait un progrès, mais la disposition n'est pas encore en vigueur.

M. Sébastien Chenu. Zéro crédibilité !

M. Patrice Verchère. L'explication est trop longue pour être vraie !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je veux cependant vous rassurer, monsieur David, au cas où votre inquiétude serait formulée de bonne foi, ce dont je ne doute évidemment pas. Nous aurons prochainement la nomination d'un procureur de Paris et – le texte en sera discuté dans cette assemblée – la nomination d'un procureur national antiterroriste.

Plusieurs députés sur les bancs du groupe LR . Ça rame !

M. le président. Chers collègues, un peu de silence, je vous prie !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est un changement majeur. Monsieur le président…

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le Premier ministre !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. J'ai compris que, à la droite de l'hémicycle, on était passionné par des questions de sécurité. Je constate que l'on est plus dissipé au moment d'évoquer les questions liées à la justice, et je m'en étonne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. - Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo. Arrêtez de pleurnicher !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Monsieur le député, le droit a été et sera strictement respecté pour cette nomination, comme pour toutes les autres.

M. Sébastien Leclerc. Capitaine de pédalo !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je veux être extrêmement clair et extrêmement ferme sur ce sujet. Mettre en doute, comme certains peuvent s'amuser à le faire, le respect de la loi et le souci qu'a le Gouvernement de respecter la loi n'est pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

M. Claude Goasguen. Ridicule !