Nouvelle obligation pour les commerçants et artisans
Question de :
M. Olivier Marleix
Eure-et-Loir (2e circonscription) - Les Républicains
M. Olivier Marleix interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur l'obligation faite à compter du 1er janvier 2018 pour toute personne assujettie à la TVA d'utiliser un système de caisse ayant reçu une certification dans le but de lutter contre la fraude. Cette obligation, décidée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, a été légèrement assouplie lors du projet de loi de finances pour 2018. Ainsi, les logiciels comptables ne sont plus concernés par cette obligation ; de même les personnes relevant du régime de franchise en base de TVA du régime général en sont soustraites. Cette réduction du champ d'application de la loi intervenant, malgré des alertes répétées de députés, seulement quelques semaines avant son entrée en vigueur, certains commerçants ont déjà réalisé des investissements importants et désormais inutiles. Aussi, il l'interroge sur ce qu'il compte faire pour ces personnes. De même, il lui demande s'il entend tenir compte du coût excessif de cette nouvelle obligation pour les très petites entreprises, par exemple pour les exploitants agricoles qui exercent une activité connexe de vente de produits à la ferme.
Réponse en séance, et publiée le 13 décembre 2017
OBLIGATION DE SYSTÈME DE CAISSE CERTIFIÉE
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour exposer sa question, n° 11, relative à l'obligation de système de caisse certifiée.
M. Olivier Marleix. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler l'attention du ministre de l'action et des comptes publics sur le dispositif un peu ubuesque issu de la loi de finances de 2016, qui oblige tous les commerçants et artisans ayant des activités de vente à se doter de caisses enregistreuses ou de logiciels de comptabilité certifiant qu'ils ne commettent pas de fraude à la TVA. Cette obligation doit s'appliquer au 1er janvier 2018, c'est-à-dire dans quelques jours.
Certes, dans le projet de loi de finances pour 2018, nous avons légèrement assoupli ce dispositif en réduisant son champ d'application : toutes les personnes relevant du régime de franchise en base de TVA seront exclues de ce dispositif, ainsi que les agriculteurs non redevables de la TVA ayant des activités connexes, par exemple de vente à la ferme.
Ces aménagements à la marge n'enlèvent rien au coût de tels équipements, qui est souvent de plusieurs milliers d'euros. L'investissement est très élevé pour des commerçants et des artisans dont le résultat à la fin du mois est parfois de quelques centaines d'euros.
Cette obligation semble donc très contestable : pourquoi faire porter sur des acteurs économiques le poids du contrôle fiscal, qui devrait incomber à l'administration ? Elle relève, qui plus est, d'une naïveté assez confondante : il suffira que le commerçant dispose d'un tiroir pour ne pas avoir à ouvrir sa caisse enregistreuse. Cela ne changera rien à la fraude – il faut vraiment être à Bercy, très loin des réalités, pour imaginer que cela pourrait avoir quelque effet !
Il est très regrettable que les assouplissements soient intervenus quelques jours seulement avant l'entrée en vigueur de cette obligation. Le mal a été fait, l'investissement a été réalisé inutilement par beaucoup de commerçants. De surcroît, l'amende prévue de 7 500 euros est totalement exorbitante, hors de proportion avec les réalités économiques dont nous parlons.
Comme s'il n'y avait pas assez de normes, il a fallu que Bercy en invente de nouvelles. Il ne faudra pas s'étonner ni se plaindre – vous le ferez avec nous, d'ailleurs ! – de voir disparaître le petit commerce en milieu rural ! Monsieur le secrétaire d'État, croyez-vous qu'il soit encore temps d'assouplir un peu plus ce dispositif ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le député, vous savez à quel point il est important de lutter contre la fraude à la TVA par la dissimulation de recettes. Votre question me permet d'apporter un certain nombre de précisions, en écho à des débats qui se sont tenus au Sénat cette semaine, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.
La fraude a longtemps été facilitée par la commercialisation de logiciels ou de systèmes de caisse frauduleux permettant d'effacer des recettes et de reconstituer les tickets de caisse sans que cette manipulation soit décelable. C'est pourquoi l'obligation de détenir un logiciel de caisse ou de comptabilité conforme a été prévue par la loi de finances de 2016.
Contrairement à ce que vous semblez avancer, le Gouvernement a toujours été sensible aux contraintes nouvelles que cela faisait peser sur les entreprises. Une entrée en vigueur différée de deux ans de cette obligation a été prévue afin de permettre aux utilisateurs de logiciels et de systèmes de caisse de prendre en compte ces nouvelles dispositions.
Surtout, face aux difficultés de mise en œuvre que soulevait cette mesure, le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé, le 15 juin dernier, le recentrage du périmètre du dispositif sur les seuls logiciels et systèmes de caisse, principaux vecteurs de fraude.
En outre, l'administration fiscale a indiqué, en réponse à de nombreuses questions posées sur le site internet de la direction des impôts, le 1er août dernier, que le dispositif concernerait les entreprises assujetties à la TVA ayant des relations commerciales avec des clients particuliers, donc là où le risque de fraude est le plus grand.
Vous évoquez le cas de certains commerçants désormais exclus du dispositif – ceux qui relèvent de la franchise TVA – et qui se seraient déjà mis en conformité. Leur effort ne peut être que salué et, je tiens à vous rassurer, il n'est pas du tout inutile, loin de là, en matière d'encadrement et de conformité de leurs comptes. Il contribue à l'assainissement du marché des logiciels de caisse souhaité par le Gouvernement. Ces commerçants seront ainsi prêts et équipés dès que la dynamique de leur activité leur fera franchir le seuil de la franchise.
Le coût de la mise en conformité n'est pas aussi important que vous le laissez entendre. Lorsque le contribuable dispose déjà d'une caisse, le coût de la mise à jour peut être compris dans le prix de la maintenance et, si ce n'est pas le cas, cette dépense peut être comptabilisée en charge dans le résultat de l'entreprise. Au demeurant, en cas d'acquisition d'une nouvelle caisse, cette dépense peut soit être comptabilisée en charge, si le montant hors taxes est inférieur à 500 euros, soit être amortie.
Par ailleurs, vous évoquez les difficultés financières que rencontreraient de très petites entreprises pour s'équiper de logiciels sécurisés. Je vous rappelle que ces dernières devraient, en principe, être exclues du dispositif et vous précise également que, lorsque le contribuable ne détient pas de caisse, cette nouvelle législation ne lui impose pas d'en acquérir une.
Enfin, les entreprises soumises à la TVA réalisant un chiffre d'affaires en matière de ventes inférieur à 82 800 euros relèvent du régime de la franchise en base.
M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix. Je me réjouis des assouplissements apportés mais regrette qu'ils le soient dans le cadre d'une loi de finances quelques jours seulement avant l'entrée en vigueur de l'obligation, c'est-à-dire trop tard pour beaucoup de commerçants qui ont procédé à des équipements dont ils n'avaient finalement pas besoin.
Ayant posé plusieurs questions écrites au Gouvernement sur ce sujet, je regrette de ne jamais avoir reçu de réponse. On a laissé des commerçants acheter, parfois en s'endettant, des équipements qui seront inutiles : ce n'est pas un exemple de bonne administration.
Auteur : M. Olivier Marleix
Type de question : Question orale
Rubrique : Taxe sur la valeur ajoutée
Ministère interrogé : Action et comptes publics
Ministère répondant : Action et comptes publics
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2017