15ème législature

Question N° 1208
de Mme Marine Brenier (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > mort et décès

Titre > Fin de vie en France

Question publiée au JO le : 05/01/2021
Réponse publiée au JO le : 13/01/2021 page : 21

Texte de la question

Mme Marine Brenier interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la question de la fin de vie en France. Ce sujet qui a volontairement été écarté du projet de loi relatif à la bioéthique par le Président de la République n'a jamais été autant d'actualité avec la crise que l'on traverse. On meurt mal en France et les citoyens souhaitent que cela change. Plus de 90 % d'entre eux sont d'ailleurs favorables à la légalisation de l'aide active à mourir si elle est bien encadrée. C'est pourquoi elle vient de déposer une proposition de loi visant à reconnaître le libre choix du patient pour sa fin de vie, ainsi qu'à instaurer un accès universel aux soins palliatifs dans le pays. Plusieurs des voisins de la France sont précurseurs en la matière, comme la Belgique, qui a reconnu cette aide active à mourir depuis déjà 2002. On doit répondre aux attentes des Français, en créant un cadre juridique précis et complet, qui répondra à un seul et unique objectif : respecter la volonté du patient. Elle souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur cette question de la fin de vie et ce qu'elle peut espérer de sa part avant la fin de ce quinquennat sur ce sujet.

Texte de la réponse

FIN DE VIE


M. le président. La parole est à Mme Marine Brenier, pour exposer sa question, n°  1208, relative à la fin de vie.

Mme Marine Brenier. Nous vivons une période inédite, qui doit faire l'objet de toute notre attention. Néanmoins, certains sujets sont malheureusement toujours d'actualité, ce qui impose des piqûres de rappel.

La Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, le Canada, l’Allemagne et à présent l’Espagne, ont tous décidé de légiférer pour offrir à toute personne le choix d’une fin de vie dans la dignité. Votre gouvernement prétend incarner une voie nouvelle au-dessus des lignes des partis politiques classiques. Pourtant, sous ce quinquennat, des révisions bioéthiques ont pris le soin d’éviter à tout prix la question de la fin de vie, alors que plus de 90 % des Français réclament de faire avancer la législation.

Le droit est une matière vivante et évolutive. Oui, les lois Leonetti et Claeys-Leonetti ont eu leur pertinence, elles ont ouvert la voie. Mais aujourd’hui, malheureusement, elles ne suffisent plus. C'est pourquoi j’ai déposé le mois dernier une proposition de loi visant à légaliser l’aide active à mourir et à rendre universel l’accès aux soins palliatifs dans notre pays. Nous connaissons tous des personnes parties dans des conditions tragiques, dont on sait qu’elles auraient voulu être mieux accompagnées. Il est grand temps que votre majorité soutienne ce projet de société.

Non, ce ne sera pas la porte ouverte à toutes les dérives. Oui, une loi comme celle-ci aurait pu éviter, lors de la première vague de la covid, la prise précipitée d’un décret, ce qui a inquiété patients et soignants. Comment le pays des droits de l’homme peut-il encore considérer que mourir de dénutrition et de déshydratation est compatible avec la dignité humaine ? Comment accepter encore que dans certains territoires, on ne puisse pas avoir accès à des soins palliatifs ? Comment, dans notre pays, des hommes et des femmes peuvent-ils encore mourir d’étouffement ?

Nous ne pouvons plus laisser nos concitoyens quitter le territoire pour trouver une solution ailleurs. Nous devons pouvoir répondre aux attentes des Français, qui nous demandent finalement une chose simple : que leur volonté puisse être respectée. Soyons dignes du pays des droits de l’homme : légalisons l’aide active à mourir.

Cette semaine, nous nous rendrons en Belgique avec une délégation de parlementaires et Jean-Luc Romero, président de l’ADMD française – association pour le droit de mourir dans la dignité. De tous bords, nous nous battons pour faire avancer les choses. Notre seul objectif commun est la libre conscience de choisir sa fin de vie. Monsieur le secrétaire d'État, écoutez les Français par la voie de leurs représentants. Avançons ensemble.

M. Olivier Marleix. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. La fin de vie est un sujet de préoccupation constant du ministère des solidarités et de la santé. En témoignent les lois qui lui ont été consacrées – historiquement et délibérément élaborées en dehors de la révision des lois de bioéthique – et les plans nationaux successifs élaborés depuis 1999. En octobre 2020, le ministre Olivier Véran a d'ailleurs lancé les travaux préparatoires du prochain plan national consacré à cette question.

L'objectif est de garantir la mise en œuvre effective des droits de la fin de vie et l'accès de chacun aux soins palliatifs les plus adaptés à sa situation clinique et à son lieu de vie, dans le respect de sa dignité et de ses volontés. C'est bien d'effectivité qu'il s'agit selon nous.

Sur le fond, vous le savez, la France a choisi d'accompagner la fin de vie sans la provoquer. La législation en vigueur est le fruit d'un long processus démocratique engagé depuis 1999 par la reconnaissance du droit d'accès aux soins palliatifs. La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 est venue la renforcer. Elle reconnaît à chacun le droit à une fin de vie digne, par le meilleur apaisement possible de la souffrance qui « doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée. »

La loi consacre le respect de la volonté de la personne, opposable à l'équipe soignante. Si le patient n'est pas en mesure de l'exprimer, les directives anticipées et la désignation d'une personne de confiance permettent de respecter cette volonté. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie – CNSPFV – contribue à mieux faire connaître ce dispositif, notamment grâce au portail internet que vous connaissez : parlons-fin-de-vie.fr.

En 2018, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé et le Conseil d'État ont estimé que la loi actuelle permettait de répondre à l'essentiel des situations de fin de vie. Alors que nos concitoyens expriment le souhait d'une fin de vie accompagnée dans leur lieu de vie, l'enjeu réside dans le développement de la prise en charge de proximité, sans rien céder aux impératifs de pertinence des soins, d'anticipation des besoins et de sécurisation du parcours de prise en charge. Pour que la loi soit mieux connue et mieux appliquée et que les droits des patients soient plus effectifs, nous retenons trois principaux axes : le renforcement de l'acculturation de nos concitoyens au droit de la fin de vie et la diffusion de la culture palliative parmi les professionnels et les intervenants dans le respect de l'esprit de la loi et des impératifs de la collégialité de la concertation ; le soutien au haut niveau d'expertise requis en soins palliatifs et son accessibilité aux acteurs afin de garantir l'anticipation des besoins et de faciliter les prises en charge ; le déploiement de dispositifs innovants pour permettre à chacun d'être soigné sur son lieu de vie et selon ses souhaits. Ce sont là autant d'enjeux qui sont devant nous pour rendre plus effectifs encore les droits des patients face à cette question douloureuse.

M. le président. La parole est à Mme Marine Brenier.

Mme Marine Brenier. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour ce rappel historique, que je connais également mais qui ne répond pas à la question que je vous ai posée. Le plan pour les soins palliatifs était demandé depuis longtemps ; la ministre Buzyn refusait d'y travailler, et je suis heureuse que M. Véran le fasse. Ma question est de savoir quand nous permettrons, en France, de mourir dans la dignité, comme c'est le cas dans la quasi-totalité des pays européens ?