15ème législature

Question N° 1224
de Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > transports par eau

Titre > Trafic dans le port du Havre

Question publiée au JO le : 05/01/2021
Réponse publiée au JO le : 13/01/2021 page : 18

Texte de la question

Mme Agnès Firmin Le Bodo attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur la situation du trafic dans le port du Havre. La crise sanitaire a eu de multiples répercussions sur les trafics portuaires au Havre comme dans les autres GPM. Néanmoins, les capacités de résilience du port du Havre et de ses acteurs sont importantes et les accords récemment signés en termes de compétitivité et de fiabilité sociale ainsi que les investissements prévus et financés favoriseront, à n'en pas douter, la relance. Pour autant, il convient d'explorer toutes les solutions propres à favoriser la reprise économique en imaginant notamment des instruments nouveaux. Les zones franches portuaires permettent de librement décharger, manutentionner, transformer et réexpédier des marchandises alors que les marchandises ne sont frappées des droits de douane en vigueur qu'au moment où elles sont expédiées à des consommateurs. Cette zone logistique bénéficie d'une extra-territorialité douanière, ce qui signifie que les produits qui y sont entreposés ne sont pas sujets à des droits de douane tant qu'ils n'entrent pas définitivement sur le marché. Cela vise avant tout à libérer un port, qui présente pour le commerce de nombreux avantages géographiques, de l'obligation d'appliquer de hauts tarifs et de complexes règlements douaniers, afin notamment de favoriser l'accélération de la rotation des navires, grâce à la réduction des formalités de vérification douanière. Contrairement aux entrepôts sous douane, les zones franches permettent, au sein de l'Union européenne, de stocker les produits sans limite de temps. C'est un avantage important en matière d'attractivité pour certaines industries et en matière de trésorerie pour les entreprises. Au-delà de l'aspect douanier, les zones franches peuvent aussi faire bénéficier leurs opérateurs d'avantages fiscaux sans que ceux-ci soient pour autant un préalable indispensable. La plupart des grands ports ont une zone franche qui leur est accolée. Ainsi le Royaume-Uni souhaite créer dix ports francs à la suite du Brexit avec pour objectif d'attirer des flux qui normalement iraient en Europe et d'y effectuer des transformations à valeur ajoutée proche du marché. La France pourrait et devrait être une porte de l'Europe en proposant des services à très forte valeur ajoutée et non seulement se battre par les coûts, dans un espace à forte croissance et forte valeur ajoutée dans le but de créer une nouvelle demande. Au-delà d'une zone franche logistique, il conviendrait de mettre en place des zones portuaires d'intérêt stratégique ou zones de compétitivité de logistique portuaire. Celles-ci pourraient de surcroît bénéficier d'exonérations ou allègements fiscaux pour agir sur l'attractivité portuaire ; ces exonérations seraient limitées dans le temps, dégressives et auraient pour but de développer les volumes et d'envisager de les intégrer dans des zones économiques spéciales avec la mise en place de mesures spécifiques en accompagnement du développement de nouveaux projets... Ces zones devraient encourager de nouvelles implantations en France via le plan de relance. Par ailleurs, il conviendrait d'inscrire ces zones dans une démarche écologique vertueuse en fixant par exemple des volumes minima transportés par voie fluviale ou ferroviaire. Il s'agit donc d'inscrire cette démarche dans une politique commerciale et maritime complète dans l'esprit de l'orientation stratégique défini par le conseil national de la mer et des littoraux. C'est pourquoi elle lui demande donc de lui indiquer quelles suites pourraient être réservées à cette proposition.

Texte de la réponse

AVENIR DES PORTS MARITIMES


M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour exposer sa question, n°  1224, relative à l'avenir des ports maritimes.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Les grands ports maritimes français subissent des difficultés liées au contexte sanitaire et économique actuel, aux conséquences sur les mouvements commerciaux mondiaux qui en découlent et au Brexit. Leurs capacités de résilience sont néanmoins importantes : en témoignent, par exemple au Havre, les accords récemment signés relatifs à la compétitivité et à la fiabilité sociale, ainsi que les investissements prévus et financés qui, à n'en pas douter, favoriseront la relance. Cela étant, il convient d'explorer toutes les solutions propres à favoriser la reprise économique, en imaginant notamment des instruments nouveaux.

Les zones franches portuaires sont des zones à l'intérieur desquelles on peut librement décharger, manutentionner, transformer et réexpédier des marchandises. Celles-ci ne sont frappées des droits de douane en vigueur qu'au moment où elles sont acheminées aux consommateurs du pays environnant. Or les zones franches logistiques, qui bénéficient par le fait d'une extraterritorialité douanière, demeurent dans le meilleur des cas méconnues et dans le pire des cas honnies. Pourtant, contrairement aux entrepôts sous douane, elles permettent de stocker des produits sans limite de temps au sein de l'Union européenne.

La plupart des grands ports mondiaux ont une zone franche qui leur est accolée. À la suite du Brexit, le Royaume-Uni souhaite ainsi créer dix ports francs, afin d'attirer des flux qui seraient normalement revenus à l'Union européenne et d'y effectuer des transformations à valeur ajoutée en étant proche du marché.

Or, dans ce secteur en forte croissance et dans l'optique de créer une nouvelle demande, la France pourrait cesser de rivaliser par les seuls coûts et constituer une porte d'entrée en Europe en proposant des services à très forte valeur ajoutée afin de susciter une nouvelle demande.

Au-delà des zones franches logistiques, il conviendrait également de créer des zones portuaires d'intérêt stratégique ou zones de compétitivité de logistique portuaire. Celles-ci pourraient bénéficier d'exonérations ou d'allègements fiscaux limités dans le temps et dégressifs, afin d'accroître les volumes et d'envisager de les intégrer dans des zones économiques spéciales. Des mesures complémentaires sur les bas salaires ou d'allègement de la fiscalité foncière pourraient aussi être imaginées. Grâce au plan de relance, ces zones portuaires d'intérêt stratégique devraient favoriser de nouvelles implantations d'entreprises en France.

Par ailleurs, il conviendrait d'inscrire ces zones dans une démarche écologique vertueuse en fixant, par exemple, des volumes minimums transportées par voie fluviale ou ferroviaire.

Cette démarche devrait ainsi s'inscrire dans une politique commerciale et maritime complète, dans l'esprit de l'orientation stratégique définie par le Conseil national de la mer et des littoraux.

Aussi, monsieur le ministre délégué, je vous remercie de m'indiquer quelles suites vous pourriez donner à cette proposition.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. Je vous remercie d'aborder cette question essentielle de l'attractivité des ports, qui sont évidemment des éléments clés de notre commerce extérieur et de nottre attractivité, des outils majeurs pour l'exportation des produits français à l'international, mais aussi des lieux où, bien souvent, un grand nombre d'entreprises viennent s'installer. Leur compétitivité apparaît donc absolument déterminante pour accueillir de nouveaux investissements.

Vous étiez présente, madame la députée, lorsque je me suis rendu au Havre, vendredi dernier, pour envisager avec son maire, Édouard Philippe, les moyens de réaliser l'ambition de rendre votre port incontournable dans l'organisation portuaire européenne et d'en faire un grand pôle d'attractivité. J'ai eu l'occasion de visiter le site HAVLOG, qui est un site en blanc qui permettra à terme d'accueillir des entreprises logistiques et d'autres secteurs d'activité. Il s'agit d'un site logistique clés en main au service du développement économique et de l'attractivité.

Face à la concurrence européenne et à celle du Royaume-Uni, qui souhaite se doter d'outils nouveaux comme les ports francs, nous devons veiller à renforcer encore l'attractivité des ports français. Je travaille avec l'ensemble des membres du Gouvernement, qu'il s'agisse d'Agnès Pannier-Runacher, de Jean-Baptiste Djebbari, de Clément Beaune, d'Olivier Dussopt ou, bien évidemment, de Bruno Le Maire, sous l'autorité du Premier ministre, pour offrir aux ports français les meilleurs atouts possibles au travers de la filière logistique et de tous les dispositifs liés à la mer.

À cet égard, les comparaisons européennes montrent que les zones franches ne sont pas aussi étendues que nous pourrions le penser. Des dispositifs spécifiques relatifs à des zones économiques spéciales méritent d'être étudiés. C'est ce que nous faisons – dans ce cadre, votre contribution est très importante –, en veillant, dans un souci de maîtrise des comptes publics, à ne pas susciter d'effets d'aubaine ni des délocalisations entre territoires français.

Je vous confirme donc que le Gouvernement est mobilisé pour appliquer une stratégie globale de compétitivité des ports français qui englobe toutes les questions pertinentes que vous avez évoquées : la fluidité du passage de la marchandise, grâce notamment à la rapidité des formalités douanières, vétérinaires et phytosanitaires ; les facilités de stockage ; l'attractivité de la fiscalité foncière ; les incitations à l'installation d'activités à forte valeur ajoutée et créatrices d'emplois.

Bref, nous travaillons ardemment pour permettre aux ports français, à commencer par Le Havre, de disposer de tous les outils leur permettant de faire face à la concurrence des autres ports européens et à la nouvelle stratégie de création de ports francs développée par les Britanniques.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, de votre réponse. Vous comprenez bien qu'en créant des zones logistiques en blanc, les acteurs locaux font un véritable pari. Le Gouvernement travaille à sa stratégie maritime et il convient de réfléchir à ces zones économiques spéciales, qui sont un enjeu de premier ordre pour les années à venir et pour l'avenir du commerce extérieur de la France.