15ème législature

Question N° 1231
de Mme Mathilde Panot (La France insoumise - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Éducation nationale, jeunesse et sports

Rubrique > enseignement

Titre > Une rentrée scolaire chaotique

Question publiée au JO le : 19/01/2021
Réponse publiée au JO le : 27/01/2021 page : 349

Texte de la question

Mme Mathilde Panot attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur les difficultés rencontrées dans l'éducation nationale lors des diverses rentrées scolaires et a fortiori du fait de la gestion de la crise sanitaire. Depuis la Seconde Guerre mondiale, c'est la première fois en France que les élèves n'ont pas de cours en présentiel durant six mois. La covid-19 a ainsi fortement creusé les inégalités dans le pays et a agi comme un révélateur des manques criants de l'éducation nationale depuis des années. Cette situation exceptionnelle appelait des moyens exceptionnels pour cette année. Or ces moyens manquent cruellement. Dans le Val-de-Marne, la rentrée scolaire de septembre 2020 a été qualifiée de chaotique par de nombreux acteurs éducatifs qui ont demandé dès l'été 2020 un plan d'urgence. Au lieu de ça, de nombreuses classes ont été fermées (une dizaine dans la circonscription de Mme la députée), des centaines d'élèves ont connu des problèmes d'affectations, de l'école primaire à l'université, de nombreuses classes se sont retrouvées sans maître et maîtresse, et l'on comptabilise 400 professeurs non remplacés. Si le ministère a accordé 200 postes contractuels pour remédier au manque de professeurs, la précarité de ces postes contractuels, à contrat court de quatre mois et sans formation, entrave la pérennisation du service public de l'éducation nationale. Mme la députée demande à M. le ministre pourquoi une ouverture des postes à la liste complémentaire au concours n'a pas été faite, alors qu'elle aurait permis d'apporter des solutions concrètes aux problèmes structurels rencontrés dans les établissements scolaires par le manque de dotations budgétaires. Enfin, face à la crise sanitaire, des mesures protectrices doivent être prises pour la sécurité sanitaire des élèves et du personnel éducatif. En ayant proposé l'auto-confinement aux élèves les deux derniers jours d'école de l'année 2020, M. le ministre a apporté des preuves supplémentaires sur l'insuffisance du protocole sanitaire établi. Elle demande ainsi quel renforcement du protocole sera pris, s'agissant du nombre de personnes à accueillir dans les classes (souvent surchargées) et les cantines scolaires. C'est le devoir de l'État et de M. le ministre que d'assurer sa mission d'enseignement obligatoire et d'égalité de traitement sur tout le territoire. Elle souhaite connaître son avis sur le sujet.

Texte de la réponse

DIFFICULTÉS DANS L'ENSEIGNEMENT ET CRISE SANITAIRE


Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour exposer sa question, n°  1231, relative aux difficultés dans l'enseignement et à la crise sanitaire.

Mme Mathilde Panot. Aujourd'hui les professeurs sont en grève, pour leurs conditions de travail et pour refuser le sacrifice de toute une génération de jeunes. En France en 2021, dans la sixième puissance économique mondiale, Louna, en quatrième à Champigny-sur-Marne, n'a pas de professeur de français depuis septembre, n'a qu'une seule heure de cours de mathématiques et d'histoire-géographie par semaine au lieu de trois et n'a plus de professeurs d'espagnol et de physique-chimie depuis la rentrée de janvier. Il lui manque aujourd'hui 147 heures de cours. Elle passe son temps en permanence. Sa classe est surnommée la classe maudite, car elle atteint des records indignes de notre République

Thomas, en sixième, n'a pas de cours de français depuis septembre. Amine, en cinquième, n'a pas de cours de maths depuis le 2 novembre. Madame la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, comment expliquez-vous que, dans le Val-de-Marne, il manque 400 professeurs, non remplacés ? Embaucher des enseignants ? C'est Emmanuel Macron qui en parle le mieux : « C'est le genre de créations d'emplois qui vont aggraver le déficit et qui ne servent pas à redresser le pays. »

En France, en 2021, vous continuez à fermer des classes, alors même que les élèves ont besoin d'un suivi en petits groupes. Vous faites porter une charge de travail monstre sur les enseignants stagiaires et déversez sur eux votre mépris en les sous-payant. Vous remplacez certains professeurs par des postes de contractuels de trois mois, précaires, non formés – et encore, seulement quand vous trouvez des volontaires. Les professeurs, qui ont pourtant un métier magnifique pour l'émancipation intellectuelle de nos enfants, doivent exécuter sans broncher, trouver des masques, ouvrir les fenêtres, nettoyer les tables et corriger des copies d'élèves notées sur la base de cours qu'ils n'ont pas eus, sans disposer de temps d'échange avec leurs collègues pour travailler au réajustement de programmes scolaires et au prétendu renforcement du protocole sanitaire, et s'ils osent dénoncer ces absurdités, politique macroniste oblige, ils sont menacés de sanctions.

En France, en 2021, les jeunes et les enfants sont les plus impactés par la dépression. En un an, les admissions pour tentative de suicide des jeunes de moins de quinze ans ont doublé dans les services psychiatriques. Pourtant, les infirmières, médecins et psychologues scolaires manquent cruellement dans les établissements.

En France, en 2021, le droit à l'éducation gratuite pour toutes et tous n'est plus garanti. Bien sûr, je ne parle pas des quartiers riches, où vos enfants sont peut-être scolarisés, mais des quartiers populaires, comme ceux de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ou de Marseille, ces lieux où il n'a pas été alloué de moyens supplémentaires pour un plan d'urgence et où vous avez refusé d'embaucher davantage de personnel du Réseau d'aides spécialisées pour les élèves en difficulté, le RASED, alors même que les confinements ont aggravé les inégalités scolaires. Tous les jours, des directions d'école, des professeurs et des parents d'élèves écrivent à leur rectorat pour alerter sur le manque de postes et les fermetures de classes. Tous les jours, ils appellent à l'aide. Sans réponse.

En France, en 2021, les élèves en situation de handicap sont abandonnés par la République. Léo et Maria, accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH –, doivent chacun s'occuper de six élèves en situation de handicap, n'ont pas de masques et sont payés 700 euros par mois. Vous supprimez aussi des postes pour les élèves allophones, sapant un travail de longue haleine mené pour construire des liens de confiance avec les familles.

En France, en 2021, Katia, enseignante à Vitry-sur-Seine, me dit que les enseignants sont fatigués des effets d'annonce et que ce gouvernement est complètement déconnecté de ce qui se passe sur le terrain. Pourquoi tant de mépris et d'indifférence envers tous ces signaux de détresse pourtant criants ? Zaccaria, élève de terminale n'en peut plus de faire partie de cette génération cobaye qui subit toutes les réformes éducatives inégalitaires de plein fouet. Il ne savait pas s'il allait suivre les options de son choix, s'il passerait l'oral de français, s'il allait subir les évaluations communes E3C ni s'il allait se faire matraquer en manifestant, et depuis mercredi, il ne sait pas quels vœux inscrire sur Parcoursup ni s'il sera accepté. Vous allez me dire que ce ne sont pas nos chiffres, que vous êtes géniaux et que vous faites le maximum, ou encore que nous ne ferons jamais mieux que vous à votre place. Cessez de vous auto-glorifier ! Quand allez-vous comprendre que la richesse de la France, c'est l'éducation de ses enfants ? Quand allez-vous agir enfin à la hauteur de la situation ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.

Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Tant de questions dans votre question ! Un point commun, toutefois. En effet, je reconnais et je salue le travail et l'engagement de nos professeurs des écoles, que je suis bien placée pour connaître.

Trois objectifs ont guidé la préparation de la rentrée 2020 en termes de ressources humaines : assurer la couverture optimale des besoins en moyens d'enseignement, maintenir un niveau d'exigence élevé dans le recrutement de nos professeurs et renforcer l'accompagnement à la prise de fonction des lauréats des concours de la session 2020.

Afin d'assurer la meilleure couverture des besoins en moyens d'enseignement, l'affectation des stagiaires a été combinée à la mobilisation des listes complémentaires. S'agissant des professeurs des écoles, dans le prolongement des nouvelles mesures d'emploi pour le premier degré public pour la rentrée 2020, le volume des postes offerts au CRPE – concours de recrutement de professeurs des écoles – au titre de 2020, initialement fixé à 10 790 postes, a été réévalué à 11 415 postes. Le remplacement par appel à la liste complémentaire des candidats inscrits sur la liste principale n'a pas vocation à être mis en œuvre au-delà de la période d'un mois après le début de la formation. Ensuite, les besoins nouveaux qui apparaissent sont pris en charge par des professeurs contractuels.

Concernant le Val-de-Marne, la liste complémentaire du CRPE a été activée à hauteur de soixante-douze enseignants et quarante contractuels ont été recrutés.

S'agissant des enseignants du second degré public, la logique disciplinaire constitue une limite forte. Pour les disciplines les plus en tension, il n'a pas été possible de constituer de listes complémentaires par manque de candidats. Pour les autres disciplines, un appel a été effectué lorsque c'était nécessaire. La question du remplacement des professeurs en période de crise sanitaire est notre principale préoccupation.

Vous m'interrogez également, parmi vos nombreuses questions, sur le protocole sanitaire des écoles et établissements scolaires, qui vient d'être renforcé, en particulier pour la restauration et les activités physiques et sportives, désormais prohibées en intérieur. Depuis le mois de novembre, une part de l'enseignement est assurée à distance dans les lycées et, depuis la semaine dernière, dans les collèges qui ne peuvent respecter le protocole sanitaire renforcé. Par ailleurs, un protocole dédié définit précisément les règles d'éviction et d'isolement des cas contacts à risque et des cas confirmés. Ces protocoles ont été élaborés dans le respect des recommandations des autorités sanitaires. D'ailleurs, dans un avis du 14 janvier dernier, la Société française de pédiatrie indique que le virus n'a que très peu circulé depuis la rentrée des classes de septembre.

La mobilisation exceptionnelle des collectivités territoriales et des agents de l'éducation nationale a permis de maintenir l'ouverture des écoles et établissements scolaires, ce dont, madame la députée, nous devrions tous nous féliciter collectivement. Dans le contexte de l'émergence de variants, la surveillance est évidemment renforcée, avec notamment le déploiement de près de 300 000 tests antigéniques par semaine. De nouveaux renforcements pourront être mis en place si cela se révèle nécessaire et si, bien évidemment, les autorités sanitaires le recommandent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. C'est très bien de saluer l'engagement des professeurs, mais il serait bon aussi de les écouter. Ce n'est pas à Neuilly-sur-Seine qu'une jeune femme de 14 ans n'a pas de cours de français, de maths, d'histoire-géo, d'espagnol ni de physique-chimie, mais dans le Val-de-Marne, et je crois que ce n'est pas un hasard.