15ème législature

Question N° 1259
de M. Nicolas Dupont-Aignan (Non inscrit - Essonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > établissements de santé

Titre > Lits d'hospitalisation et de réanimation

Question publiée au JO le : 19/01/2021
Réponse publiée au JO le : 27/01/2021 page : 362

Texte de la question

M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la capacité du système de santé français en matière de lits d'hospitalisation et, en particulier, de lits de réanimation. Alors que M. le ministre de la santé déclarait le 18 novembre 2020, lors d'un séminaire professionnel des hospitaliers, vouloir sortir « totalement du dogme de la réduction des lits lorsqu'il y a des transformations de projets hospitaliers », la triste réalité du terrain est bien différente. Si, d'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), 4 000 lits ont été fermés en 2018 et 3 400 en 2019, s'ajoutant aux 69 000 places d'hospitalisations à temps complet déjà supprimées entre 2003 et 2017, cette tendance n'appartient hélas pas au passé ! En effet, en Essonne, la suppression à terme des trois structures de Longjumeau, Juvisy et Orsay au profit d'un nouvel établissement à Saclay, fera disparaître près de 600 lits. Au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (CHIV), établissement de santé de référence de la circonscription de M. le député, c'est le service d'hospitalisation de psychiatrie qui sera supprimé (soit 24 lits), pour être transféré à l'hôpital Paul Guiraud de Villejuif, éloignant et isolant d'autant les patients très fragiles de leurs familles du fait de la distance. À Limeil-Brévannes, ce sont 150 autres lits qui seront supprimés suite à la reconstruction de l'hôpital gériatrique Émile-Roux dans des bâtiments neufs. Le nouvel hôpital de Saint-Ouen, prévu à l'horizon 2027, remplacera quant à lui les hôpitaux de Bichat et Beaujon et fera perdre 26 % de la capacité actuelle, soit 200 lits. À Nantes, ce sont 100 lits qui ont été supprimés en pleine crise sanitaire. À Reims, 184 lits seront supprimés au CHU d'ici 2027. À Nice, 200 lits devraient être supprimés si l'on s'en tient au contrat de retour à l'équilibre financier adopté par le direction du CHU de Nice en 2017. À Marseille, ce sont 230 lits qui devaient disparaître d'après le plan d'équilibre budgétaire adopté en 2019. Au CHU de Nancy, ce seront 174 lits et 598 postes en moins d'ici 2024. Tous les députés qui, avant le non-cumul des mandats, ont présidé les conseils d'administration de leur hôpital, pourront attester de cette sinistre réalité, alors même que la crise sanitaire actuelle sans précédent démontre le caractère indispensable des structures de proximité. Quant aux lits de réanimation, les déclarations contradictoires du Gouvernement rendent impossible une lecture éclairée de la situation du pays et de sa capacité de soin. Or une nouvelle souche plus agressive de la covid-19 est annoncée ; elle n'épargnera vraisemblablement pas la France et le Premier ministre n'exclut pas un troisième confinement qui tuera définitivement les forces vives de la Nation. Face à ce constat, on est en droit de savoir : quels sont les vrais chiffres des lits de réanimation ? Pourquoi le Président de la République a-t-il annoncé, dans son allocution du 28 octobre 2020, 9 000 patients en réanimation pour la mi-novembre 2020, alors que l'on sait désormais qu'ils n'ont été « que » 4 880 selon Santé publique France ? Où en est-on des déclarations et des engagements de M. le ministre qui, le 22 octobre 2020, assurait que « nous avions dans notre pays historiquement 5 100 places de réanimation (...) nous sommes montés à 5 800 lits dans la durée à la faveur de l'été (...) plus 15 % de places de réanimation. Nous sommes capables de monter à 7 700 lits dans un délai de 15 jours (...) et s'il devenait nécessaire d'augmenter davantage encore la capacité d'accueil en réanimation, sachez qu'au 15 avril dernier il y avait eu 10 700 lits de réanimation armés et mobilisés pour accueillir les malades » ? Qu'en est-il du recrutement et de la formation des 7 000 infirmiers et médecins qui devaient venir prêter main forte à leurs collègues pour gérer les flux tendus de l'hôpital ? Peut-on connaître le nombre exact d'interventions chirurgicales déprogrammées en raison de la pénurie de lits dans les hôpitaux et de la réaffectation de ceux-ci aux malades du covid ? Les Français qui, jusqu'en mars 2020, pensaient bénéficier du meilleur système de santé du monde, se sentent aujourd'hui en insécurité sanitaire et sont en droit de demander des comptes au Gouvernement. Il souhaite connaître les réponses à ces questions.

Texte de la réponse

CAPACITÉ DU SYSTÈME DE SANTÉ FRANÇAIS


Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n°  1259, relative à la capacité du système de santé français.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Entre 2003 et 2017, 69 000 lits d'hospitalisation ont été fermés dans notre pays. Malheureusement, cette tendance a continué sous votre gouvernement, puisqu'en 2018, 4 000 lits ont été fermés, et 3 400 en 2019. Nous affrontons la crise sanitaire la plus grave depuis longtemps ; pendant un temps, de nombreuses hospitalisations ont dû être au moins repoussées. Ainsi, de manière a priori cohérente, le ministre de la santé avait-il déclaré le 18 novembre dernier qu'il voulait sortir « totalement du dogme de la réduction des lits […] lorsqu'il y a des transformations de projets hospitaliers. » Cela relevait du bon sens, mais n'était malheureusement qu'un effet d'annonce. Tous les praticiens hospitaliers et tous les élus constatent que la machine administrative – ou politique, puisque le ministre et votre gouvernement la cautionnent –, continue de regrouper des services hospitaliers et de fermer des lits. C'est la réalité !

Je voudrais en citer quelques exemples. En Essonne, dans mon département, la suppression à terme des trois structures de Longjumeau, Juvisy et Orsay au profit d'un nouvel établissement à Saclay fera disparaître près de 600 lits ; cet automne, vous avez déjà fermé des lits à Juvisy, d'ailleurs consacrés à des patients atteints du covid-19. C'est la réalité ! Vendredi encore, en recevant les syndicats du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, j'ai appris qu'un nouveau projet venait de tomber, qui a provoqué la consternation dans l'hôpital : le service d'hospitalisation en psychiatrie va être supprimé, soit vingt-quatre lits, qui seront prétendument regroupés à Villejuif – mais, à Villejuif, les lits sont pleins et la psychiatrie ne peut plus accueillir les patients. Dans cette période de confinement, où les problèmes se développent, vous fermez, par le biais de l'agence régionale de santé – ARS – d'Île-de-France, vingt-quatre lits à Villeneuve-Saint-Georges.

À Limeil-Brévannes, dans le Val-de-Marne, 150 autres lits seront supprimés à la suite de la reconstruction de l'hôpital gériatrique Émile Roux. Le nouvel hôpital de Saint-Ouen, qui regroupera les hôpitaux Bichat et Beaujon, fera perdre 26 % de la capacité actuelle, soit 200 lits – la machine est en marche. À Nantes, 100 lits ont été supprimés, en pleine crise sanitaire. À Reims, 184 lits du CHU seront supprimés d'ici à 2027. À Nice, 200 lits devraient être supprimés, si l'on s'en tient au contrat de retour à l'équilibre financier adopté par la direction du CHU. À Marseille, 230 lits devraient disparaître, d'après le plan d'équilibre budgétaire adopté en 2019 et qui n'a pas été remis en cause officiellement. Au CHU de Nancy – cela fait polémique –, le projet prévoit 174 lits et 598 postes en moins ; vous l'avez suspendu, mais les praticiens de Nancy ont appris à la dérobée qu'il était toujours dans les cartons.

Alors, plus personne ne comprend votre politique. On ne peut pas simplement dire que c'est la faute des ARS, car les ARS sont commandées par le ministre des solidarités et de la santé. En entendant le Président de la République annoncer, dans son allocution du 28 octobre, prononcée juste avant le second confinement, qu'il prévoyait pour la mi-novembre 9 000 patients en réanimation, on s'attendait à ce que le Gouvernement augmente le nombre de lits de réanimation. Ce n'est pas facile, mais depuis un an, progressivement, vous auriez pu au moins rouvrir certains établissements, notamment l'hôpital du Val-de-Grâce. Je demande qu'il soit rouvert : on peut le faire en trois semaines, mais vous ne le faites pas :…

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. N'importe quoi !

M. Nicolas Dupont-Aignan. …d'un côté, vous dites que vous soignez les gens ; de l'autre, vous continuez de fermer des lits.

Il n'y a pas longtemps, le Premier ministre nous a expliqué officiellement – vous pouvez retrouver ses déclarations – qu'il y avait 5 000 lits de réanimation en France. Soit donc le Président de la République a eu une hallucination, soit on lui a donné de mauvais chiffres. En fait ce n'est que mensonges,…

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Mais bien sûr !

M. Nicolas Dupont-Aignan. …en particulier aux personnels hospitaliers qui travaillent dur, qui vivent un enfer et à qui vous faites des promesses que vous ne tenez pas. Soit les ARS racontent n'importe quoi, soit les fermetures dont un rêve. Or, elles existent ! Venez voir à Juvisy – je vous invite, madame la ministre déléguée : les lits ont été fermés, comme à Nantes. Une autre hypothèse est que vous ne savez pas ce qui se passe dans votre administration.

La colère des personnels soignants, leur découragement, sont liés à ce double discours permanent. D'un côté, vous communiquez pour faire croire que les Français vont être bien soignés. De l'autre, le rouleau compresseur de votre administration continue, avec votre accord, à prévoir la fermeture des lits, poursuit les regroupements et, pire, utilise a fermeture des lits de psychiatrie pour dissimuler leur réduction, puisque toute la France connaît une réduction du nombre de lits dans cette spécialité. Au moment où nos compatriotes affrontent d'énormes difficultés psychologiques liées à votre politique inefficace en matière de lutte contre le covid, il est tout de même terrible de fermer les lits de psychiatrie.

Mme la présidente. Merci, cher collègue, d'avoir laissé trente secondes à madame la ministre pour vous répondre ! La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Il me reste peu de temps pour vous répondre. Pour ma part, et contrairement à vous, je fais l'éloge de notre système de santé, qui a résisté et qui a fait ses preuves. Loin de la comptabilisation dont vous vous faites le chantre en ce moment, je vous signale que le Gouvernement a installé un Conseil national de l'investissement en santé, qui sera opérationnel dans les prochaines semaines, pour revoir tous les dogmes et doctrines que vous évoquez en matière de gestion des hôpitaux, notamment en ce qui concerne les lits.

Vous pouvez donc constater que nous sommes à l'action, loin d'être endormis ou hypnotisés par nos services. Nous avons ouvert 4 000 lits à la demande pour faire face aux pics d'activité. Nous formons aussi massivement des professionnels aux gestes de réanimation. Nous avons ouvert 1 300 places de formation au métier d'infirmier, en très peu de temps. Nous nous adaptons à la crise, voyez-vous.

J'ai très peu de temps pour vous répondre et je ne pense d'ailleurs pas que ma réponse vous intéresse beaucoup, puisque vous nous avez déjà fait le procès et estimez que tout ce que nous répondons est mensonge. Je n'irai donc pas plus loin et me contenterai de vous affirmer que nous travaillons énormément sur les questions liées à l'hôpital. J'imagine que vous êtes au courant de ce que nous avons décidé avec le Ségur de la santé, de ce que nous essayons d'apporter aux personnels soignants qui sont au front dans cette crise sanitaire. Loin des polémiques, je vous le dis : nous sommes à l'action pour renforcer le système de santé français.