15ème législature

Question N° 1264
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Absence de réponse aux questions sur le projet Hercule

Question publiée au JO le : 09/02/2021
Réponse publiée au JO le : 17/02/2021 page : 1643

Texte de la question

M. Adrien Quatennens interroge Mme la ministre de la transition écologique sur le manque de réponses du Gouvernement aux interrogations persistantes sur le projet Hercule. Depuis plusieurs mois, les parlementaires de l'opposition, tous groupes confondus, interrogent le Gouvernement sur les négociations en cours entre ce dernier et la Commission européenne sur l'avenir de l'une des plus stratégiques des entreprises françaises : EDF. Ils demeurent sans réponse et ne peuvent accepter l'opacité qui règne sur ces négociations. C'était l'intérêt de la France, de ses entreprises, comme de l'ensemble des consommateurs d'énergie, de nationaliser l'électricité après-guerre. Avec EDF, la France disposait alors d'un outil stratégique essentiel, maîtrisant toute la chaîne de l'électricité d'un bout à l'autre, assurant l'indépendance, la fourniture en énergie bas carbone et accompagnant le développement économique du pays. Ce n'était pas l'intérêt de la France de privatiser un tel outil et de répondre aux injonctions purement idéologiques de la Commission européenne en organisant un marché artificiel pour ouvrir le secteur à la concurrence. Cela fut vendu aux Français en leur promettant qu'ils en bénéficieraient naturellement par une baisse des prix. Mais, depuis l'ouverture à la concurrence, les prix du gaz ont augmenté de 80 % et ceux de l'électricité de 40 %. Pour permettre l'ouverture à la concurrence, EDF a été déstructurée, filialisée, et on a transformé un fleuron intégré qui fonctionnait parfaitement en mille-feuilles bureaucratiques. La concurrence est désormais installée mais l'énergie vendue par les fournisseurs alternatifs est essentiellement produite par EDF, contrainte de mettre à la disposition de ses concurrents 25 % de sa production pour qu'ils puissent l'utiliser pour lui faire perdre des parts de marché ! Ce dispositif ARENH, comme tout ce qui l'accompagne, est une aberration. Ce mécanisme arrivant bientôt à échéance, la Commission européenne presse désormais la France de finir le démantèlement d'EDF et de donner accès à 100 % de la production du groupe à ses concurrents en échange d'une hausse des prix de l'électricité pour répondre à l'accroissement des coûts de production. C'est pour satisfaire ces nouvelles exigences de la Commission européenne qu'existe le projet Hercule, qui prévoit de saucissonner de nouveau EDF en plusieurs entités, laissant dans le giron public les activités les plus coûteuses et les moins profitables, d'une part, ouvrant au capital les activités les plus susceptibles de rapporter, d'autre part. Ce projet était déjà celui d'Emmanuel Macron lorsqu'il était ministre de l'économie. C'est contre ce projet que sont mobilisés les agents EDF, leurs syndicats et l'ensemble des groupes parlementaires de l'opposition. Ça suffit ! Il y en a assez de défaire la France pour faire l'Union européenne. Les Français n'ont pas voté pour être aux ordres de la commission et de ses obsessions idéologiques ! L'intérêt de la France, à présent, c'est de tenir tête à la Commission européenne, d'abandonner le projet Hercule et de profiter de l'occasion pour constituer un pôle public de l'énergie en France dont celle-ci a besoin pour engager la bifurcation écologique qui ne peut plus attendre. Il l'interroge donc : où en sont les négociations ? Quel est le calendrier ? Quand la représentation nationale en débattra-t-elle ? Le Gouvernement choisira-t-il la France ou la Commission européenne ? Il souhaîte connaître les réponses à ces questions.

Texte de la réponse

PROJET HERCULE


Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  1264, relative au projet Hercule.

M. Adrien Quatennens. En 1946, il fut décidé de nationaliser l'énergie en France. Nous disposions alors d'un opérateur qui maîtrisait toute la chaîne de l'énergie, d'un bout à l'autre, et, disons-le franchement, cela fonctionnait bien.

C'est alors que la Commission européenne a décidé de mettre les doigts dans ce système, par pure vision idéologique : ouvrir à la concurrence, quel que soit le secteur concerné, en vendant au consommateur l'idée que les prix de l'énergie allaient ainsi diminuer.

À un moment où plus personne ne peut y croire, on nous explique que l'ouverture à la concurrence va favoriser l'innovation. Ce n'est pas vrai, et vous le savez. L'ARENH – accès régulé à l'électricité nucléaire historique – est une véritable usine à gaz qui oblige, en vertu des décisions de la Commission européenne, l'opérateur historique EDF à réserver une partie de sa propre production à ses concurrents pour que ceux-ci viennent artificiellement lui faire concurrence.

Du point de vue du citoyen, quel est l'intérêt de poursuivre cette politique de libéralisation du secteur de l'énergie ? Pourquoi choisir les financements privés – qui exigent de forts taux de rendement – alors que le financement public coûte beaucoup moins cher ? Pourquoi poursuivre ce projet Hercule qui va affecter le prix du mégawattheure ? S'il fallait le résumer à grands traits, je dirais que ce projet illustre le vieil adage sur la privatisation des profits et la nationalisation des pertes – ou au moins des investissements les plus onéreux.

Après vingt ans de libéralisation, d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie, nous avons un recul suffisant pour en mesurer les effets : du point de vue du citoyen, il n'y a aucun intérêt à poursuivre ce mouvement. C'est pourquoi, monsieur le ministre délégué chargé des transports, je vous le demande solennellement : entre, d'une part, les intérêts de la France et des Français et, de l'autre, la vision idéologique bornée et insensée de la Commission européenne, qu'allez-vous choisir ?

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Ne pouvant être présente, Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, m'a chargé de vous transmettre sa réponse.

Monsieur le député, nous partageons votre attachement à cette belle entreprise qu'est EDF. Le seul objectif du Gouvernement est de lui permettre de demeurer un champion énergétique français, européen et mondial, et un acteur majeur de la transition énergétique.

Le Gouvernement défend un projet de réorganisation du groupe EDF, en liaison étroite avec sa direction dont elle a repris les propositions. Ce projet doit donner à EDF les moyens de financer ses investissements dans les énergies renouvelables, le nucléaire et tous les métiers de la transition énergétique. Il vise à solder le contentieux concernant les concessions hydroélectriques, tout en évitant une remise en concurrence pour les garder dans la sphère publique.

Il vise enfin à faire évoluer le cadre – désormais inadapté – de régulation du nucléaire. Depuis près de deux ans, des échanges ont lieu avec la Commission européenne, qui reste attachée à ce que le futur cadre de régulation s'intègre pleinement dans le droit européen et se fasse dans des conditions équitables pour EDF et ses concurrents.

La mise en place d'un nouveau cadre de régulation doit s'accompagner d'une évolution de l'organisation d'EDF. Cependant, le Gouvernement fait valoir des objectifs clairs sur lesquels il ne transigera pas : le maintien d'un groupe intégré ; la préservation de l'intérêt des salariés et des consommateurs.

Au cours des dernières semaines, les discussions ont été particulièrement intenses et difficiles en raison de l'importance des enjeux. Nous défendons fermement les positions françaises. Devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée, Mme la ministre a présenté les lignes de ce projet et les objectifs du Gouvernement. À cette occasion, elle a rappelé que cette négociation ne préempterait pas un débat parlementaire sur l'avenir d'EDF, préalable à l'engagement de toute réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. En raison des effets du changement climatique, il est possible nous ayons à connaître des phénomènes extrêmes comme la tempête de 1999, événement qui avait conduit les agents du service public à se mobiliser d'une manière telle que les Français s'en souviennent encore. Compte tenu des exigences de rendement du secteur privé, il est peu probable que nous aurions le même niveau de mobilisation si les réseaux venaient à être privatisés.

Or les rapports scientifiques indiquent que nous allons devoir nous organiser pour faire face au changement climatique et en amortir le choc. Dans ce contexte, il n'y a aucun intérêt à faire autre chose que de rapatrier l'ensemble du secteur énergétique dans un grand pôle public de l'énergie, afin d'en maîtriser les coûts et les investissements.

Comme vous n'avez pas répondu sur un point précis, je repose la question : quel est l'intérêt de faire appel au secteur privé – qui réclame des taux de rendement d'environ 10 % –, alors que l'investissement public coûte si peu cher ? Vous ne pouvez pas ignorer que ce choix se traduira par une hausse de la facture de l'énergie.

Je le répète, monsieur le ministre délégué, nous estimons que le projet Hercule et la poursuite de la libéralisation du secteur ne présentent aucun d'intérêt pour le citoyen. Nous appelons donc de nos vœux l'abandon de ce projet. Nous vous demandons de défendre les intérêts de la France et des Français et non pas la vision idéologique absurde de la Commission européenne dans cette affaire.