15ème législature

Question N° 1267
de Mme Karine Lebon (Gauche démocrate et républicaine - Réunion )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Titre > Redéploiement des forces de police et de gendarmerie

Question publiée au JO le : 09/02/2021
Réponse publiée au JO le : 17/02/2021 page : 1653

Texte de la question

Mme Karine Lebon alerte M. le ministre de l'intérieur sur le nouveau redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie nationales qui doit avoir lieu en 2021. Dans le livre blanc de la sécurité intérieure, paru en novembre 2020, les seuils de zone police et zone gendarmerie ont été modifiés. Les nouveaux seuils seraient les suivants : en dessous de 30 000 habitants, le principe serait de confier le territoire à la gendarmerie. Entre 30 et 40 000 habitants, la ville serait attribuée à la force la mieux adaptée aux caractéristiques de ce territoire et au-dessus de 40 000 habitants, le principe serait la compétence de la police nationale. Plusieurs communes de La Réunion devraient donc être concernées par les changements de zones de compétences : Saint-Paul (environ 107 000 habitants), Le Tampon, (80 000 habitants), Saint-Louis (50 000 habitants). Ce changement est une revendication récurrente des acteurs concernés qui ne comprennent pas les raisons pour lesquelles ces communes sont toujours en zone gendarmerie et demandent depuis plusieurs années que la loi soit appliquée à ces territoires. Sur les 24 communes que compte l'île, seules 4 relèvent de la compétence de la police nationale : Saint-Denis, Saint-André, Le Port et Saint-Pierre. Outre cette raison démographique, il convient de prendre en compte, d'une part, le constat que la société réunionnaise enregistre, elle aussi, le développement d'une nouvelle forme de délinquance qui impacte la sécurité de la population et, d'autre part, le diagnostic des professionnels de sécurité selon lesquels la lutte contre cette transformation de la délinquance passe par la fin de l'inadéquation du partage des zones de compétence des deux forces de sécurité intérieure que sont la police nationale et la gendarmerie nationale. C'est une question d'importance, particulièrement en outre-mer où les policiers sont plus souvent amenés à faire carrière dans l'île, ce qui permet une connaissance fine du territoire. Le coût budgétaire n'est pas le même non plus car les gendarmes, ainsi que leur famille, sont logés dans les casernes. Ce redéploiement augmentera aussi les chances de mutation des nombreux policiers réunionnais souhaitant travailler et vivre dans leur région d'origine. Loin de s'opposer aux gendarmes exerçant sur le territoire réunionnais, le basculement des trois communes précitées en zone police ne créerait aucun préjudice vis-à-vis des militaires mais, au contraire, permettrait un rééquilibrage des deux forces. Alors que la perspective de la nouvelle réorganisation s'approche, la question est de savoir si ces arguments en faveur de ce redéploiement attendu depuis si longtemps à La Réunion seront enfin pris en compte. Elle lui demande sa position sur ce sujet.

Texte de la réponse

REDÉPLOIEMENT TERRITORIAL DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE


Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, n°  1267, relative au redéploiement territorial de la police et de la gendarmerie.

Mme Karine Lebon. Dans la perspective du nouveau redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie nationale, qui doit avoir lieu en 2021, le livre blanc de la sécurité intérieure de novembre dernier a prévu de nouveaux seuils : en dessous de 30 000 habitants, le territoire serait confié à la gendarmerie ; entre 30 000 et 40 000 habitants, la ville serait attribuée à la force la mieux adaptée aux caractéristiques du territoire ; au-dessus de 40 000 habitants, la compétence relèverait de la police nationale.

Trois communes de La Réunion sont concernées par les changements de zone de compétence, notamment la commune de Saint-Paul, dans ma circonscription, qui compte environ 107 000 habitants, située en zone gendarmerie, ainsi que les villes du Tampon, 80 000 habitants, et de Saint-Louis, 50 000 habitants. Les nouveaux seuils sont une revendication récurrente des acteurs concernés, qui ne comprennent pas les raisons pour lesquelles ces communes sont toujours en zone gendarmerie.

Sur les vingt-quatre communes que compte l'île, seules quatre relèvent actuellement de la compétence de la police nationale. Outre l'argument démographique, il faut savoir que la société réunionnaise voit se développer de nouvelles formes de délinquance, ce qui n'est pas sans conséquences sur la sécurité de la population. Selon les professionnels de la sécurité, la lutte contre ce phénomène passe nécessairement par une meilleure adéquation du partage des zones de compétence entre les deux forces de sécurité intérieure. Cela est particulièrement vrai en outre-mer et à La Réunion, où les policiers sont plus souvent amenés à faire carrière dans l'île, ce qui permet une connaissance fine du territoire.

Ce redéploiement permettra, en outre, et cela n'est pas négligeable, d'augmenter les chances de mutation de nombreux policiers réunionnais souhaitant travailler et vivre dans la région dont ils sont originaires. Je veux lever tout contresens : loin de s'opposer aux gendarmes exerçant sur le territoire réunionnais, dont le travail est remarquable, le basculement de ces trois communes en zone de police ne créerait aucun préjudice vis-à-vis des militaires, mais permettrait au contraire un rééquilibrage bénéfique pour les deux forces.

Madame la secrétaire d’État, à l'approche de la nouvelle réorganisation, ma question est de savoir si les arguments qui plaident en faveur de ce redéploiement, attendu depuis si longtemps à La Réunion, seront enfin pris en compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. Vous souhaitez connaître les perspectives d'évolution du dispositif territorial des deux forces de sécurité dans votre département de La Réunion. Si je synthétise, vous avez évoqué la mise en cohérence des dispositifs au travers du prisme de la population, ainsi que dans la perspective d'accroître les possibilités de gestion des fonctionnaires de la police nationale. Les trois communes concernées que vous avez mentionnées – Saint-Paul, Le Tampon et Saint-Louis – comptent une population de plus de 50 000 habitants, soit davantage que le seuil de population éligible à un redéploiement entre la gendarmerie nationale et la police nationale.

Au-delà de ces chiffres, il convient de préciser que le dispositif actuel offre une réponse sécuritaire adaptée et maîtrisée. La gendarmerie est pleinement mobilisée et obtient de très bons résultats. Comme vous l'avez souligné, pour la commune de Saint-Paul, l'implantation de cinq brigades permet de réduire les délais d'intervention et de maîtrise de la délinquance sur l'ensemble de la zone. La compagnie de Saint-Paul enregistre en effet une baisse constante de la délinquance depuis les cinq dernières années, passant de 7 693 faits en 2016 à 5 353 en 2020, soit une baisse de moins de 30 %. Les atteintes aux biens sont également en baisse de 51 % sur cette même période.

La commune du Tampon comporte également trois brigades, équitablement réparties. Enfin, une brigade, la compagnie de Saint-Pierre, est implantée dans la commune de Saint-Louis : Saint-Pierre et Saint-Louis en dépendent et connaissent aussi une évolution favorable de leur délinquance, avec une baisse constante, de 6 906 faits en 2017 à 5 914 faits en 2020, soit une baisse de 34 % pour les atteintes à la personne.

Pour cette période, le redéploiement des forces dans le département de La Réunion doit faire l'objet d'une réflexion globale, allant au-delà des chiffres et du simple constat de la situation, que je n'ai fait que rappeler. Aucune décision ne sera prise dans la précipitation ou sans concertation avec les élus locaux : c'est le message qu'il m'a été demandé de communiquer.

Si des zones sont identifiées par les élus, les préfets conduiront un travail d'analyse, selon une méthode extrêmement précise, transmise par le ministère de l'intérieur. Celle-ci consiste d'abord à poser, en lien avec les élus, un diagnostic partagé – le ministère de l'intérieur a souhaité que j'insiste sur le mot « partagé » – et consolidé, ainsi qu'à objectiver les améliorations espérées. Elle sera ensuite complétée par un nécessaire travail d'évaluation et d'adaptation, ainsi que par l'évaluation des coûts induits par la direction générale de la police et la direction générale de la gendarmerie nationale.

C'est à la lumière de ces travaux que le ministère de l'intérieur prendra les décisions nécessaires à d'éventuelles évolutions, dans le souci toujours constant, et que vous appelez de vos vœux, d'apporter aux populations et aux élus des communes concernées le meilleur niveau de sécurité. Les discussions peuvent donc s'engager.