15ème législature

Question N° 1273
de M. Jean-Claude Leclabart (La République en Marche - Somme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Distorsion de concurrence dans le mode de production de la pomme de terre.

Question publiée au JO le : 09/02/2021
Réponse publiée au JO le : 17/02/2021 page : 1639

Texte de la question

M. Jean-Claude Leclabart attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la distorsion de concurrence dans le mode de production de la pomme de terre. Le NEPG (groupe des producteurs de pommes de terre du nord-ouest européen ) estime que la récolte de pommes de terre sera de 27,9 millions de tonnes cette saison, sous réserve que toutes les pommes de terre encore au champ soient effectivement récoltées. La récolte 2020 est en hausse de 4,5 %, soit un million de tonnes de plus qu'en 2019 dans les cinq principaux pays producteurs de pommes de terre. Le NEPG considère que les producteurs du nord-ouest de l'Europe devraient planter au moins 15 % de pommes de terre en moins au printemps 2021. En raison de la covid-19, la demande mondiale de produits transformés à base de pommes de terre a diminué et la demande réelle de matière première des usines est d'environ 85 % par rapport à la saison précédente avant la pandémie. Le faible niveau actuel des prix aux producteurs pour la transformation des pommes de terre sur le marché libre confirme cet état de fait. En France, dans un contexte incertain lié aux conséquences de la crise sanitaire, la campagne actuelle est inhabituelle, rappelle l'Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) : l'activité industrielle aura besoin de quelques mois avant de retrouver son niveau d'avant crise, entraînant une diminution des surfaces en contrat pour 2021-2022, la filière fécule manque toujours de surfaces pour 2021 et l'évolution de la consommation des ménages reste difficile à prévoir. Face à cette situation, il semble important, pour aider les producteurs dans leurs démarches volontaires de réduction de surface voire de transfert de consommation vers la fécule pour le printemps 2021, de réglementer urgemment et de manière drastique un état de fait qui a commencé il y a quelques années et qui se traduit sur le territoire français, d'abord par des locations de terre soit directement par les industriels belges soit indirectement via des producteurs belges qui leur permet d'obtenir des surfaces dites vierges de production de pommes de terre tout en s'affranchissant pour certains de la contrainte spécifique française de la réglementation de l'usage des pesticides. Un sujet encore plus inquiétant est le principe factuel de sous-location des terres opérées sur le territoire français par les producteurs belges (industriels et producteurs), qui se traduit par un phénomène de refacturation des opérations auprès des agriculteurs français échappant ainsi à la réglementation des statuts du fermage inscrit dans le code rural français qui pourrait être qualifié de violation dudit statut. Il est très important de regarder ce dossier de très près car il génère de manière évidente une distorsion de concurrence dans le mode de production et crée une stigmatisation entre les propriétaires et les agriculteurs sous-louant les terres en locations. Ainsi, il sera plus facile pour L'UNPT et ses producteurs de donner un fondement à la baisse de surfaces qui est suggérée pour aller vers un rééquilibrage de l'offre par rapport à une demande en déclin dans les circonstances actuelles de la crise sanitaire actuelle. Il lui demande son avis sur ce sujet.

Texte de la réponse

CONCURRENCE DANS LA PRODUCTION DE POMMES DE TERRE


Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour exposer sa question, n°  1273, relative à la concurrence dans la production de pommes de terre.

M. Jean-Claude Leclabart. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en raison de la crise sanitaire, le secteur de la pomme de terre de consommation se trouve dans une situation très difficile. L'activité de production et de transformation aura besoin de quelques mois avant de retrouver son niveau d'avant-crise, ce qui entraîne une diminution des surfaces en contrat et hors contrat pour les années 2021 et 2022.

Sont notamment concernées la production destinée à la transformation industrielle – frites et autres produits issus de la pomme de terre – dont les sites sont principalement situés en Belgique – en transitant chez nos voisins belges, les industriels ayant quitté notre pays captent une partie de la valeur ajoutée de nos producteurs –, ainsi que la production de pommes de terre en l'état destinée au marché du frais, notamment en filet, en barquettes, en flowpack – sachets conditionnés sous film plastique – ou autres.

Actuellement, deux types de production sont en proie à des distorsions de concurrence qu'il est urgent de réglementer. D'abord, la location ou la sous-location de terres opérées sur le territoire français par les industriels ou par les producteurs belges leur permet de planter des surfaces dites vierges de production de pommes de terre tout en s'affranchissant pour certains de la réglementation sur l'usage des pesticides et le statut du fermage.

Ensuite, les entreprises locales françaises spécialisées dans la valorisation, le conditionnement et la distribution sur le marché du frais se retrouvent confrontées à la non-publication du décret d'application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Cela pourrait provoquer des retards en cascade dans l'application de cette transition, en particulier s'agissant du lancement des projets de recherche et de développement en vue de fabriquer de nouveaux emballages sans plastique, de la modification des lignes de production et de la formation des salariés à manipuler des emballages alternatifs plus fragiles. Surtout, cela risque d'entraîner un manque de financement par l'État dans le cadre du plan de relance – c'est notamment le cas pour Touquet Savour, entreprise de ma circonscription.

La valeur ajoutée d'une production ne reste sur un territoire que si l'entreprise de transformation y est elle-même installée, ce qui permet de conserver et de valoriser des emplois et un savoir-faire dans notre tissu rural. Monsieur le ministre, quel est votre regard sur ces sujets ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Je tiens avant tout à saluer votre action en faveur de cette belle filière française de la pomme de terre, qui doit relever de nombreux défis ces derniers mois – vous l'avez dit. Nous avons créé plusieurs dispositifs pour lui venir en aide, notamment une aide spécifique de 4 millions d'euros qui est d'ores et déjà opérationnelle.

Cependant, au-delà de ces aides d'urgence, il reste à régler deux problèmes essentiels que vous avez évoqués.

D'une part, on voit en effet dans le Nord, le plus souvent à la frontière franco-belge, des agriculteurs ou des industriels belges utiliser nos propres terres pour produire – à leur manière – des pommes de terre avant de se rendre en Belgique pour les transformer. Le système de sous-location auquel vous avez fait allusion est déjà encadré, mais de telles pratiques posent un problème en matière de contrôle des pratiques culturales. En effet, il s'avère que la plupart des contrôles ne se font qu'une fois le produit transformé ; en l'espèce, le produit étant ramené en Belgique pour y être transformé, il est très difficile de le contrôler.

Je me suis rendu la semaine dernière dans le département du Nord pour y rencontrer le préfet de région. Je lui ai fait part de mon inquiétude et je lui ai dit que je souhaitais voir les contrôles se multiplier afin de trouver une solution territoriale à ce phénomène qui n'est pas acceptable, par principe mais surtout pour nos agriculteurs qui, du fait de cet accaparement de terres, voient une partie de la création de valeur leur échapper.

D'autre part, le second défi qui se présente à la filière de la pomme de terre est celui des modalités de stockage, qui doivent faire l'objet d'un meilleur accompagnement. Cette question peut paraître très technique mais elle est essentielle pour les territoires concernés. Du fait notamment de l'évolution des produits utilisés, nous devons moderniser les lieux de stockage des pommes de terre, ce qui nécessite des investissements et donc des financements très importants. Nous avons déjà commencé à travailler pour créer des dispositifs adaptés, mais il faut que leur mise en application s'accélère – elle n'est pas assez rapide, je le dis clairement –, afin que la filière de la pomme de terre soit mieux soutenue dans les départements concernés.