Lutte contre les violences sexuelles
Question de :
Mme Valérie Rabault
Tarn-et-Garonne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Valérie Rabault interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre les violences sexuelles.
Réponse en séance, et publiée le 17 février 2021
LUTTE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour exposer sa question, n° 1294, relative à la lutte contre les violences sexuelles.
Mme Valérie Rabault. Je regrette moi aussi l'absence du garde des sceaux. Ma question est très précise puisqu'elle porte sur les statistiques en matière de plaintes pour viols et agressions sexuelles sur mineurs dans le cadre de la cellule familiale, sachant qu'à ce jour aucune statistique n'a été rendue publique par le ministère de la justice.
Première question : quel est le nombre annuel – en 2019 ou en 2020, peu importe – de plaintes enregistrées dans les services de gendarmerie ou de police pour ces crimes et délits ? Quel est-il en particulier pour mon département du Tarn-et-Garonne – j'aimerais aussi que l'on puisse me communiquer le nombre par département ?
Deuxième question : quelle suite a été donnée aux plaintes enregistrées ? Quel est au niveau national le nombre d'ouvertures d'informations, le nombre de renvois devant le tribunal avec instruction, celui de renvois devant le tribunal sans instruction, celui de classements sans suite et, en cas de poursuites, le nombre de condamnations ? Je souhaite également disposer de toutes ces données par département, en particulier pour le Tarn-et-Garonne.
Troisième question : lorsque ces plaintes aboutissent à des classements sans suite ou à des non-lieux, quelle en est la raison d'un point de vue statistique ?
Quatrième question : quel est le délai moyen de traitement de ces dossiers au niveau national, dans le département du Tarn-et-Garonne ainsi que dans chacun des autres départements ?
Enfin, pourriez-vous m'indiquer le nombre de poursuites engagées contre des proches de mineurs pour non-dénonciation de crimes ou de délits sexuels sur mineur ?
À la lecture de toutes ces données statistiques dont j'espère avoir communication, j'aimerais connaître les conclusions qu'en tire le garde des sceaux : à son avis, la justice est-elle aujourd'hui en phase avec la réalité sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville. Vous avez en effet noté l'absence du garde des sceaux, qui m'a chargée de vous transmettre plusieurs éléments de réponse. Mais, avant de vous les communiquer, je tiens à vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs et qu'il en fait une priorité.
La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a allongé le délai de prescription des crimes sexuels commis sur mineurs, aggravé la répression des atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans et élargi la définition de la contrainte morale. Aujourd'hui, il convient d'aller plus loin et c'est le sens des propositions annoncées le 9 février 2021 par le garde des sceaux.
Voici des informations statistiques : en 2018, 199 condamnations pour viol incestueux ont été recensées au casier judiciaire national contre 129 en 2016 ; la part des auteurs mineurs s'y révèle en augmentation, soit quarante-quatre au lieu de seulement treize en 2016. En ce qui concerne les majeurs condamnés, une peine privative de liberté ferme a été prononcée dans plus de 97 % des cas, avec un quantum moyen de près de douze ans. Les suites judiciaires données aux affaires dénoncées s'avèrent toutefois complexes à analyser en raison des évolutions normatives en matière d'inceste. Ainsi, l'augmentation du nombre de condamnations pour ce type de viol est avant tout liée à la réapparition de la nature incestueuse des faits dans le code pénal en 2016, ce qui a permis de les distinguer des autres crimes sexuels. Si cette qualification vaut théoriquement pour les faits commis antérieurement, les affaires jugées jusqu'en 2016 n'en permettent pas l'application, ces crimes étant alors qualifiés de viols par ascendant ou de viols sur mineur sans qu'il soit possible d'identifier forcément des actes incestueux.
Il convient donc de relativiser l'analyse statistique puisque celle-ci illustre davantage une amélioration du recensement de ce contentieux grâce à une appropriation progressive des qualifications incestueuses qu'une réelle évolution de ce phénomène criminel qu'il est trop tôt pour observer. Cette évolution est également à mettre en relation avec les débats sur l'allongement de la prescription et avec la politique conduite à la suite de la libération de la parole des victimes. Ces affaires restent nécessairement longues à traiter au regard de leur nature criminelle mais aussi en raison, dans certains cas, du délai écoulé entre la commission des faits et leur révélation, délais imposant des investigations plus délicates, notamment pour retrouver des témoins. Les décisions de classement sans suite ou de non-lieux sont donc fondées principalement sur des motifs juridiques – prescription des faits ou impossibilité d'établir des charges suffisantes.
Enfin, le ministère de la justice ne dispose pas du nombre de plaintes déposées chaque année, ce chiffre relevant du ministère de l'intérieur. De plus, l'infraction de non-dénonciation de crime ne spécifiant pas si les gestes gardées sous silence sont sexuels ou non, il n'est donc pas possible de recenser le nombre de cas auxquels vous faites référence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour vingt secondes.
Mme Valérie Rabault. J'entends bien, madame la présidente, mais la ministre déléguée a eu deux minutes pour me répondre.
Madame la ministre déléguée, je suis affligée. La réponse que vous m'avez transmise signifie que le ministère de la justice n'est pas piloté puisqu'il n'a pas de statistiques. Que les grands principes inspirent et dictent la loi, je l'entends, mais il s'agit ici d'une question de gestion. Le dénombrement du nombre de plaintes dépend certes du ministère de l'intérieur, mais vous êtes censée me répondre au nom du Gouvernement. Franchement, ça fait peur.
Auteur : Mme Valérie Rabault
Type de question : Question orale
Rubrique : Crimes, délits et contraventions
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2021