Question orale n° 129 :
Fiabilité du lanceur Ariane

15e Législature

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise

M. Bastien Lachaud attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur la fiabilité du lanceur Ariane 5. En effet, la mise en orbite de deux satellites de télécommunications par le lanceur Ariane 5 a été mise en péril en raison d'une déviation importante de la trajectoire du lanceur le 25 janvier 2018. Depuis, on a appris de la direction d'Arianegroup que les satellites parviendraient à retrouver leur orbite nominale dans quelques semaines. La durée de vie des satellites est néanmoins réduite. Toutefois, ce demi-échec doit amener l'État actionnaire à se pencher sérieusement sur les éléments qui ont pu mettre un terme à l'impressionnante série des succès d'Ariane 5. Si l'on s'en tient à l'incident de janvier 2018, il faut noter qu'au-delà de l'enjeu industriel, la sécurité des habitants est en jeu, car, et c'est une première, le lanceur a survolé Kourou ! D'autre part, c'est la crédibilité du lanceur qui est en jeu et par conséquent la conservation à moyen terme d'une capacité stratégique décisive pour la France. Suite à cet incident, les premières investigations internes évoquent la probabilité d'une « erreur humaine ». Cette expression est malheureuse et dissimule le problème plutôt qu'elle ne l'identifie. Il n'y a pas « d'erreur humaine » qui vaille indépendamment des conditions de travail qui les laissent surgir et des procédures qui devraient les empêcher. Or précisément, en janvier 2018, il n'y a eu qu'une vérification du programme de tir au lieu de deux habituellement. Il semble que c'est de là que la défaillance résulte. Il n'appartient pas à un parlementaire de faire l'audit des grandes entreprises industrielles auxquelles participe l'État, toutefois, il est de notoriété publique que la réorganisation d'Arianegroup n'est pas indolore. En 2017, Arianespace a perdu plusieurs dizaines de ses salariés, presque 10 % de sa masse salariale. Cette restructuration s'est faite notamment en raison de doublons identifiés entre Arianegroup et Arianespace... Alors que la contribution financière de l'État dans le secteur demeure importante et légitime, il lui demande quelles dispositions elle a prises et ce qu'elle compte faire pour assurer qu'un tel incident ne se reproduise pas, et plus largement pour garantir la pérennité d'un savoir-faire de pointe dont la valeur est hautement stratégique.

Réponse en séance, et publiée le 21 février 2018

LANCEUR ARIANE 5
M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  129, relative à la fiabilité du lanceur Ariane.

M. Bastien Lachaud. Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, le 25 janvier dernier, la mise en orbite de deux satellites de télécommunications par le lanceur Ariane 5 a été mise en péril en raison d'une déviation importante de la trajectoire du lanceur. Depuis, on a appris de la direction d'ArianeGroup que les satellites parviendraient à retrouver leur orbite nominale dans quelques semaines. La durée de vie des satellites est néanmoins réduite.

Ce demi-échec doit amener l'État actionnaire à se pencher sérieusement sur les éléments qui ont pu mettre un terme à l'impressionnante série des succès d'Ariane 5. Si l'on s'en tient à l'incident de janvier, il faut noter que, au-delà de l'enjeu industriel, la sécurité est des habitants est en jeu, car le lanceur a survolé Kourou, ce qui est une première. D'autre part, la crédibilité du lanceur est en jeu, et par conséquent la conservation à moyen terme d'une capacité stratégique décisive pour la France.

Les premières investigations internes consécutives à cet incident évoquent la probabilité d'une « erreur humaine ». Cette expression est malheureuse et dissimule le problème plutôt qu'elle ne l'identifie. Il n'y a pas d'erreur humaine qui vaille indépendamment des conditions de travail qui les laissent surgir et des procédures qui devraient les empêcher.

Précisément, en janvier, il n'y a eu qu'une vérification du programme de tir, au lieu de deux habituellement. Il semble que la défaillance en résulte. Quelles conséquences faut-il en tirer sur les prochains lancements ?

Il n'appartient pas à un parlementaire de faire l'audit des grandes entreprises industrielles auxquelles participe l'État. Toutefois, il est de notoriété publique que la réorganisation d'ArianeGroup n'est pas indolore. En 2017, Arianespace a perdu plusieurs dizaines de ses salariés, presque 10 % de sa masse salariale. Cette restructuration s'est faite notamment en raison de doublons identifiés entre ArianeGroup et Arianespace.

Alors que la contribution financière de l'État dans le secteur demeure importante et légitime, madame la ministre, quelles dispositions avez-vous prises et comptez-vous prendre pour vous assurer qu'un tel incident ne se reproduise pas, et plus largement pour garantir la pérennité d'un savoir-faire de pointe dont la valeur est hautement stratégique ?

Mme Muriel Ressiguier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que le savoir-faire de pointe à valeur hautement stratégique est une des fiertés françaises et européennes dans le domaine des satellites.

Le 25 janvier dernier, le lancement VA241 a été effectué depuis le Centre spatial guyanais afin de mettre en orbite deux satellites, SES-14 pour l'opérateur luxembourgeois SES et Al Yah 3 pour l'opérateur émirati Yahsat. Le protocole de lancement et les procédures ont été strictement identiques à ceux des lancements précédents.

Lors du lancement, le lanceur Ariane 5 a suivi dès le début de sa mission une trajectoire incorrecte, déviée de vingt degrés vers le sud par rapport au plan visé, ce qui a conduit à injecter les deux satellites sur une orbite dite « dégradée ». Le contact a néanmoins été rétabli avec les deux satellites quelques minutes après la fin de la mission. Ils rejoignent à présent leur position finale grâce à leurs propres moteurs.

Au lendemain du vol VA241, l'Agence spatiale européenne a mis en place une commission d'enquête indépendante, présidée par l'inspecteur général de l'Agence. Cette commission doit rendre ses conclusions d'ici à la fin du mois de février. En parallèle, ArianeGroup, maître d'œuvre industriel du lanceur et maison-mère d'Arianespace, a également mis en place une commission interne.

Des conclusions approfondies sur cette anomalie seront donc rendues par les commissions d'enquête. Il est d'ores et déjà établi que la cause originelle de la trajectoire incorrecte résulte d'une mauvaise spécification d'un des paramètres de la mission du lanceur, qui n'a pas été détectée au cours des contrôles opérés dans la chaîne de préparation du lancement. ArianeGroup, Arianespace et leurs partenaires suivront strictement les recommandations faites par la commission d'enquête indépendante de l'Agence spatiale européenne, afin d'assurer une reprises des lancements rapide d'Ariane 5 dans toutes les conditions de fiabilité et de sécurité requises.

En ce qui concerne la sécurité des populations en Guyane, il faut souligner qu'Ariane 5 n'a pas survolé Kourou, même si sa trajectoire s'en est approchée plus que lors les lancements précédents, ce qui a évidemment généré une forte émotion. Par ailleurs le lanceur fonctionnait parfaitement et ne s'est donc jamais révélé dangereux pour les populations locales – je répète qu'il s'est agi d'une erreur de paramétrage et non d'une défaillance du lanceur.

Pour éviter que cela ne se reproduise, le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le Centre national d’études spatiales ont engagé un travail conjoint pour examiner les possibilités de renforcer encore les process de contrôle et les mesures de sécurité lors des prochains lancements.

Malgré cette anomalie, la fiabilité d'Ariane 5 reste exceptionnelle, comme vous l'avez rappelé. Les mesures correctives qui seront mises en place renforceront encore sa fiabilité et la sécurité des lancements à venir. Je réaffirme l'attachement de la France à un accès indépendant à l'espace, ainsi que ma confiance dans l'ensemble des acteurs de cette filière.

M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Merci, madame la ministre, pour ces précisions qui ne nous rassurent qu'à moitié. Comment garantir qu'un tel événement ne se reproduira pas, quand le secteur spatial est laissé aux intérêts privés ? Comment ne pas voir sinon dans ce premier échec, du moins dans cette première alerte lors du lancement de cette fusée, qui est la plus fiable au monde, l'effet de la privatisation d'Arianespace, de la vente des actions du Centre national d'études spatiales à Safran et de la diminution des personnels, entraînant nécessairement une baisse de qualité du service ? Nous resterons par conséquent vigilants sur cette question.

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question orale

Rubrique : Espace et politique spatiale

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2018

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