Insécurité juridique liée aux DSP de remontées mécaniques
Question de :
Mme Typhanie Degois
Savoie (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Typhanie Degois alerte M. le ministre de la cohésion des territoires sur l'insécurité juridique liée aux règles sur les biens de retour dans le cadre de délégations de service public (DSP) de remontées mécaniques depuis l'arrêt n° 402251 du Conseil d'État en date du 29 juin 2018. Le caractère de service public des remontées mécaniques en montagne a été consacré par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dont les dispositions ont été reprises dans le code du tourisme. Il résulte des articles L. 342-9 à L. 342-11 du même code que ce service relève de la compétence des communes et de leurs groupements, ou des départements. En l'application de l'article L. 342-13 du code précité, l'exécution de ce service public est assurée soit directement par la personne publique, soit par une entreprise ayant passé à cette fin une convention à durée déterminée avec la personne publique. Depuis quelques années, des conflits portant sur l'expiration des contrats de délégation se sont multipliés. La lourdeur de la procédure de passation et la remise en cause des clauses d'indemnisation de fin de contrat ont été relevées. Dans ce contexte, l'arrêt du Conseil d'État du 29 juin 2018 dispose que les biens de retour sont automatiquement propriété du délégant à l'issue de la convention et l'indemnisation ne peut être supérieure à la valeur nette comptable. Le Conseil d'État ne prend ainsi nullement en considération la situation des exploitants propriétaires avant la loi montagne de 1985. En effet, ceux-ci ont dû renoncer à la propriété de leur exploitation afin de signer les clauses de DSP. Si le Conseil d'État leur permet d'être indemnisés au titre de la législation en vigueur, les conditions qu'il prévoit sont très restrictives, écartant en pratique toute indemnisation pour les anciens propriétaires exploitants. Ce faisant, le Conseil d'État a renforcé les doutes relatifs aux modalités d'indemnisation, créant une insécurité juridique préjudiciable aux exploitants de remontées mécaniques auparavant propriétaires de leur outil de travail. Outre les contentieux qui naîtront de cette insécurité juridique qui interroge sur les engagements pris jusqu'alors, les investisseurs privés risquent de se détourner des domaines skiables, pénalisant ainsi l'attractivité des stations. Ainsi, elle lui demande quelle application il compte faire de l'article L. 342-13 du code du tourisme pour lever cette insécurité juridique.
Réponse publiée le 16 avril 2019
Il résulte des articles L. 342-9 et suivants du code du tourisme, que les communes, leurs groupements et les départements sont compétents pour les services de remontée mécanique, qu'ils peuvent assurer soit directement, en régie simple ou personnalisée, soit indirectement, à l'aide d'une délégation de service public. Dans cette seconde hypothèse, l'autorité concédante et son cocontractant sont soumis au régime des biens de retour, tel que cela a été établi par le Conseil d'État. Dans une décision d'assemblée en date du 21 décembre 2012, Commune de Douai, req. nº 342 788, la haute juridiction administrative a en effet décidé que « l'ensemble des biens meubles ou immeubles, nécessaires au fonctionnement du service public » dont la convention a mis « à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition » constituent une catégorie de biens qui font retour gratuitement à l'autorité concédante, à l'issue de la convention. La section du contentieux, dans une décision en date du 29 juin 2018, ministre de l'intérieur c. communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye, req. nº 402 251, a précisé que ce régime s'appliquait également aux biens qui étaient la propriété du concessionnaire avant le début de la convention. Cette solution est justifiée par le fait que les biens ainsi acquis ont fait l'objet d'une rétribution au concessionnaire. En effet, d'une part, le concessionnaire peut amortir le coût de ces équipements, pendant la durée de la concession, à l'aide du prix payé par les usagers du service ; d'autre part, et à défaut, l'autorité concédante lui doit une indemnité, lorsque les biens ne peuvent être amortis si la durée de la concession est inférieure à celui de l'amortissement, que cela soit décidé ab initio, ou que la concession ait été résiliée de manière anticipée, pour faute du cocontractant ou pour motif d'intérêt général. S'agissant de l'application de ce régime à la situation des concessionnaires de remontées mécaniques qui étaient propriétaires de leurs équipements avant la loi nº 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, ceux-ci disposaient, aux termes de la loi susmentionnée, d'une période transitoire de quatorze ans pour faire le choix, soit de la cession onéreuse de leur équipement à la collectivité compétente, soit du régime conventionnel. Pour ceux qui ont choisi le second cas, il n'est pas douteux que l'apport des équipements par le concessionnaire a été pris en compte au stade de la négociation du contrat. Dans le cas contraire et si la situation aboutit à un déséquilibre contractuel, que le consentement du concessionnaire a été vicié, ou bien qu'une évaluation erronée des biens apportés a été faite de bonne foi, alors le concessionnaire est fondé à faire valoir ses droits à indemnité (Cons. d'État, Ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. nº 304 802, p. 509).
Auteur : Mme Typhanie Degois
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : Cohésion des territoires
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Dates :
Question publiée le 9 octobre 2018
Réponse publiée le 16 avril 2019