Extraterritorialité du droit américain et enjeu des « américains accidentels »
Question de :
M. Jean-Luc Lagleize
Haute-Garonne (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Jean-Luc Lagleize appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la question de l'extraterritorialité du droit américain et sur l'enjeu des « américains accidentels ». Le terme d'« américain accidentel » désigne une personne possédant plusieurs nationalités dont la nationalité américaine, sans avoir d'attachement particulier aux États-Unis d'Amérique. Sont généralement désignés « américains accidentels » des personnes qui ont acquis la nationalité américaine à la naissance via le jus soli compte tenu de leur naissance sur le territoire des États-Unis d'Amérique ; qui ont bénéficié dès la naissance d'une autre nationalité transmise par l'un des deux (ou les deux) parents qui n'est pas (ou ne sont pas) citoyen(s) américain(s) et à laquelle il n'a jamais été renoncé depuis la naissance ; qui ont quitté les États-Unis d'Amérique au cours de leur enfance ; qui n'ont jamais travaillé ou, plus largement, résidé de façon permanente aux États-Unis d'Amérique après leur majorité. En France, les « américains accidentels » sont confrontés à l'extraterritorialité de la législation fiscale américaine depuis la promulgation de la loi n° 2014-1098 du 29 septembre 2014 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA »). Le Foreign account tax compliance act (FATCA) est un règlement du code fiscal des États-Unis d'Amérique qui oblige les banques des pays ayant accepté l'accord à signer avec le Département du Trésor des États unis d'Amérique un accord dans lequel elles s'engagent à lui communiquer tous les comptes détenus par des citoyens américains. Les États-Unis d'Amérique sont un des rares pays à faire reposer le statut de contribuable sur la nationalité plutôt que sur la résidence. Or, ce système impose à tout individu possédant la nationalité américaine, y compris la double-nationalité franco-américaine, de déclarer ses revenus et comptes bancaires annuellement auprès de l'administration fiscale américaine, ou internal revenue service (IRS), et ce même s'il vit et travaille à l'étranger. En France, le montant des impôts payés agit comme un crédit d'impôt pour l'impôt dû aux États-Unis d'Amérique. Sur le plan international, le Foreign account tax compliance act (FATCA) semble consacrer l'extraterritorialité du droit fiscal américain, c'est-à-dire sa primauté de facto sur le droit des autres pays du monde, y compris dans l'Union européenne. Il appelle donc son attention sur la question de l'extraterritorialité du droit américain et sur l'enjeu des « américains accidentels ».
Réponse publiée le 18 décembre 2018
En matière de fiscalité, les États-Unis appliquent le principe de l'imposition sur la base de la citoyenneté, celle-ci pouvant s'acquérir par la seule naissance sur le sol américain. Les citoyens français, qui ont aussi la nationalité américaine, sont ainsi tenus par le droit américain de procéder à une déclaration de leurs revenus auprès des services fiscaux de ce pays et d'acquitter les impôts dus sous réserve de franchises applicables. Il en va d'ailleurs de même pour tous les citoyens américains résidant en France. Il s'agit là d'un principe ancien. Une convention fiscale bilatérale ayant été conclue entre la France et les États-Unis en vue d'éviter les doubles impositions, ce n'est que dans les cas où l'impôt français est inférieur à celui dû aux États-Unis ou que certains revenus ne sont pas imposés, de façon effective, en application du droit fiscal français et sont, par ailleurs taxables selon la législation des États-Unis, qu'une imposition complémentaire peut être demandée par les autorités fiscales américaines. Le 14 novembre 2013, la France a signé un accord intergouvernemental, dit « accord FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act), relatif au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers. Entré en vigueur le 14 octobre 2014, cet accord fixe un cadre pour l'échange automatique et réciproque d'informations fiscales entre la France et les États-Unis. À défaut, la loi « FATCA » que les États-Unis ont adoptée en 2010 aurait obligé tous les établissements financiers à transmettre directement à l'administration fiscale américaine des informations détaillées sur les comptes détenus directement ou indirectement par des contribuables américains. Ainsi, l'administration américaine dispose d'informations plus exhaustives sur l'ensemble des ressortissants américains, dont les « américains accidentels », c'est-à-dire certains citoyens français ayant également la nationalité américaine, notamment du fait de leur naissance sur le sol américain, mais n'ayant pas de liens particuliers avec les États-Unis. Cette administration considère qu'en application de la législation des États-Unis, les « américains accidentels » auraient dû accomplir les démarches déclaratives incombant à tout ressortissant américain. Cette problématique ne concerne pas les seuls binationaux français : le Mexique et le Canada sont particulièrement concernés, de même que d'autres États, notamment européens. Le Gouvernement, par le biais du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a sollicité l'attention des autorités américaines sur ces situations particulières et plaidé en faveur d'une renonciation facilitée à la nationalité américaine pour ces « américains accidentels », étant entendu que les conditions d'octroi de la nationalité et le principe de l'imposition, sur la base de la citoyenneté, relèvent de la compétence souveraine des États-Unis. Un courrier a également été adressé au secrétaire au Trésor américain le 8 mai 2017 par la présidence de l'Union européenne, appelant son attention sur les difficultés concrètes rencontrées par certains citoyens européens ayant également la nationalité américaine. Les représentants de l'administration fiscale française ont, par ailleurs, engagé des contacts et un dialogue avec les services fiscaux américains pour proposer que dans les situations où, comme c'est le cas pour les « américains accidentels », les liens avec les États-Unis sont ténus, la procédure de renonciation à la nationalité soit rendue plus simple et moins coûteuse au regard des obligations fiscales qui en découlent. La France est, à cet égard, l'un des États les plus mobilisés et espère des avancées concrètes de la part des autorités américaines. C'est pourquoi le dialogue sera poursuivi. Enfin, le Gouvernement reste vigilant quant au respect par les banques de leurs obligations envers les personnes de nationalité américaine, afin que le droit au compte leur soit reconnu et soit appliqué de manière effective. À cet égard, il est rappelé qu'il existe une procédure de recours devant la Banque de France permettant de contraindre une banque à accepter l'ouverture d'un compte, l'établissement étant alors désigné par la Banque de France.
Auteur : M. Jean-Luc Lagleize
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Dates :
Question publiée le 9 octobre 2018
Réponse publiée le 18 décembre 2018