Situation préoccupante des usagers et des agents de Pôle emploi
Question de :
M. Paul Molac
Morbihan (4e circonscription) - Libertés et Territoires
M. Paul Molac attire l'attention de Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la situation préoccupante des personnes actuellement en recherche d'emploi ainsi que sur l'inquiétude grandissante des agents de Pôle emploi dans un contexte économique très largement dégradé par la crise sanitaire. Le meurtre sauvage d'un agent à Valence a provoqué une très vive émotion dans toutes les agences de l'établissement public. Cet événement douloureux a directement accentué l'inquiétude des agents Pôle emploi quant à leur sécurité et leurs conditions de travail dans le contexte économique difficile actuel. La pandémie de coronavirus provoque une hausse du nombre de demandeurs d'emploi et ce malgré les mesures de chômage partiel. Cette augmentation du nombre de chômeurs, qui risque de s'amplifier au cours de l'année 2021, crée un climat de tension important car, logiquement, le portefeuille de demandeurs d'emploi de chaque agent augmente. Certains redoutent qu'il puisse y avoir d'autres comportements complètement irrationnels et une augmentation des violences. Aujourd'hui, un conseiller Pôle emploi gère en moyenne un portefeuille de 300 à 600 demandeurs d'emploi. Ce nombre important complique le suivi et les mises à jour des situations individuelles. L'augmentation prévisible du nombre de personnes sans emploi va conduire à une surcharge de travail pour les agents qui ne pourront pas honorer correctement leurs missions. Les différents syndicats alertent d'ailleurs depuis plusieurs années sur le manque de moyens humains et la dégradation du service rendu par l'établissement public. La déshumanisation du service, avec la priorité donnée au numérique et le recours systématique aux services en ligne, laisse beaucoup de personnes sans-emploi sans réponse adaptée. La digitalisation et l'optimisation des effectifs qui en résulte ont atteint leurs limites. Car, avec des calculs d'allocations automatisés auxquelles s'ajoutent des mesures coercitives de retour à l'emploi et des conditions d'accompagnement détériorées, la colère et la frustration de bon nombre d'usagers créent des tensions profondes, pouvant aller jusqu'aux agressions verbales ou physiques et aux menaces de mort, voire à l'irréparable. À l'heure où il paraîtrait nécessaire de renforcer les dispositifs d'accompagnement, des coupes budgétaires significatives se poursuivent malgré tout avec, pour exemple, la forte diminution annoncée de la subvention Unédic pour 2022. Le désengagement de l'État vers le service public de l'emploi s'illustre également au travers de la précarisation accrue des agents recrutés : augmentation des contrats courts, des temps partiels, du recours à des volontaires en service civique etc. Dans ce contexte, il demande quelles mesures de renforcement des missions de service public le Gouvernement entend prendre en la matière, que ce soit dans l'intérêt des agents ou des usagers du service.
Réponse en séance, et publiée le 3 mars 2021
SITUATION DES USAGERS ET DES AGENTS DE PÔLE EMPLOI
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac, pour exposer sa question, n° 1321, relative à la situation des usagers et des agents de Pôle emploi.
M. Paul Molac. Dans un contexte économique dégradé par la crise sanitaire, la situation des personnes en recherche d'emploi est préoccupante, tout comme l'inquiétude grandissante des agents de Pôle emploi au sujet de leurs conditions de travail et de leur sécurité – inquiétude accrue par le meurtre de l'une d'entre eux, à Valence, qui a suscité une vive émotion.
Malgré le dispositif de chômage partiel, la pandémie a provoqué une hausse du nombre de demandeurs d'emploi, qui risque encore de s'amplifier au cours de l'année 2021, créant un climat de tension ; car, logiquement, chaque agent doit gérer de plus en plus de dossiers. Certains redoutent une augmentation des comportements irrationnels et de la violence. Aujourd'hui, le portefeuille d'un conseiller de Pôle emploi contient en moyenne les dossiers de 300 à 600 chômeurs : l'augmentation prévisible de leur nombre entraînera une surcharge de travail ; les agents ne pourront donc pas forcément remplir leur mission. Les syndicats signalent d'ailleurs depuis des années le manque de moyens humains et la dégradation de la qualité du service – la priorité donnée au numérique, le recours systématique aux services en ligne, l'ont en effet déshumanisé et ont privé nombre de sans-emploi d'une réponse adaptée. La numérisation et l'optimisation des effectifs qui en résulte atteignent leurs limites. Avec des calculs d'allocations automatisés, des mesures de retour à l'emploi coercitives, des conditions d'accompagnement détériorées, la colère et la frustration de bon nombre d'usagers créent des tensions profondes, pouvant déboucher sur des agressions verbales ou physiques, voire sur l'irréparable.
À l'heure où il serait nécessaire de renforcer les dispositifs d'accompagnement, des coupes budgétaires significatives continuent d'être pratiquées : une forte diminution de la subvention UNEDIC a par exemple été annoncée pour 2022. Ce désengagement de l'État se manifeste également par la précarisation des agents du service public de l'emploi : augmentation des contrats courts, des emplois à temps partiel, du recours aux volontaires du service civique.
Dans cette conjoncture économique malheureusement défavorable, je souhaite donc savoir quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour renforcer les missions du service public de l'emploi, que ce soit dans l'intérêt des agents ou dans celui des usagers.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion. Les conseillers de Pôle emploi accompagnent des personnes qui vivent une situation difficile : la perte de leur emploi, à laquelle s'ajoutent parfois d'importantes difficultés sociales. Les événements récents nous ont douloureusement prouvé que cette tension pouvait dégénérer.
Je rappelle qu'avant le drame de Valence, Pôle emploi disposait déjà d'une politique de sécurité avancée : formation des conseillers aux situations difficiles, alarmes silencieuses, partenariats avec les forces de l'ordre. Désormais, les diagnostics de sécurité vont être accélérés, en vue de définir une nouvelle politique de protection des agences ; le suivi des signalements d'agression sera renforcé. Parallèlement, Pôle emploi a reçu dès l'automne dernier des personnels supplémentaires, afin de faire face à l'augmentation du nombre des demandeurs d'emploi : 2 150 conseillers ont ainsi été recrutés, formés grâce à un tutorat, et sont à présent opérationnels. Plus récemment, le comité interministériel des villes a décidé de renforcer les effectifs de soixante-six agences situées dans des quartiers prioritaires.
Je ne partage pas votre constat d'une dégradation du service rendu par Pôle emploi. Le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi, comme celui des entreprises, est en hausse constante depuis plusieurs années et dépasse aujourd'hui 75 %. Je profiterai donc de votre question pour remercier tous les agents de leur engagement quotidien.
Enfin, nous avons bien mesuré l'impact de la crise économique sur les ressources de l'UNEDIC et donc sur celles de Pôle emploi. La ministre du travail, Élisabeth Borne, veillera tout particulièrement à ce que soit trouvée une solution permettant de maintenir le niveau de cette ressource ou de compenser sa diminution.
Auteur : M. Paul Molac
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Travail, emploi et insertion
Ministère répondant : Travail, emploi et insertion
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 février 2021