Question orale n° 1324 :
Répartition des médecins sur le territoire

15e Législature

Question de : M. Thierry Benoit
Ille-et-Vilaine (6e circonscription) - UDI et Indépendants

M. Thierry Benoit attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la réforme de la PACES et la répartition des médecins sur le territoire. Lors des questions d'actualité au Gouvernement du 26 janvier 2021, M. le député a pu attirer l'attention de M. le ministre sur les déserts médicaux et sur la difficulté que les citoyens éprouvent à trouver un médecin traitant. Malgré les réformes successives, force est de constater que l'offre de soins s'éloigne toujours un peu plus des citoyens et laisse apparaître des déserts médicaux dans beaucoup de territoires. À la question de M. le député, M. le Ministre a répondu que la suppression du numerus clausus était un premier pas mais qu'il faudrait du temps avant que de nouveaux médecins soient formés. Or la suppression du numerus clausus ne permet pas aujourd'hui de former plus de médecins qu'auparavant. L'instauration d'un numerus apertus, laissant libre soin aux universités de fixer le nombre de médecins formés chaque année, n'a pas permis d'augmenter partout sur le territoire le nombre de médecins formés. Si les universités n'ont pas les capacités d'accueillir plus d'étudiants en médecine, alors il faut investir plus massivement dans les universités, ceci d'autant plus que les facultés parisiennes ont su accueillir sensiblement plus d'étudiants en médecine (33 % en moyenne) qu'ailleurs sur le territoire en 2019-2020, année pour ces facultés parisiennes d'application de la réforme. De la même manière que les médecins ne peuvent pas tous se concentrer dans les grandes agglomérations, il est difficilement concevable de laisser les étudiants en médecine se masser dans les universités de la capitale. Il est donc urgent d'augmenter le numerus (+ 33 %) pour cette année de transition pour l'ensemble de la France qui pénalise trop fortement les actuels étudiants de première année. Par ailleurs, l'argument de l'incapacité des centres hospitaliers universitaires à accueillir davantage de stagiaires est bien souvent avancé. Il n'est pas opérant car il ne s'agit ici que d'une question d'organisation. On pourrait ainsi solliciter la participation des hôpitaux périphériques et des cliniques privées. Dans la continuité de la question d'actualité au Gouvernement susmentionnée, on pourrait conventionner les médecins dans la région où ils ont effectué leurs études, pour quelques années. Nombreux seraient ceux qui s'y installeraient définitivement. En conclusion, il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour augmenter réellement le nombre de médecins formés chaque année et de façon urgente pour cette année de transition et de covid.

Réponse en séance, et publiée le 3 mars 2021

RÉPARTITION TERRITORIALE DES MÉDECINS
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour exposer sa question, n°  1324, relative à la Répartition territoriale des médecins.

M. Thierry Benoit. Ma question porte sur l'installation des médecins dans les territoires. Il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, j'ai interpellé M. le ministre des solidarités et de la santé sur la régulation de l'installation des médecins et sur leur conventionnement, au même titre qu'il existe un conventionnement des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers. Dans sa réponse, Olivier Véran a rappelé les différentes actions entreprises par le Gouvernement et mentionné notamment la suppression du numerus clausus, c'est-à-dire l'augmentation du nombre d'étudiants en médecine destinés à être de futurs médecins.

Récemment, des étudiants en médecine et des parents m'ont à leur tour interpellé sur la réforme de la première année commune aux études de santé – PACES. Il est tout à fait extraordinaire que, dans un pays de près de 67 millions d'habitants, 6 à 7 millions de nos concitoyens n'aient pas de médecin référent…

M. Fabien Roussel. Oui !

M. Thierry Benoit. …alors qu'un très grand nombre de jeunes Français veulent embrasser cette carrière ! Comme de nombreux Français, j'ai vu le film Première année de Thomas Lilti : il montre parfaitement la sélection qui existe en première année de médecine et tout ce qui est fait pour couper les pattes aux étudiants désireux de devenir médecins.

Aujourd'hui, il n'existe donc plus de numerus clausus dans les études de médecine, mais un numerus apertus, puisqu'on demande aux universités d'ouvrir un plus grand nombre de places pour les étudiants en médecine selon les besoins exprimés par les territoires. Encore faut-il que les universités en aient la capacité. Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, nous avons la chance d'avoir un centre hospitalier universitaire à Rennes et des hôpitaux de proximité à Saint-Malo, à Redon, à Vitré et à Fougères, ce qui ouvre des perspectives en matière de formation des étudiants de médecine au plus près des territoires.

Nous devons veiller à ce que les étudiants en médecine ne soient pas concentrés uniquement dans les grandes métropoles, à ce que le numerus apertus se traduise par un nombre de places réellement plus important et à ce que la PACES ne soit pas une barrière infranchissable. Il est terrible de constater qu'un nombre croissant de jeunes Français se rendent à l'étranger pour se former à la médecine et pour pouvoir exercer ensuite en France. Nous ne pouvons évidemment pas l'accepter. Tel est le sens de mon interpellation, madame la ministre déléguée.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. La problématique de l'accès aux soins en ville comme à l'hôpital est un sujet de préoccupation majeur que nous avons en partage, monsieur Benoit, étant moi-même d'un territoire confronté au problème de la démographie des médecins et de la désertification médicale. C'est avec énergie et détermination que nous entendons, avec Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, lever les obstacles et apporter des réponses à la crise que traversent de nombreux territoires.

La situation que nous connaissons est le résultat de plusieurs facteurs dont nous héritons. De mauvaises décisions ont conduit à la formation de moins de 4 000 médecins par an de 1991 à 2000. En outre, l'évolution des besoins et de la démographie médicale n'a pas été suffisamment anticipée. Enfin, les pratiques et les conditions d'exercice se sont radicalement transformées sans être non plus anticipées.

C'est en raison de ces différents constats que nous avons d'ores et déjà procédé à la suppression du numerus clausus, mais celle-ci n'aura de véritable impact qu'au terme de la formation de nos futurs jeunes professionnels de santé, malgré le travail des facultés.

Envisager une régulation des installations ne paraît pas opportun : d'une part, le nombre de zones surdenses a été surévalué – il n'y en a pas des centaines dans notre pays ; d'autre part, j'ai pu le constater, l'exercice en libéral est de moins en moins privilégié par les nouveaux professionnels qui préfèrent une activité partagée entre l'hôpital et le cabinet – seuls 11 % d'entre eux choisissent le mode d'exercice libéral exclusif. Vous le voyez, ce n'est donc pas seulement une question d'ouverture et de formation : nous avons bien affaire à une question culturelle, que nous n'avons peut-être pas anticipée et qui tient à la façon dont les nouveaux médecins souhaitent exercer leur métier.

Nous optons donc pour des outils permettant de former davantage et de mieux coordonner les professionnels, afin de libérer du temps médical. Le maillage du territoire est renforcé par les CPTS – communautés professionnelles territoriales de santé –, et l'accès aux soins par les délégations de tâches et le développement des outils de télémédecine. Paradoxalement, la crise sanitaire a d'ailleurs permis de passer de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine, pic atteint en avril dernier.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Naturellement, je me garderai bien de vous donner des consignes, madame la ministre déléguée, mais permettez-moi tout de même d'insister afin de relayer la préoccupation des jeunes étudiants en médecine.

Ils demandent d'abord que le numerus apertus fixé par les universités pour déterminer le nombre d'étudiants en première année soit le plus élevé possible. Je trouve cette demande légitime, sachant que 25 % d'une classe d'âge souhaite embrasser une carrière dans le secteur de la médecine : les jeunes Français veulent faire médecine ! Il faut donc un nombre élevé d'étudiants en première année.

Il faut ensuite que dans le cadre de leur cursus de formation, les étudiants se forment évidemment dans les CHU mais aussi dans les hôpitaux de proximité. Si nous pouvions former des médecins dans nos territoires – par exemple celui où je vis, à Fougères –, ils s'y installeraient certainement, attirés par la qualité de vie dont nous disposons.

Données clés

Auteur : M. Thierry Benoit

Type de question : Question orale

Rubrique : Professions de santé

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 février 2021

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