Question orale n° 1327 :
Situation des Français de l'étranger et droit au rapatriement

15e Législature

Question de : M. M'jid El Guerrab
Français établis hors de France (9e circonscription) - Agir ensemble

M. M'jid El Guerrab attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, sur les mesures de restriction de déplacement des Français de l'étranger et à la possibilité de créer un « droit au rapatriement ». Depuis maintenant presqu'un an, le transport aérien est quasiment à l'arrêt. Les compagnies subissent de plein fouet la résurgence de l'épidémie de covid-19 et ses nombreux variants. Beaucoup risquent de disparaître, les États ne pouvant continuer à toutes les aider. Selon Eurocontrol, qui suit les vols en Europe, le trafic était en baisse, le 27 janvier 2021, de 66 % par rapport à 2019, le dernier exercice « normal ». L'horizon auquel le secteur s'attend à retrouver son niveau d'activité d'avant-crise s'éloigne encore un peu plus. Or, pendant ce temps-là, de nombreuses contraintes se font de plus en plus ressentir sur les 3,5 millions de Français qui vivent à l'étranger. Pour eux, l'expérience de la pandémie ne ressemble en rien à celle de leurs concitoyens, alors les récentes interdictions de circuler n'ont fait qu'accroître les difficultés financières, professionnelles et familiales. M. le député pense notamment à ces milliers de couples séparés de part et d'autre de la Méditerranée et dont les espoirs de regroupements et de retrouvailles à court terme s'amenuisent de jour en jour. Il y a par ailleurs beaucoup d'incompréhension de la part notamment des Français qui résident hors de l'Union européenne, soumis à des motifs impérieux, alors qu'ils vivent dans des pays où le taux d'incidence est plus faible et que les campagnes de vaccination sont beaucoup plus avancées qu'en Europe, comme au Maroc par exemple. Ils ne doivent plus avoir l'impression de se sentir comme des « parias » ou des « citoyens de seconde zone ». Ainsi la question du « droit au rapatriement », avec un effet inaliénable, se pose très sérieusement. Par ailleurs, il apparaît urgent d'imaginer des dispositifs d'aides tarifaires qui peuvent être mis en place auprès des compagnies aériennes pour soutenir à la fois les Français qui résident à l'étranger, soumis à l'achat de billets exorbitant, mais également pour appuyer le secteur touristique qui emploie énormément de Français de l'autre côté de la Méditerranée. Il faut soutenir tous ces ambassadeurs du « savoir-faire » et du « savoir-être » à l'étranger. Ainsi, il souhaite alerter le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les Français qui résident dans des pays hors-UE suite aux restrictions de déplacements qui leur sont imposées et lui demander au Gouvernement d'accélérer sa réflexion sur le « droit au rapatriement » pour tous les Français, où qu'il se trouvent.

Réponse en séance, et publiée le 24 mars 2021

RAPATRIEMENT DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER
M. le président. La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour exposer sa question, n°  1327, relative au rapatriement des Français de l'étranger.

M. M'jid El Guerrab. Avec cette question adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur les mesures de restriction de déplacements des Français de l'étranger et sur la possibilité de créer formellement un droit au rapatriement ou, plus exactement, un droit au retour sur le territoire national.

Depuis maintenant presque un an, le transport aérien est quasiment à l'arrêt. Les compagnies subissent de plein fouet la résurgence de l'épidémie de covid-19 et ses nombreux variants. Beaucoup de ces compagnies risquent de disparaître, les États ne pouvant plus continuer à toutes les aider. Or, pendant ce temps, de nombreuses contraintes se font de plus en plus lourdement sentir pour nos 3,5 millions de compatriotes qui vivent à l'étranger.

Le Conseil d'État, dans une décision du 12 mars dernier, a supprimé l'obligation de justifier de motifs impérieux pour revenir en France, et le Gouvernement est allé plus loin encore, puisque la mesure a depuis lors été élargie aux conjoints de Français qui n'auraient pas la nationalité française. Je ne peux donc que me réjouir de telles mesures et de telles avancées, pour lesquelles moi-même et d'autres collègues parlementaires nous sommes beaucoup mobilisés derrière vous.

En effet, nos compatriotes qui vivent à l'étranger ne doivent plus avoir l'impression d'être un peu les oubliés de la mère-patrie : c'est pourquoi la question du droit au retour sur le territoire national, avec un effet inaliénable, se pose très sérieusement. Je souhaite donc alerter le Gouvernement quant aux difficultés que rencontrent encore, dans leur vie personnelle et professionnelle, les Français qui résident dans des pays hors Union européenne, et vous demander comment nous pouvons accélérer la réflexion sur l'idée d'un droit au retour sur le territoire national, ainsi que, plus largement, sur le statut des Français de l'étranger et leur place au sein de la République.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Merci pour cette question, monsieur le député, car vous avez été au cœur de l'action diplomatique visant à assurer un retour à nos compatriotes qui, voilà un an, se sont tout à coup trouvés bloqués par le rétablissement des frontières. Un chiffre vaut mieux que mille mots : ce sont 370 000 Français de passage à l'étranger que nous avons ramenés à la maison, si vous me permettez cette expression, avec une opération logistique des plus complexes. Aux Philippines, par exemple, il a fallu aller chercher de petits groupes de Français dans de petites îles pour les ramener dans de moyennes îles, puis dans la grande île, et enfin à Paris. Tout cela s'est fait en coopération active avec vous-même et au moyen de divers outils que nous avions mis en place avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France et les conseils des Français de l'étranger. Je tiens à saluer également l'action du CDCS, le centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui a été la cheville ouvrière de tous ces rapatriements.

L'action a donc été forte, et elle a d'ailleurs été reconnue par la Cour des comptes qui, dans son rapport annuel paru voilà quelques jours, a salué une opération menée à coûts maîtrisés. Nous pouvons donc nous réjouir de l'efficacité non seulement de cette action mais aussi en matière de coût pour les finances publiques, même si, naturellement, lorsqu'il s'agit de nos compatriotes établis hors de France, on ne compte pas.

Comme vous le savez, nous avons aussi mis en place un plan de 220 millions d'euros, car certains de nos compatriotes ont fait le choix de rester dans leur pays de résidence – ce qui est normal car, lorsqu'on y établit sa vie, il est important de pouvoir préserver tout ce qui a été fait sur place. Ce plan continue à s'appliquer et nous demandons naturellement de pouvoir reconduire tout au long de 2021 ce dispositif d'aide sociale, éducative et médicale. Après avoir acheminé des médicaments et la télémédecine, nous travaillons activement sur la vaccination, afin de trouver des solutions pour les 16 % de Français de l'étranger résidant dans des zones qui ne disposent pas de vaccins homologués par l'Union européenne. Là encore, vous êtes au cœur de cette démarche.

Pour ce qui est du droit au rapatriement, il est clair que le fait de pouvoir revenir dans son pays est une liberté fondamentale, comme vous l'avez dit. L'obligation de justifier de motifs impérieux était une mesure très temporaire, qui a d'ailleurs été assouplie, puis suspendue. Nous avons nous-mêmes élargi cette suspension non seulement aux conjoints des Français établis hors de France, mais également à leurs enfants.

Cependant, graver un tel droit dans quelque marbre que ce soit demande une réflexion juridique, car ce droit pourrait parfois être contrarié par des mesures prises par les autorités du pays de résidence. On a vu en effet dans certains pays que des résidents français qui reviendraient en France auraient beaucoup de difficulté à regagner leur pays de résidence – nous en avons plusieurs exemples dans les Amériques et en Asie. Un travail reste donc à conduire sur le plan juridique pour que ce droit soit non pas seulement formel, mais aussi réel. Toujours est-il que l'année qui vient de s'écouler a montré que, lorsque nous sommes confrontés à ces situations, les autorités françaises et le Gouvernement ne ménagent pas leur peine pour permettre le retour à la maison des enfants du pays.

Données clés

Auteur : M. M'jid El Guerrab

Type de question : Question orale

Rubrique : Français de l'étranger

Ministère interrogé : Tourisme, Français de l'étranger et francophonie

Ministère répondant : Tourisme, Français de l'étranger et francophonie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2021

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