15ème législature

Question N° 1329
de M. Philippe Latombe (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > propriété intellectuelle

Titre > Demande de précisions sur la copie privée

Question publiée au JO le : 16/03/2021
Réponse publiée au JO le : 24/03/2021 page : 2951

Texte de la question

M. Philippe Latombe interroge Mme la ministre de la culture sur la copie privée, à travers trois questions précises qui appellent des réponses précises : Mme la ministre peut-elle confirmer que la redevance copie privée, à la lumière des arrêts du Conseil d'État et de la directive européenne afférente, est une « indemnisation » des ayants droit en contrepartie du droit pour les particuliers d'effectuer pour des besoins personnels une copie des œuvres, et non une réelle rémunération, terme malencontreux utilisé dans le code de la propriété intellectuelle, laquelle serait en pareil cas socialisée et fiscalisée comme un salaire ? Sa deuxième question est liée au stream ripping. Les œuvres obtenues par cette méthode sont-elles bien des contrefaçons et par conséquent illégalement détenues, ainsi que les considère l'Hadopi ? Enfin, il lui demande si elle peut lui confirmer que le Gouvernement a accédé à la demande des sociétés d'ayants droit de soumettre à la redevance copie privée les supports reconditionnés, notamment les smartphones ; une telle décision, qui verrait la marge des entreprises de reconditionnement réduite quasi à néant, serait préjudiciable pour l'environnement car la filière, dont beaucoup d'entreprises jouent également un rôle d'insertion, à l'image des ateliers Emmaüs ou de recycleries spécialisées sur les territoires, ne serait plus rentable.

Texte de la réponse

COPIE PRIVÉE


M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe, pour exposer sa question, n°  1329, relative à la copie privée, à Mme la ministre de la culture – à qui nous pensons tous ce matin.

M. Philippe Latombe. Monsieur le président, je souhaitais poser effectivement une question à Mme la ministre de la culture, mais je sais que, comme elle ne peut pas être présente, Mme la ministre déléguée chargée du logement répondra à sa place.

Je poserai trois questions précises qui appellent des réponses précises.

Premièrement, pouvez-vous confirmer, à la lumière des arrêts du Conseil d'État et de la directive européenne afférente, que la redevance pour copie privée est une indemnisation des ayants droit en contrepartie du droit pour les particuliers d'effectuer pour des besoins personnels une copie des œuvres, et que ce n'est pas une réelle rémunération, comme le laisse penser l'utilisation malencontreuse de ce terme dans le code de la propriété intellectuelle, qui impliquerait que ladite redevance soit socialisée et fiscalisée comme un salaire ?

Deuxièmement, les œuvres obtenues par la méthode du stream ripping sont-elles bien des contrefaçons, considérées à ce titre comme illégalement détenues, ainsi que le considère la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet – HADOPI ?

Troisièmement, pouvez-vous confirmer que le Gouvernement a accédé à la demande des sociétés d'ayants droit de soumettre à la redevance pour copie privée les supports reconditionnés, notamment les smartphones ? Une telle décision, qui verrait la marge des entreprises de reconditionnement réduite à néant, serait préjudiciable pour l'environnement car la filière, dont beaucoup d'entreprises jouent également un rôle d'insertion, à l'image des ateliers d'Emmaüs ou de recyclerie spécialisés sur les territoires, ne serait donc plus rentable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Monsieur le député, je réponds à la place de Mme Roselyne Bachelot à qui je transmettrai vos vœux de prompt rétablissement. J'ai bien entendu votre souhait d'obtenir une réponse précise à vos trois questions précises, et je vais m'y efforcer.

Votre première question concerne la nature de la rémunération pour copie privée. Ce mécanisme est prévu aux articles L. 311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Ce n'est ni un salaire au sens du droit social, ni une taxe au sens du droit fiscal : c'est un prélèvement à caractère privé qui revêt la même nature que le droit d'auteur et les droits voisins dont elle constitue une modalité particulière d'exploitation. Conformément au droit européen, cette rémunération constitue la compensation équitable destinée à indemniser les ayants droit à raison du préjudice causé par l'exception légale de copie privée qui permet aux possesseurs de supports d'enregistrement de reproduire licitement les œuvres et prestations protégées à des fins privées sans solliciter l'autorisation des ayants droit concernés.

Votre deuxième question porte sur le stream ripping. Cette pratique est légale et la copie qui en résulte relève de l'exception pour copie privée, telle que prévue par la loi si plusieurs conditions sont réunies : elle doit être réalisée à partir d'une source licite à la demande de l'utilisateur sans être stockée par le convertisseur, et aucun contournement de mesures techniques de protection ne doit être effectué. C'est au regard de ces conditions que la commission pour la rémunération de la copie privée a pris en considération une partie des copies issues du stream ripping afin d'élaborer les barèmes qu'elle a adoptés. Cette prise en compte des sources issues du stream ripping par la commission a été validée par le Conseil d'État dans un arrêt rendu le 27 novembre 2019.

Enfin, votre dernière question porte sur les supports reconditionnés. Pour l'heure, l'exonération de ces supports a été écartée par le Gouvernement et l'examen de pistes alternatives est à l'étude, en particulier l'instauration par la commission pour la rémunération de la copie privée d'un barème spécifique applicable aux supports reconditionnés avec abattement. La commission a débuté l'examen de cette question par une phase d'auditions, notamment celle du syndicat qui représente les entreprises du reconditionnement, reçu le 2 mars dernier. Ce barème adapté permettra, je le crois, de répondre aux craintes exprimées par les acteurs du reconditionnement tout en préservant une source de revenus primordiale pour les acteurs culturels qui souffrent particulièrement en cette période de crise sanitaire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. Pour avoir auditionné les entreprises du reconditionnement, je peux vous dire très franchement qu'elles ont été très surprises de la façon dont elles ont été auditionnées. On les a écoutées poliment mais, sitôt leur audition terminée, la décision a été prise par la commission de proposer de soumettre les objets reconditionnés à cette taxe – à des montants ne permettant pas à ces entreprises, qui pour la plupart sont des entreprises de l'économie sociale et solidaire et qui jouent un rôle d'insertion, de dégager de marge.

On ne peut pas, d'un côté, dire aux Français qu'ils doivent recycler les smartphones dont leurs tiroirs sont pleins et, de l'autre, mettre à mal par cette taxe la filière de recyclerie, qui est aussi une filière d'insertion qui fait monter en compétence des personnes qui étaient loin de l'emploi et leur permet de trouver des emplois dans les métiers de l'électronique, qui sont des métiers d'avenir.

Je répète qu'à l'origine la redevance pour copie privée était faite pour l'ensemble de la durée de vie de l'appareil. Cela veut dire qu'à une redevance initiale pour copie privée, qui doit porter sur l'intégralité du cycle de vie de l'appareil, s'ajouterait une seconde redevance pour copie privée qui serait éventuellement soumise à abattement. Deux redevances pour copie privée pour le même appareil : ce n'est pas logique.